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Seconde lettre adressée à l'historien Tacite, Pline le Jeune, resté à Misène, a assisté à la catastrophe.   
 

   C’était la première heure du jour et la lumière était encore incertaine ; déjà les bâtiments se lézardaient, et bien que nous fussions à l’air libre, l’étroitesse du lieu nous faisait redouter de grands dangers en cas d’écroulement. C’est alors que nous décidâmes de quitter la ville ; la foule nous suit, consternée… Une fois dépassée la zone des bâtiments, nous nous arrêtons et, là, nous éprouvons bien des surprises, bien des terreurs. En effet, les voitures que nous avions fait amener, quoique le terrain fût parfaitement plat, étaient entraînées dans des directions diverses ; même calées par des pierres, elles ne restaient pas en place. De plus, nous voyions la mer se retirer comme si elle était repoussée par les secousses qui ébranlaient le rivage. Sur le sable mis à sec, beaucoup d’animaux marins gisaient, crevés. Vers l’intérieur, une nuée rouge et effrayante, déchirée par les zigzags rapides et éclatants d’un souffle de feu, s’entrouvrait, se divisant en longues flammes semblables à des éclairs, mais plus grandes…   

   Peu de temps après, une nuée descend sur la terre et couvre la mer : elle avait enveloppé Capri et l’avait dérobée à la vue, cachant également le promontoire de Misène.   

   Alors ma mère me pria, m’exhorta, m’ordonna de fuir à tout prix : je le pouvais, moi qui étais jeune ; pour elle, alourdie par l’âge et par l’embonpoint, elle mourrait contente de n’être pas la cause de ma mort ; moi, par contre, je lui répondis que je ne me sauverais qu’avec elle. Je pris sa main et la forçai à presser le pas. Elle obéit à contrecœur et s’accuse de me retarder.   

   A ce moment se produit une chute de cendres, cependant encore clairsemées. Je me retourne : un brouillard noir et épais nous menaçait par derrière et nous suivait à la façon d’un torrent se répandant sur le sol.   

   « Faisons un détour, dis-je, tant que nous y voyons, pour ne pas être renversés sur la route et écrasés par la foule de ceux qui fuient avec nous ». A peine étions-nous assis que brusquement tombe la nuit, non pas une nuit sans lune par temps couvert, mais celle qui nous entoure dans un lieu clos, toute lumière éteinte. On entendait les gémissements des femmes, les vagissements des bébés, les cris des hommes ; les uns cherchaient de la voix leurs père et mère, d’autres leurs enfants, leur épouse. Certains déploraient leur propre malheur ; il y en avait qui, par crainte de la mort, appelaient la mort, beaucoup tendaient leurs mains vers les dieux, d’autres expliquaient qu’il n’y avait plus nulle part de dieux, que cette nuit surnaturelle était la dernière du monde.   

   Il ne manqua pas de gens pour accroître les dangers réels par des terreurs feintes et mensongères. Il en arrivait qui annonçaient qu’à Misène tel édifice s’était écroulé, que tel autre brûlait : c’était faux, mais il y avait des gens pour le croire. Une faible clarté reparut, elle nous semblait être non pas la lumière du jour, mais le signe de l’approche du feu. Celui-ci, du moins, ne s’avança pas bien loin. A nouveau les ténèbres, à nouveau la cendre abondante et lourde. Nous nous levions de temps en temps pour la secouer, sinon nous en aurions été couverts, et même écrasés sous son poids… Enfin le brouillard noir s’atténua et s’évanouit comme le fait une fumée ; bientôt la véritable lumière du jour, le soleil, enfin brilla, livide comme lors d’une éclipse. Aux yeux encore clignotants, tout était méconnaissable : couvert comme de neige d’une épaisse couche de cendre. Revenus à Misène, nous réparâmes nos forces comme nous le pûmes et nous passâmes une nuit inquiète partagée entre l’espoir et la crainte. Cette dernière l’emportait pourtant : la terre continuait à trembler, et la plupart des gens, l’esprit égaré par des prédictions terrifiantes, tournaient en dérision leurs malheurs et ceux d’autrui.