1. L'agriculture: pas que des olives!
La Grèce est mal douée pour l’agriculture.
Sauf en quelques plaines, le sol est maigre, la terre végétale
rare ; trop souvent le roc est nu. Les pluies sont rares, presque nulles
en été. Les eaux tantôt s’infiltrent aussitôt
dans les calcaires ou ruissellent sur les pentes imperméables, tantôt
s’amassent dans des dépressions sans écoulement et y forment
des lacs et des marais, comme le Copaïs. Des travaux hydrauliques
sont nécessaires pour irriguer les plaines arides ou assécher
les marécages.
Les terres arables se rencontrent dans les plaines, Thessalie, Béotie,
Argolide. Outre les légumes, les Grecs cultivent les céréales,
c'est-à-dire l'orge et le froment. La terre produit une année
et reste en jachère l'année suivante. Le sol est retourné
par trois labours. La charrue est en bois, sans soc, ni coutre, et pénètre
peu avant dans la terre ; elle est traînée par des bœufs ou
des mulets. On défonce aussi le sol avec la houe, on écrase
les mottes avec la masse, on sarcle avec la binette. Les semailles ont
lieu à l’automne, après les premières pluies ; le
semeur lance les grains à la volée. La moisson se fait à
partir de juin ; on coupe le blé à la faucille, le plus souvent
à mi-hauteur. Les épis sont portés sur l’aire et foulés
aux pieds par des chevaux, des mulets ou des bœufs. Le grain est nettoyé
à l’aide du van. Il est conservé dans les greniers, parfois
dans des silos creusés sous terre. |
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Une des cultures méditerranéennes par excellence
est l’olivier ; il n’est pas de plaine ni de coteau de Grèce qui
n’en porte. Les fruits sont abattus à coups de gaule, broyés
dans des mortiers ou écrasés sous les pieds chaussés
de galoches de bois. L’huile n’est pas seulement un produite alimentaire
; on en fait aussi grande consommation dans les gymnases, où les
lutteurs s’en doivent oindre tout le corps.
De même que l’olivier, la vigne, plante caractéristique
du climat méditerranéen, se rencontre partout en Grèce.
Les crus les plus célèbres sont ceux des îles, Chios,
Lesbos, Thasos, ceux de Thrace, Mendé, Maronée. Le raisin
conservé dans des amphores ou des outres. Il est épais et
liquoreux ; aussi ne peut-on le boire que coupé d’eaû.
Le climat de la Grèce est trop sec pour permettre l’élevage.
Les prairies naturelles sont rares, les prairies artificielles sont à
peu près inconnues ; on ne connaît comme plante fourragère
que la luzerne, introduite d’Asie au moment des guerres médiques.
Les troupeuaux de bœufs se rencontrent surtout en Béotie, en Eubée.
Le cheval est un animal de luxe, auquel on prèfère l’âne
ou le mulet ; on l’élève en Argolide, en Thessalie. Plus
nombreux sont les moutons et les chèvres, qui se contentent de pâturages
maigres et secs. La vie pastorale est développée dans les
pays montagneux comme l’Arcadie. Les porcs sont nombreux en Arcadie, en
Laconie, en Etolie. Les plantes odoriférantes fournissent aux abeilles
les sucs qui font la qualité des miels, comme celui de l’Hymette.
Malgré la médiocrité des ressources agricoles,
la terre est partout cultivée avec soin. La population se compose
en majorité de paysans. En certaines régions, comme l’Elide,
la vie urbaine est à peu près inconnue ; la Laconie, la Messénie,
l’Arcadie, la Béotie, la Thessalie ne connaissent d’autres richesses
que celles de l’agriculture. Le régime de la propriété
varie avec les contrées. Dans les Etats aristocratiques, la terre
est aux mains de la classe dirigeante, qui fait cultiver ses domaines par
ses esclaves et ses serfs : à Sparte, malgré les efforts
faits pour maintenir l’égalité entre citoyens, les terres
sont peu à peu accaparées par un petit nombre de propriétaires
; à la fin du IVème siècle, une centaine de Spartiates
possèdent à eux seuls toute la Laconie. En Attique, au contraire,
prédomine la petite propriété ; il est à peine
un quart des citoyens qui ne possède une parcelle du sol. Les pâturages
de montagne, les terrains vagues et incultes forment des communaux appartenant
aux cités, et où le droit de pacage est réglé
par la loi. Pendant longtemps la Grèce a pu se suffire à
elle-même. Le développement de la population urbaine rompt
l’équilibre et oblige à demander au dehors les denrées
alimentaires : l’Attique ne produit pas la moitié du blé
nécessaire à Athènes et au Pirée. |
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2. L'industrie: "ici, de père en fils"
L’industrie s’est plus ou moins développée
selon les villes. Dans les Etats aristocratiques, les citoyens croient
déroger s’ils exercent un métier : les Spartiates laissent
aux périèques le commerce et l’industrie. A Athènes,
au contraire, le travail est honoré ; une loi de Solon ordonne au
père de faire apprendre un métier à son fils. Les
petits patrons travaillent eux-mêmes dans leur boutique avec un ou
deux ouvriers, qui sont le plus souvent des citoyens. Il y a aussi de grand
ateliers, où l’on emploie de préférence des esclaves,
comme la fabrique d’armes que possédait le père de Demosthène.
Dans les villages, le même ouvrier fait plusieurs métiers
; dans les grandes villes, la division du travail est poussée très
loin : pour la cordonnerie, par exemple, l’un ne fait que tailler le cuir,
l’autre que coudre les souliers ; il y a des spécialistes pour chaussures
d’homme, d’autres pour chaussures de femme.
Pendant longtemps on s’efforce de produire à la maison tout ce
qui est npécessaire à la famille, et on évite de rien
acheter au dehors. De là le faible développement des industries
alimentaires. Le vin, l’huile sont fabriqués par les producteurs
eux-mêmes. Les femmes réduisent le blé en farine en
le broyant au pilon, pétrissent la pâte et font cuire le pain
; la meunerie et la boulangerie ne se développent à Athènes
qu’au IVème siècle. De même pour les industries textiles.
Le lin et la laine sont filés et tissés par les servantes.
Cependant certaines villes sont renommées pour leurs étoffes
: Amorgos fabrique des tissus de lin transparents, Cos travaille une soie
indigène. On fabrique aussi à la maison les objets usuels.
Toutefois, dès le Vème siècle, peu de Grecs sauraient,
à l’exemple d’Ulysse, exécuter eux-mêmes leur lit.
La menuiserie et l’ébénisterie occupent des ouvriers spéciaux
; les fabricants de coffres sont groupés dans une des ruelles de
l’Agora.
Les industries les plus intéressantes sont les industries d’art.
Les métallurgistes produisent les armes, souvent décorées
d’ornements ciselés ou repoussés, les bijoux d’or, les miroirs
de bronze. Les marbriers sculptent les ex-voto, les stèles funéraires,
les bas-reliefs qui servent d’en-tête aux inscriptions officielles
; ils savent, dans ces articles communs, se montrer les dignes élèves
des grands sculpteurs. Les céramistes utilisent les nombreux gisements
de fine argile pour tourner les vases peints et modeler les statuettes
de terre cuite. Les centres céramiques sont Corinthe et Athènes,
qui ont besoin de nombreux récipients pour exporter au loin, la
première les parfums, la seconde le vin et l’huile.
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3. Le commerce: attention aux impôts!
Le caractère montagneux de la Grèce rend très difficiles
les communications par terre. Les routes carrossables sont extrêmement
rares ; les chemins ne sont que des entiers où l’on va à
cheval ou à pied. Le commerce se fait tout entier par mer et est
centralisé dans les ports. Les premières villes commerçantes
furent les riches cités d’Asie Mineure, dont les colonies avaient
essaimé dans toute la Méditerranée.
Dans les villes, beaucoup de citoyens vivent de négoce. Le commerce
de détail est entre les mains des petits marchands, des revendeurs,
qui jouissent d’une mauvaise réputation : commerce de détail
et filouterie semblent deux synonymes. La loi cherche à supprimer
les intermédiaires, à mettre en rapport direct le producteur
et le consommateur. Le négociant en gros est un important personnage
: la loi athénienne frappe ceux qui attaquent à tort les
négociants et les armateurs. Il n’a pas de spécialité
et entreprend toute affaire qui lui paraît avantageuse. Il est presque
toujours en même temps armateur. Le commerce n’est pas monopolisé
par les citoyens ; chaque ville marchande a une colonie étrangère
: à Athènes et au Pirée, le grand commerce est en
bonne partie entre les mains des métèques. |
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L’Etat intervient en matière commerciale. Il tire profit du commerce
en établissant des droits de douane : par exemple, le cinquantième
à Athènes. Ce ne sont pas là des tarifs protecteurs
favorisant la production nationale, mais de simples mesures fiscales, qui
frappent les marchandises aussi bien à la sortie qu’à l’entrée.
La cité peut elle-même faire du commerce en établissant
des monopoles, en accaparant tel ou tel produit qu’elle revend en le taxant
à un prix supérieur. La cité surveille le commerce
; les agoranomes font la police des marchés, assurent l’honnêteté
des transactions, surveillent les poids et mesures.
L’Etat intervient pour protéger le consommateur ; il poursuit
les accapareurs, surveille les prix et établit au besoin des tarifs
maxima, empêche la hausse factice des cours en supprimant les intermédiaires
et en interdians le marchandage ; une loi de Délos oblige les marchands
de bois et de charbon à vendre en personne et à prix fixe
les produits de leur propre exploitation. |