8.2 Variété des utilisateurs
Dans le module précédent, nous avons vu qu'un même
interface peut s'avérer adéquat pour un novice mais trop lent
pour un expert. Dans cette section, nous traitons de l'importance et de
l'origine des différences de comportement entre les utilisateurs d'un
même logiciel.
Egan (1988) synthétise un grand nombre d'études portant sur
différentes tâches. Les performances des sujets sont
mesurées par le temps nécessaire pour réaliser une
tâche donnée, y compris la correction des erreurs. Au sein d'un
même échantillon, les plus grands écarts entre les
performances du meilleur sujet et celles du moins bon donnent un rapport de 1
à 7 pour le traitement de texte, de 1 à 10 pour la recherche
d'informations et de 1 à 50 pour certaines tâches de
programmation. La comparaison du meilleur et du moins bon est
intéressante, mais elle dépend fortement de cas particuliers.
Aussi, Egan compare le temps moyen du premier et du quatrième quartile
de chaque échantillon: celui du premier quartile est environ deux fois
plus court que celui du quatrième quartile. En d'autres termes, dans
chaque groupe, dans chaque tâche (sauf une), il y a au moins un quart des
sujets dont les performances sont deux fois supérieures à celles
d'un autre quart des sujets. Ceux qui enseignent l'informatique connaissent
bien cette forte hétérogénéité du public.
Selon Egan (1988), les facteurs qui expliquent ces différence
individuelles sont:
- L'expérience du sujet avec le système
considéré constitue la principale source de variation entre
individus. En particulier, au début de l'utilisation d'un
système, un léger plus dans l'expérience peut donner lieu
à une amélioration importante des performances.
- Les performances du sujet sont également fonction de sa
connaissance de la tâche (en dehors de tout système
informatique). En combinant ce critère avec le précédent
(l'expérience), on obtient les trois catégories d'utilisateurs
utilisées pour comparer les styles d'interaction: novice, intermittent
et expert. Le bénéfice de ces connaissances propres à la
tâche semble cependant conditionné à une maîtrise
minimale du système. Ainsi Egan et Gomez (1985) observent que les
compétences dactylographiques du sujet étaient
négativement corrélées à son niveau initial de
performance sur un traitement de texte, en raison de la différence entre
le rôle de la touche 'retour de chariot' sur une machine à
écrire et dans un logiciel de traitement de texte.
- Certains sujets se débrouillent toujours mieux que d'autres avec un
logiciel, quel que soit leur niveau d'expérience. Existe-t-il une
aptitude technique générale ? Selon Egan, celle-ci
comporterait d'une part des compétences spatiales (évaluer un
pattern visuel, localiser des objets à l'écran, ...) et des
capacités de raisonnement (planifier les pas d'une solution, produire
des expressions symboliques).
- Plus globalement, les performances varient selon la
personnalité de l'utilisateur, bien qu'il soit difficile de
mettre en évidence des lois générales sur ce point. Selon
Pocius (1991), les sujets introvertis, peu anxieux et flexibles sont
généralement meilleurs dans les tâches de programmation (ce
qui est différent de la simple utilisation d'un système).
L'anxiété est un paramètre important pour régler la
quantité d'aide à fournir, par exemple de déterminer s'il
est préférable de corriger les erreurs de l'utilisateur ou de
l'empêcher de commettre des erreurs (au risque qu'il ne prenne pas
conscience des limites).
- L'âge constitue également un facteur important. Si on
a pensé à adapter certains systèmes pour les enfants, il
conviendrait également de prêter attention aux personnes
âgées dont les capacités perceptives ou mnémoniques
sont parfois altérées. Dans un étude sur l'interrogation
d'une base de données, Greene et al. (1990) observent que l'âge
est le facteur principal dans l'explication des écarts individuels quant
au temps nécessaire pour élaborer une question. En outre, ils
notent un effet d'interaction entre l'impact de l'âge et le type
d'interface utilisé: les personnes âgées étaient
significativement plus lentes avec des langages reposant sur une syntaxe
complexe, alors que leurs performances valaient celles de plus jeunes lorsque
l'interrogation reposait sur une table.
- La culture et le langage peuvent jouer un rôle. Un utilisateur
chinois, en raison de ses habitudes de lecture, n'explore pas un écran
visuellement de la même manière qu'un francophone
(Schneidermann,1992). Nos conventions en matière d'écriture des
nombres, de l'heure ou de la date diffère par rapport à celles
des anglo-saxons.
- Différences homme/femme (à développer)
D'autres
caractéristiques individuelles ont été
considérées mais n'ont pas donné lieu à des
résultats clairs, notamment l'aptitude verbale (vocabulaire et
compréhension), l'attitude face aux ordinateurs ou la dépendance
du champs (la sensibilité au contexte ou la capacité à
détacher une figure de son fond). Certaines différences entre
individus peuvent les amener à préférer différents
interfaces sans que ces préférences se traduisent part dans leurs
performances.