A PROPOS DE L' OEUVRE DE BASQUIAT


"PERSONNE NE VEUT FAIRE PARTIE D'UNE  GÉNÉRATION QUI IGNORE UN AUTRE VAN GOGH" 
RENÉ RICHARD

 

Tout a commencé par le personnage fictif de SAMO (Same old shit), dès 1977 il se voyait comme un person-
nage" merdeux". IL évolue dans l'un-
derground et couvre les murs  de Soho et du métro new-yorkais de tags et de graffitis. Ce sont essentiellement des textes ou des mots isolés que l'on peut lire tels que: YOU CAN'T SELL A HUMAIN (tu ne peux vendre un hu-
main) /I WAS CURSED FROM BIRTH ( je suis maudit depuis ma naissance). Et ceci jusqu'en 1979, lorsque l'on voit apparaître sur les mur de Soho :"Samo is dead ". Une mort symbolique en quelque sorte, pour renaître avec la peinture. Mais la rue, et plus généralement l'univers urbain de New York, resteront pour Basquiat la toile de fond permanente de ses travaux et la source principale de son inspiration. Les mots de Soho ne vont pour autant cesser de s'ex-
primer, ils vont constamment partici-
per aux oeuvres de Basquiat. Il crée des images dont la puissance du sché-
matisme a su ouvrir la voie à un lan-
gage de symboles. IL crée des mots qui se sont faits images et sons et qui ont su donner forme à la voracité 
d'expression d' un artiste qui s'iden-
tifia peut-être de trop près à ses personnages, ses guerriers et victimes.

 
A partir de 1980, il jon-
gle avec ses origines haï-
tiennes et portoricaines. Il peint all-over. Son geste  est compulsif, il travaille vite. Le trait est tendu, noué pour une ima-
ge qu'il démonte et re-
monte, décompose et recompose quand ailleurs il déforme les corps et les figures, pour se sauver par l'expression de la cruauté. 
Basquiat fascine et pro-
voque un engouement qui n'est pas démenti. Il
s'inspire de l'Expression-
nisme  abstrait et du Pop Art. On y trouve aussi des influences de l'art des Caraïbes, à l'art afri-
cain et de nombreuses autres sources iconogra-
phiques utilisées  telles les peintures rupestres du Tassili, l'art des Abori-
gènes  d'Australie ou l'influence des cultures spirituelles du vaudou et du chamanisme. 
Son oeuvre parle d'un temps qui est le nôtre, de nos peurs  et de nos 
abandons. Les oeuvres de Basquiat ne peuvent se résumer à un seul thème. Elles sont le plus souvent constituées à partir de signes et de références multiples qui s'organisent en une synthèse étonnante qui associe le général au particulier, la culture po-
pulaire des sujets et des mots à l'expressionnisme du geste. Parfois la toile est un vaste rébus, un 
hiéroglyphe. On trouve 
beaucoup de références littéraires et culturelles.
Il a composé avec ce qu'il avait littéralement sous la main : silhouettes de per-
sonnage, tête de mort, mas-que, schémas anato-
miques, listes de mots, 
références historiques diverses (la Grèce et la Rome antique, Charle-
magne ...), héros de bandes dessinées (Batman et Ro-
bin, Superman), des réfé-
rences directes à l'oeuvre d'artistes qu'il admirecomme Dubuffet, Twom-
bly, Kline, Rauschenberg et Warhol, symbole 
architectural, signes tels flèche, couronne, sceau de notaire, le copyright (Ce que l'on retrouve à tra-
vers toute son oeuvre, ce qui est sa marque, son urgence propre). Tous ces éléments sont bien le re-
flet de l'information fragmentée, véhiculée par la société et l'environne-
ment urbains où l'atten-
tion et/ou le regard sont constamment assaillis par des signaux isolés et simultanés. 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 


 
 
 


 
 
 
 
 
 

 


 
 
 
 
 
 
 

 


 
 
 
 
 
 

 

Les oeuvres (surtout de 1982 et 1983) sont complexes aux composi-
tions foisonnantes d'in-
formations visuelles. La frénésie de la ville de New York et surtout celle des rues est le point de départ topo-
graphique et psycholo-
gique de la démarche de Basquiat. Ce contexte est aussi porteur d'un rythme particulier. L'omniprésence du mon-
de de la musique dans l'univers de l'artiste -en particulier du jazz et du rap- se signale par une forme de tempo rapide et saccadé qui parcourt sans cesse son expression pictural et graphique. L'organisation spatiale des oeuvres de Basquiat a parfois été comparée à un solo de Charlie Parker : les ruptures de rythme, les syncopes et les vides -ou les plages de silence- participent, comme les temps forts, à la même intensité ex-
pressive.
La dynamique de ces compositions tissent un jeu de relations tendues entre images, mots, chiffres et couleurs. Les divers éléments sont schématiques, réduits à une gestuelle essentielle Le répertoire  des idées  et des formes s'applique à tous les aspects du travail et à toutes les surfaces que l'artiste choisit d'utili-
ser. 
Cette esthétique de fragmentation qui investit progressive-
ment la surface dispo-
nible s'organise sur le mode d'un tempo où les images, les lignes, les mots et les couleurs sont appliquées sans 
aucune hiérarchie. 
Chaque élément coexiste simultanément. La syn-
thèse visuelle qui dé-
coule de cette stratégie offre au spectateur la liberté de passer d'un élément à un autre, de laisser son regard 
scruter un détail pour ensuite revenir à l'en-
semble. Les relations graphiques et chroma-
tiques permettent cette circulation  rapide et laissent ouvertes toutes sortes de clés de lec-
ture, donc d'interpré-
tations. 

 
Du point de vue technique, la force et la présence constante de la ligne attestent la virtuosité de Basquiat. Généralement exécutée à la craie grasse, la peinture acrylique, elle, est appliquée par de larges coups de brosse: cachant souvent des étapes antérieures du travail dont elle recouvre les images et les couleurs, elle 
révèle aussi de larges plages au chromatisme éclatantes. Les figures émergent de ces surfaces dont elles semblent parfois disputer l'espace. Les dessins sont par-
fois directement appliqués sur les peintures ou photocopiés pour démultiplier les effets de collage. Cette technique, ainsi que l'adoption de la sérigraphie apprise de Wahrol, offre à l'artiste d'infinies possibilités de fragmentations et de simul-
tanéités d'images: autre méthode permettant la mise en forme du zapping de l'in-
formation visuelle auquel il s'identifie.

 
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