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La privation volontaire de nourriture a
été, de tout temps, utilisée comme moyen de se détacher
de la matérialité. Le jeûne est pratiqué par
les individus aspirant à un contact privilégié, directe,
avec une entité transcendante. Bouddha, Jésus, saints et
autres prophètes, tous jeûnèrent à certains
moments de leur quête. La plupart des sociétés dites
primitives imposent des jeûnes préinitiatique destinés
à préparer l'individu à une nouvelle phase de son
existence. A un moindre degré, périodes de jeûne ou
de restriction alimentaire font partie de la quasi-totalité des
traditions religieuses. Le ramadan, le Yom Kippour, le carême en
sont des exemples.
Le propore du jeûne est de constituer une rupture. Refuser la nourriture, c'est couper un lien fondamental. Selon le cas, il s'agit de consacrer la rupture avec la matérialité et le monde profane, ou bien avec un groupe social ou familial, ou encore avec un individu. C'est parce que chacun perçoit intuitivement l'importance de cette rupture que tout jeûne prolongé suscite tant de réactions émotionnelles dans l'entourage. Jeûner est donc un moyen privilégié de rupture avec la matérialité, un mode d’accès à la transcendance. Ceux qui s’adonnèrent au jeûne et à de sévères restrictions alimentaires ont donc fréquemment justifié ces conduites par des motifs religieux ou philosophiques. Ainsi, à la fin du Moyen Age en Europe, de nombreuses femmes que l’on a surnommées les « saintes anorexiques » pratiquèrent le jeûne ; certaines furent canonisées. Citons Sainte Catherine de Sienne, au XVIème siècle, décédée à trente trois ans, qui avait pratiquement cessé de s’alimenter et s’imposait de multiples privations et actes de contritions, Catherine de Pazzi, qui jeûnait elle aussi de façon semi-permanente et se faisait vomir, morte à quarante et un ans. Mère Agnès de Jésus au XVIIème siècle, Louise Lateau au XIXème siècle, Thérèse Neumann et Marthe Robin au XXème siècle peuvent être considérées comme saintes ou martyres dans une optique religieuse ou bien telles des anorexiques mentales d’un point de vue psychopathologique. |
Bien qu'Avicenne au Xième siècle, et Richard Morton, au XVIIème siècle, décrivent déjà des cas d’anorexie mentale, c'est avec les descriptions cliniques du Français Charles Ernest Lasègue, en 1873, et de l’Anglais sir William Witley Gull, en 1874, que commence véritablement la médicalisation des conduites anorexiques. Si, pour ces auteurs, l’anorexie mentale était clairement un trouble psychopathologique, la médecine du début du XXème siècle la conçoit plutôt comme une maladie d’origine physique. Simmonds, en 1914, met en évidence une forme d’affaiblissement généralisé de l’organisme, ou cachexie, due à une nécrose de la glande hypophyse. A sa suite, les endocrinologues considèrent l’anorexie mentale comme due à une insuffisance globale de la glande hypophyse, et qui relèverait donc pour l’essentiel d’un traitement endocrinien. |
Les corps de Botero. L'oeuvre de cet artiste intrigue : les corps sont incontestablement beaux bien qu'aux antipodes de notre temps. |