Quelques exemples de pédagogies



Nous avons rédigé ce chapitre afin d'illustrer nos réflexions théoriques. Ici nous vous présenterons tout d'abord deux méthodes d'alphabétisation qui furent très connues et discutées: celles de Paulo Freire et celle de l'UNESCO: Ensuite nous décrirons une pédagogie plus récente: la méthode Kiko. Pour finir, nous expliquerons une méthode d'apprentissage du calcul, car il ne faut pas oublier que ce domaine fait partie des connaissances de bases.

Attention, les deux premiers exemples ont été appliqués principalement dans le cadre de l'alphabétisation, donc pour des adultes n'ayant jamais été scolarisés. Nous les présentons quand-même d'une part car elles se sont également occuppées d'illettrés, et d'autre part car elles furent très connues.
 
 
 

a) Paulo Freire, l'alphabétisation de conscientisation

Cette méthode fut rendue officielle en 1963, après des résultats encourageants, par le gouvernement populiste de J. Goulart. Elle est encore utilisée de nos jours.

L'idéologie de P. Freire: partant de la "conscience dominée" des milieux ruraux brésiliens, il veut atteindre la "conscience libérée". A "l'éducation – domination", il oppose "l'éducation – libération" (Oury F., Vasquez A., Copferman E. Alphabétisation, pédagogie et lutte, éd. Maspero, Paris, 1973)

Méthode:

1) Relever un "univers vocabulaire" des apprenants.

2) Le formateur choisit des mots – clefs selon:
- L'intérêt du point de vue syllabique
- La difficulté phonétique croissante
- La richesse sémantique

3) Création de situations existentielles typiques du groupe par la présentation et la discussion des mots – clefs. Par exemple le mot "favela" (bidon – ville):
La situation est visualisée sur écran puis décrite et analysée
- On visualise le mot lui – même en indiquant son contenu sémantique
- Le mot est découpé en syllabes puis en familles phonétiques: fa – ve – la
- Le groupe essaie de composer de nouveaux mots à partir des syllabes dont il dispose.

 Discussion:

Le premier point positif est que cette méthode tient compte de la situation des travailleurs, et part de réalité vécue. Le second point concerne le fait que les analphabètes sont entraînés dans un renversement idéologique, en les poussant à être "sujets créateurs" plutôt qu' "objet". En plus le formateur n'est pas dans la position du savant.

En ce qui concerne les points négatifs, notons que le support est idéologique, soit, mais surtout idéaliste. Il y a également l'image du formateur neutre, mais en réalité celui – ci possède aussi une idéologie qu'il peut transmettre.

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b) L'UNESCO, l'alphabétisation fonctionnelle

Lors d'une conférence des ministres de l'éducation nationale de plusieurs pays sous-développés, en 1965 à Téhéran, l'UNESCO a reconnu que l'analphabétisme est l'une des causes de l'échec économique.

 Méthode:

- "présenter un perfectionnement technico professionnel
- en deuxième lieu donner un apprentissage de la lecture, du calcul, et du dessin industriel."
(Oury F., Vasquez A., Copferman E. Alphabétisation, pédagogie et lutte, éd. Maspero, Paris, 1973)

 Discussion

Voyons tout d'abord les points positifs. L'action de l'UNESCO a permis de montrer l'ampleur de l'illettrisme dans les pays sous-développés. De plus cette méthode fait le lien entre alphabétisation et production.

Quant aux points négatifs, relevons que pour une grande partie de la masse populaire, le savoir technico professionnel est tout à fait étranger aux réalités quotidiennes. De plus, cette pédagogie rend l'apprenant passif.

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c) Une méthode récente:la méthode Kiko

La méthode récente que nous avons relevé est une méthode mixte. Les méthodes mixtes sont des méthodes qui encouragent l'attitude active car il s'agit de relever le sens d'un texte et de frayer une voie à l'expression écrite.

 Méthode

1) L'apprenant invente quelques phrases simples, le formateur les lui écrit et les relit pendant que l'apprenant essaie suivre en repassant avec ses doigts sur les lettres au fur et à mesure de la lecture.

2) On fabrique un jeu de dix cartes avec les sons: "un, on, oi, au, eu, en, an, ai, in, ou." Au recto de chaque carte est dessiné un mots dans lequel il y a le son, et chaque apprenant doit étudier ces cartes. Ensuite l'on recommence avec des assemblages de consonnes. Puis l'on peut former de petits mots simples.

3)  "L'écriture en deux couleurs": dès que l'apprenant sait un peu lire, il peut recopier des mots en changeant de couleurs à chaque syllabe.

Illustration
 Discussion

Nous trouvons cette méthode intéressante. Elle découle au début de celle de Freire, car elle part également du vécu de l'apprenant, ce qui à mon avis est bien plus motivant que de partir d'une histoire pour enfant par exemple. De plus l'écriture en deux couleurs oblige à bien articuler le mot.

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d) Le calcul

Il ne faut pas oublier puisqu'il fait partie des critères de l'illettrisme. D'ailleurs le calcul peut servir d'introduction à la lecture et à l'écriture, car apprendre le calcul semble plus simple.

 Méthode

1) Montrer que la base de dix correspond aux dix doigts de la mains.

2) Fabriquer trois tas, de couleurs différentes de numéros allant de zéro à neuf. Ainsi nous avons les unités, les dizaines, et les centaines. De la sorte nous pouvons créer énormément de nombres. Au début il est mieux de faire correspondre des allumettes en les assemblant par dizaines, afin d'avoir un support concret au nombre.

3) Insister sur les nombres "illogiques", tels onze, douze, treize, etc.

4) Mémorisation du défilé des unités, des noms de nombres et du dessin des nombres.

5) Les opérations.

 Discussion

Nous n'avons trouvé que cette méthode pour l'apprentissage du calcul. De toute façon elle va dans le sens de la progression et permet l'apprentissage des chiffres avec leur écriture et en plus un soutient concret. La seule difficulté serait, à mon avis, dans la mémorisation, que nous verrons plus tard.
 

En résumé existe de nombreuses méthodes à disposition du formateur. Nous croyons qu'il faut les adapter en fonction des apprenants c'est-à-dire ne pas appliquer tel ou tel théorie aveuglément sous prétexte qu'elle est la meilleure. D'ailleurs, en demandant à notre oncle, qui enseigne le français à des adultes:" Utilises-tu une pédagogie spécifique?" Il nous a répondu: Non, il n'existe aucune méthode qui assure la réussite de la classe. Il faut s'adapter aux élèves et au contexte." Donc l'on peut dire que ces pédagogies donnent une "piste " aux formateurs.

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