La prise en charge



 
 
 
I. L' INTERVENTION    JURIDIQUE
II. L'EXPERTISE PSYCHOLOGIQUE
III. LA PAROLE DE L'ENFANT.

 

Tout acte sexuel imposé par une personne, adulte ou non, de la même famille peut être qualifié d’inceste.
Il faut insister sur le fait qu’il n’y a pas d’inceste heureux, et qu’il n’existe pas de consentement de l’enfant.
Il faut briser le mur du silence, mais cela est très difficile et les enfants, ou adolescents, mettent des années avant de parler.
 

Quels sont les éléments de pression qui pèsent sur ces enfants et qui font que le silence soit si
long ?

1. Les enfants victimes préfèrent se taire, à cause du chantage fait sur eux par l’abuseur ;
2. Les enfants victimes ont peur des représailles et des violences de l’abuseur ;
3. Les enfants victimes qui parlent ont peu d’attention et de sensibilisation de la part des adultes ;
4. Les enfants victimes ont peur de ne pas être cru ;
5. Les enfants victimes craignent d’envoyer le parent abuseur en prison, car il briserait la cellule familiale, aussi horrible soit-elle, en le séparant de sa famille et du couple parental ;
6. Les enfants victimes restent très attachés à l’adulte (pour un question de survie) et vont même jusqu’à défendre le parent abuseur.
 

Il faut bien comprendre ce qui se passe dans la tête de ces enfants :

1. S’ils se taisent, ils se sentent coresponsables de ce qui leur arrive ;
2. S’ils décident de parler, ils se sentent responsables de la destruction de toute la famille.
3. Comme il leur est impossible de s’exprimer ouvertement, c’est le « corps » qui va le faire à leur place.

Lorsque l’enfant décide de se confier à un adulte, que se soit l’autre parent, un autre membre de la famille ou un enseignant, il faut absolument que ce dernier croit cet enfant, qu’ils ne banalisent pas les faits.
Ces personnes sont dans l’obligation de dénoncer ces agissements.
Les victimes de moins de 18 ans ne peuvent pas déposer plainte, donc c’est à son représentant légal de saisir la justice. Seulement quand c’est l’abuseur lui-même, il va falloir nommer un autre représentant légal, qui peut être un avocat nommé d’office. Ce dernier va devoir avoir une formation spécifique (avoir une bonne approche de la psychologie de l’enfant et une approche générale de la structure familiale ) pour pouvoir faire face à ces situations très particulières.
 

La prise en charge fait intervenir une multitude d’intervenants qui doivent apprendre à opérer entre eux (afin d'offrir la meilleure prise en charge socio-médico-judiciaire possible):

1.  La justice,
2.  Les psychiatres,
3.  Les médecins,
4.  Les associations de victimes,
5.  Les services d'aide aux victimes.

En ce qui concerne la dénonciation du délit, certins professionels se trouvent tiraillés entre l'obligation de garder le secret médical et de le signaler aux services sociaux et juridiques concernés.

Pour l'examen médico-légal, il débute par un interrogatoire destiné à mettre l'enfant en confiance et à recueillir son témoignage.
Pour les premières déclarations il paraît souvent utile d'utiliser un magnétophone pour enregistrer les auditions afin d'éviter la répétition des scéances qui sont très éprouvantes pour l'enfant.
Le médecin légiste essaye de recueillir des preuves, tels que traces de violences corporelles et génitales, au moyen d'un examen médico-légal.

I.L'intervention Juridique.

Lorsque le juge reçoit un signalement d'abus (souvent de la part des services sociaux ), il prononce une mesure de protection de l'enfant qui consiste presque toujours à en retirer la garde aux parents, et à mandater le service social des mineurs de placer l'enfant dans un foyer.

La justice peut suivre après une voie pénale (punir les abuseurs), ou civile ( se situe plus au niveau de la famille).

Le rôle de la justice est d'établir la matérialité des " faits", et ceci s'avère extrêmement pénible car elle doit faire face à des douleurs encore très aïgues et aux caractéristiques individuelles de chaque situation:

1.  Le jeune âge des victimes;
2.  La pression de la famille sur la victime;
3.  La rétraction fréquente de la victime;
4.  La difficulté d'établir un dossier médico-légal;
5.  Le tès grand danger de la confrontation abuseur-victime(confrontation qui met l'enfant encore dans une situation de dépendance vis-à-vis de son agresseur et ceci est un grave manque de respect pour l'enfant).

La prise en compte des intérêts de la victime:

Que se soit dans la voie pénale ou civile, la victime se trouve dans un état de profonde solitude.
L'enfant est seul et parfois abandonné par les siens:
1.  il est lâché par sa mère qui aura adopté une position de complaisance, d'aveuglement, voire même de complicité face à l'auteur;
2. il est lâché par ses frères et soeurs, puisque ses accusations remettent en question tout le fonctionnement du système familial.
 

II.L'expertise psychologique.
 

Elle a trois objectifs principaux:

1.  Elle tente de faire sortir l'enfant de la dissociation traumatique, qu'il met en place plus facilement s'il est très jeune, et de la culpabilité qui l'accable.

2.  Elle tente d'aider l'enfant à verbaliser ses affects, de lui faire comprendre l'acte de violence qu'il a subi, et de lui faire intégrer qu'il n'est pas coupable.
 Les sévices parentaux, en plus de l'atteinte à l'intégrité physique, produisent chez les victimes un sentiment de perte de maîtrise de soi, de confusion quant à sa propre identité et de graves distorsions du jugement moral. C'est pourquoi le thérapeute aide l'enfant à reconnaître sa souffrance et son vécu du viol afin de lui donner la possibilité de retrouver son identité et de réparer le déni puissant dont il a été l'objet de la part du violeur.
L'enfant doit arriver à exprimer sa colère, sa haine et sa révolte.

3.  Elle va faire comprendre à l'enfant qu'il a le droit de dire NON à toute approche intime qu'il ne souhaite pas, que son corps lui appartient et qu'il n'est pas la propriété de l'adulte.
 

III.La parole de l'enfant.

Le passage de l'intime au social doit être envisagè comme comme une entreprise périlleuse et une expèrience psychologiquement bouleversante pour la victime.

L'enfant qui tente de révéler un secret aussi pénible à garder, procède par petits essais, via des allusions, des lapsus, des conduites bizzares, des messages ou des signaux abstraits. Il essaye de faire passer quelques signes verbaux et/ ou non-verbaux.
Toute entreprise de révélation est donc un cheminement d'une parole, souvent maladroite, qui tente de faire sortir le locuteur d'une relation d'emprise, laquelle garde prisonnier son véritable discours.

Le souvenir de l'expérience abusive, et des personnes concernées, réactive les pulsions de mort et les angoisses mortifères du sujet.
Le discours de l'enfant met en évidence le climat de cette relation et son niveau de pertubation, et explicite ses réactions ou attitudes à l'égard de son abuseur.

Selon le niveau d'emprise sur sa personne et la proximité parentale de l'abuseur, l'enfant adopte différentes attitudes. Lors de la révélation, même lorsque la relation avec son abuseur est imprégnée d'affects positifs, l'enfant exprime des sentiments qui révèlent à quel point il est atteint dans son amour propre.
Selon les circonstances, il est capable d'expliquer les manipulations affectives et stratégiques utilisées par son abuseur.

L'évaluation de l'impact de l'abus sexuel à l'égard de l'enfant doit tenir compte des variables,
telles que:

1.    L'âge réel de celui-ci et de son degrée de maturité psycho-affective ( l'âge de la victime est très     souvent prédicteur de psychopathologies);
2.    Son niveau de mentalisation et sa richesse intérieure;
3.    Son degrés de vulnérabilité.
4.    Le rôle qu'a l'enfant dans l'interaction abusive et le niveau de participation de celui-ci à l'activité abusive;
5.    Le degrés de gravité de l'abus sexuel;
6.    La violence physique qu'il subit: certains enfants disent être presque plus choqués par la               violence subie, que par l'abus sexuel lui-même. La violence vécue sur le plan physique ( ou sexuel )    est souvent l'élément déclencheur de la révélation;
7.    Son niveau de maîtrise de soi;
8.    Ses interactions sociales;
9.    Sa conscience du monde et de lui-même;
10.  Sa place, son rôle et statut au sein de sa famille;
11.  Ses sentiments, émotions, réactions et attitudes;
12.  Sa proximité relationnelle avec l'abuseur;
13.  Les attitudes du parent non abseur;
14.  Ses potentialités réparatrices propres.

Le parcours de la victime, qui commence après le dévoilement des faits, est toujours très difficile.
Un accompagnement est par conséquent nécessaire tout au long de la procédure pour éviter ce qu'il est convenu d'appeler la " survictimation " ou " victimation secondaire " qui peut survenir lorsque la victime se heurte aux différents intervenants caractérisée par un manque de coordination entre les différents professionnels implqués.