1. Attention: Accès Interdit!
La famille n’est pas fondée seulement sur les liens de sang,
mais encore sur la participation au culte domestique. Ce qui unit
les membres de la famille antique, c’est quelque chose de puis puissant
que la naissance, que le sentiment, que la force physique : c’est la religion
du foyer et des ancêtres.
Chaque famille rend un culte à ses morts. Elle honore le foyer,
le feu sacré qui brûle sur l’autel au centre de la maison,
et qui doit être perpétuellement entretenu. Elle peut aussi
adorer d’autres dieux, qu’elle considère comme ses protecteurs particuliers.
Le culte domestique est exclusif. Chaque famille possède en
véritable propriété et se transmet comme un héritage
paternel ses dieux, ses formules religieuses, son rituel. Prendre part
au culte, c’est être membre de la famille ; tout étranger
en est sévèrement exclu. Pour entrer dans la famille, véritable
association religieuse, il faut une initiation : de là des cérémonies
qui accompagnent le mariage, la naissance, l’adoption.
2. Oh Père tout-puissant!
Le chef de la famille est le père, qui jouit d’une
autorité absolue sur les siens. Il préside au culte domestique.
Il accepte ou repousse l’enfant nouveau-né, marie sans les consulter
sa fille ou son fils mineur, émancipe son fils ou adopte un étranger.
Il gère la fortune de la famille, dispose de la dot de sa femme,
est seul maître des esclaves de la maison. La femme est considérée
toute sa vie comme mineure et placée sous l’autorité du maître:
jeune fille, elle dépend de son père ; femme, de son mari
; veuve, de son fils ou du tuteur que le mari a désigné par
testament. |
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Mais l’autorité temporelle du père est tempérée
par les mœurs. Sans doute la femme se tient enfermée au logis, n’y
recevant que des femmes ou les proches parents, ne se montrant en public
qu’aux jours de fête. Mais tandis que le mari passe son temps en
dehors, elle est vraiment maîtresse à l’intérieur de
la maison, dirige le travail des servantes, surveille les esclaves, règle
les dépenses du ménage. Le fils mineur obéit à
son père, ou, devenu orphelin, à son tuteur ; mais à
dix-huit ans, il devient majeur et tout à fait indépendant.
Il peut se créer une fortune propre, se marier sans le consentement
de ses parents ; il peut même se faire donner la gestion des biens
patrimoniaux, si les tribunaux jugent le père faible d’esprit. Il
est en revanche obligé d’accepter l’héritage paternel, quel
que soit le passif, et d’acquitter les dettes contractées par le
père |
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3. Le Mariage: Femme, simple bien...
La cérémonie débute chez les parents
de la fiancée. Le père offre un sacrifice au foyer et déclare,
par une formule sacramentelle, qu’il donne sa fille au jeune homme. «
La jeune fille ne pourrait pas aller tout à l’heure adorer le foyer
de l’époux, si le père ne l’avait pas préalablement
détaché du foyer paternel. » On fait ensuite un repas
de noces, où la fiancée paraît voilée et où
les femmes de la maison sont admises, mais à de stables séparées.
Une procession conduit la jeune fille de la maison paternelle à
celle du fiancé. La fiancée est sur un char, vêtue
de blanc, voilée et couronnée de fleurs. Devant elle on porte
le flambeau nuptial et des torches allumées par les deux mères
aux deux foyers. Les assistants chantent un vieil hymne religieux, le chant
d’hyménée, dont le refrain leur est devenu inintelligible.
Le cortège arrive devant la porte de la maison du fiancé,
là le jeune homme soulève sa fiancée dans ses bras
et l’emporte dans la maison sans lui laisser toucher le seuil du pied.
Ce rapt simulé a sans doute pour objet de marquer
« que la femme qui va sacrifier à ce foyer n’a par elle-même
aucun droit, qu’elle n’en approche pas par l’effet de sa volonté
et qu’il faut que le maître du lieu et du dieu l’y introduise par
un acte de sa puissance ». |
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Le dernier acte s’accomplit devant le foyer
du mari. La fiancée, arrosée d’eau lustrale, s’approche du
foyer, lui adresse des prières et partage avec son mari des gâteaux
et des fruits. « Cette sorte de léger repas,
qui commence et finit par une libation et une prière ; ce partage
de la nourriture vis-à-vis du foyer met les deux époux en
communion religieuse ensemble et en communion avec les dieux domestiques.
» La jeune fille est conduite à la chambre nuptiale, pendant
que l’on chante les couplets alternés de l’épithalame. Le
lendemain, la jeune femme consacre son voile à Héra et reçoit
les parents des parents et des amis. A Athènes, elle est présentée
par son mari aux membres de la phratrie, réunis en un festin.
Les conditions civiles du mariage sont réglées par un
contrat qui est déposé chez un tiers. Le père ou le
tuteur de la jeune fille lui constitue une dot et donne hypothèque
sur ses biens pour en garantir le payement. Le mari fournit lui aussi des
garanties hypothécaires ; car, tout en ayant la gestion et la jouissance
de la dot, il doit pouvoir, le cas échéant, la restituer,
par exemples si les époux divorcent ou si l’un d’eux meurt sans
enfants.
Le divorce est ordonné en cas d’adultère, permis en cas
de stérilité. Il a généralement lieu à
l’amiable et s’accompagne de rites religieux qui sont comme la contrepartie
des noces. S’il y a désaccord entre les conjoints, les tribunaux
tranchent le différend, et, selon qu’ils donnent tort ou raison
au mari, celui-ci doit restituer ou peut conserver la dot. |
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4. La Naissance: rejettera, rejettera pas?
Les morts ne doivent jamais manquer des honneurs qui leur
sont dus. Comme seuls leurs descendants légitimes ont la qualité
pour pouvoir célébrer ce culte, il est nécessaire
que la famille ne s’éteigne jamais. Se marier et avoir des enfants
est un devoir civique et religieux. Aussi le célibat est-il, à
l’origine, interdit partout. Le Spartiate est tenu de prendre femme avant
trente ans et n’est estimé qu’autant qu’il a des enfants. A Sparte,
l’Etat intervient dès la naissance de l’enfant et fait jeter dans
un gouffre du Taygète ceux qui paraissent trop chétifs pour
être jamais des solides soldats. Partout le droit d’accepter ou de
rejeter l’enfant est donné par son père, qui décide
souverainement si le nouveau-né doit ou non faire partie de
la famille : « La naissance ne formait que le lien physique, la déclaration
du père constituait le lien morale et religieux. » Le cinquième
jour après la naissance, le père, en présence des
parents et des amis, fait connaître sa décision, et, si elle
est favorable, l’enfant est initié au culte de la famille. Les assistants
et le bébé, sur les bras de sa nourrice, font le tour de
l’autel domestique ; puis l’enfant, frotté d’huile et baigné
d’eau lustrale, est présenté au foyer. |
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Cinq jours plus tard, nouvelle fête pour donner un nom à
l’enfant. Un banquet réunit parents et amis, qui apportent des cadeaux
à la mère et des jouets au bébé. Le Grec n’a
qu’un nom personnel ; pour se distinguer de ses homonymes , il y joint
celui de son père. A Athènes, le nom officiel du citoyen
comporte en outre l’indication du dème où il est inscrit
; ainsi on dit : Alcibiade, fils de Clinias, du dème de Scambonide.
Les mêmes noms se retrouvent dans la famille ; souvent on donne au
fils aîné le nom de son grand-père.
Enfin, à Athènes, les membres de la phratrie se prononcent
sur la légitimité de l’enfant avant de l’inscrire sur leurs
registres, qui tiennent lieu des registres d’état civil.
Le fils est le seul capable de continuer le culte domestique. Des règles
spéciales, qui intéressent aussi le droit successoral, s’appliquent
à la fille unique. Si la famille reste sans enfants, le père
peut recourir à l’adoption. Les cérémonies de l’adoption,
comme celle du mariage, ont pour objet d’initier le fils adopté
au culte de sa nouvelle famille et de rompre tous les liens religieux et
civils qui l’unissaient auparavant à sa famille naturelle. |
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5. Les Funérailles: le mort des lamentations
Dès qu’une personne meurt, on lui ferme les yeux,
on lui glisse entre les dents la pièce de monaie qui, dit-on, sert
à payer Charon, le batelier des Enfers ; on lui voile la figure.
Puis le cadavre est lavé, parfumé et enveloppé dans
trois linceuls blancs. On le couche , dans le vestibule de la maison, sur
un lit de parade autours duquel on dispose les offrandes. Pendant l’exposition
du mort, les hommes et les femmes se lamentent en plaintes alternées
; les hommes, debout, font les gestes de deuil, le bras étendu en
avant, la paume de la main ouverte, les doigts réunis ; les femmes
s’arrachent les cheveux.
Le lendemain, avant le lever du soleil, on procède à
l’enlèvement du corps. Le cadavre est posé sur une litière,
sur le dos d’homme, ou sur un char. Les lamentations cessent, et le cortège
que forment les hommes et les plus proches parents, s’avance en silence
; les éphèbes qui assistent au convoi ont revêtu leur
costume de parade pour faire honneur au défunt.
Les usages funéraires ont varié suivant les époques.
A l’origine, on ensevelit les morts ; dans les poèmes homériques,
au contraire, on brûle les cadavres. A l’époque classique,
l’usage courant est l’ensevelissement ; l’incinération ne se rencontre
qu’à titre exceptionnel, par exemple pour les soldats tués
sur les champs de bataille. Les tombaux s’alignent le long des routes,
à la sortie des villes. A Athènes, la principale nécropole
est celle du Céramique. Le mort est placé directement dans
la fosse ou enfermé dans un cercueil. On dépose auprès
de lui des offrandes, vases à parfum, figurines de terre cuite,
objets familiers. On verse des libations, on fait sacrifice sur la tombe.
Au retours, on purifie la maison et ceux qui ont assisté à
l’enterrement. Le tombeau est recouvert de d’un tumulus de terre, surmonté
d’un grand vase ou orné d’une stèle, à laquelle on
attache des bandelettes, des couronnes, des petits lécythes. |
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La loi intervient pour réglementer les cérémonies
funéraires dans un triple intérêt de décence,
d’hygiène et d’économie . Elle règle le nombre et
le prix des différents objets qui servent aux funérailles,
dresse la liste des parents autorisés à suivre le convoi,
interdit les manifestations tumultueuses de la douleur. Elle règle
aussi la durée du deuil, porté en vêtements bruns.
On renouvelles les cérémonies funèbres le troisième,
le neuvième et le trentième jour après l’enterrement.
On offre le repas funèbre, on frotte la stèle d’huile, on
renouvelle les bandelettes et les couronnes. Chaque année, Athènes
célèbre la fête des morts, à laquelle prend
part toute la cité.
Primitivement, le patrimoine passe tout entier au fils aîné,
chargé de continuer après le père le culte domestique.
Peu à peu, avec la transformations des mœurs, les lois successorales
se modifient. On partage la fortune entre les héritiers de même
degré, en laissant quelques avantages au fils aîné,
qui, par exemple garde la maison paternelle ; on fait place plus ou moins
à la parenté par les femmes. Enfin le testament fut autorisé,
à Athènes à l’époque de Solon, à Sparte
au IV siècle. Des règles spéciales s’appliquent à
la fille unique, la fille épiclère, appelée ainsi
parce que, sans être héritière, elle s’ajoute en quelque
sorte à l’héritage. Si la fille épiclère est
mariée, ses fils sont considérés comme les fils du
grand-père maternel et recueillent la succession. Si la fille épiclère
n’est pas mariée, le père dispose d’elle par testament et
adopte, comme fils et héritier, son futur gendre. A défaut
de testament, la succession échoit au plus proche parent qui doit
épouser la jeune fille. En principe, l’héritier s’il est
déjà marié, l’épiclère s'il est sans
enfants, doivent divorcer. Dans la pratique, l’héritier est tenu
simplement de doter la jeune fille. |
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