LES DÉGUISEMENTS



 
 
 
 
 

GNAGA

       C'est une forme de déguisement très simple à réaliser et donc très porté par les vénitiens : il était courant pour les jeunes vénitiens de se vêtir en femme, imitant leurs attitudes, mais avec un langage très vulgaire. 
       Les textes de l'époque nous apprennent que les jeunes qui se travestissaient en Gnaga le faisaient souvent pour cacher leur homosexualité. Les jeunes gens ainsi costumés allaient de places en cafés et de cafés en bals costumés, pratiquant la sodomie, vice pour lequel ils étaient poursuivis par les autorités, et plus particulièrement les turcs. Il était courant dans les expressions vénitiennes de dire "ti ga na vose da gnaga" (tu as une voix de gnaga) pour souligner un ton de voix de fausset. 
       Le 4 mai 1740, à l'occasion d'une régate, organisée en l'honneur de Frédéric, Prince Électeur de Saxe, une "gnaga" depuis une barque se moqua des turcs qui assistaient au spectacle depuis la devanture de leur échoppe. Les turcs en colère commencèrent à réagir en paroles puis, en raison de l'insistance de la "gnaga", en vinrent aux actes et lui lancèrent des tuiles. 
       Souvent les "gnaghe" jouaient le rôle de nounous et se promenaient ou bien avec des enfants, ou bien avec d'autres hommes costumés en petits garçons et petites filles. 


 
 

LE MÉDECIN DE LA PESTE

       Un des fléaux majeurs de Venise fut certainement la peste qui à plusieurs reprises toucha la ville. Pour cette raison, "le médecin de la peste" n'est pas un  véritable déguisement mais plutôt un accoutrement porté par les "médecins de la peste", médecins qui allaient visiter les pestiférés, habillés de la sorte. 
       Le costume du "médecin de la peste" est assez particulier: le médecin porte une tunique de lin ou de toile cirée et un masque qui le fait ressembler à un grand oiseau (on le comparait d'ailleurs à un lugubre vautour).
       Sur le masque, il portait des lunettes et il était toujours accompagné de sa fidèle baguette avec laquelle il soulevait les vêtements des pestiférés, imaginant que masqué de la sorte la terrible maladie ne pouvait pas l'atteindre.

SIOR TONIN BONAGRAZIA

       Personnage créé par Carlo Goldoni en 1745, il représente le fils d'un marchand vénitien qui avait acheté pour dix ducats - moins du prix d'un âne - la noblesse de Torcello pour son fils idiot.
       Le personnage eut peu de succès auprès du public théâtral en 1748 dans la comédie "Il frappatore": cependant le succès lui vint de la rue. 
       Le "gentilhomme" de Torcello revêtait un vieux costume de bourgeois du XVIIIe siècle avec un pantalon qui lui arrivait aux genoux. Sur la tête, il portait un beau tricorne, son cou et ses doigts étaient parés de bijoux voyants, pierres précieuses à peine sorties des mines de Murano (en vérité, simples morceaux de verre coloré). 

L'HOMME SAUVAGE

       L'homme sauvage était  un déguisement très facile à réaliser: il suffisait de mettre une fourrure sur le dos et de s'entourer la tête de quelques branches pour se transformer en un impressionnant "homme sauvage" armé d'un bâton et au langage vulgaire. 


 
 

BERNARDON

       Un des masques populaires les plus contestés est celui de Bernardon, que l'on appelait "le vieux dégoûtant". Il représentait un vieux pouilleux exhibant ses plaies, dues à ses vices de jeunesse et au "mal français", la syphilis. 
       Il est vêtu de loques en lambeaux découvrant une partie des bras, des jambes et du dos laissant apparaître de fausses plaies et bubons avec morceaux de vêtements sanguinolents. 
       La tête était enveloppée d'un gros drap ensanglanté, il avait une jambe de bois et se tenait debout aidé par des bâtons. Il déambulait pas les rues en chantant une horrible chanson.
       Le déguisement et la chanson furent interdits par le second gouvernement autrichien en 1815 même si depuis longtemps des distances avaient été prises avec
ce type de "masques" qui avaient la fâcheuse habitude d'entrer dans les cafés pour demander l'aumône alors que l'on s'apercevait plus tard qu'il s'agissait de
distingués bourgeois de la ville. Ce fut un avertissement pour la jeunesse débauchés de Venise. 

MATTACINO

       C'est une espèce de clown avec un habit blanc et multicolore, léger et court, avec sur la tête un chapeau à plumes. On pense que son nom vient de "mattinate" (jeu) qu'au printemps et en été, les jeunes patriciens vénitiens avaient l'habitude de s'adonner en joyeux cortèges de barques. Les "mattacini" étaient réputés à Venise pour le "lancer d'oeufs parfumés" -"ovi profumai"- avec fronde. Cette pratique était si courante qu'autour de ces personnages, se développa un véritable marché : par centaines, on pouvait voir les marchands ambulants de ces oeufs parfumés qui étaient aussitôt lancés vers les balcons où l'on reconnaissait des amis, des connaissances ou même des jeunes filles à courtiser.