Dès le début vous avez toujours bien expliqué aux enfants qu’ils avaient été adopté ?  

C : On habitait à l’époque dans un petit village, et tout se sait dans les villages. Il a donc toujours entendu ce mot. Et puis on nous a toujours dit que c’était mieux de leur dire tout de suite. Ça fait partie d’eux, de leur histoire. D’ailleurs ils ont chacun leur livre avec des photos.  
Ils posent aussi des questions.  

Quel genre de questions ?  

C : D a un trou de 4 mois. Il essayait de comprendre, pourquoi on l’avait abandonné quand il était plus petit. Et ces quatre mois de vide le troublaient beaucoup. Il a fait une crise à une époque qui s’est résolue avec la mort de son arrière grand-père. Il a pu comprendre qu’on pouvait aimer les gens sans les voir. Il a réalisé qu’il pouvait cultiver cet amour, en regardant des photos, en chantant les chansons qu’il chantait, ... Il avait droit de nous aimer et il ne nous decevait pas en aimant des gens qu’il ne voyait pas, ses parents biologiques. En sachant qu’il avait un autre papa, une autre maman, il pouvait cultiver cet amour.  

P : C’est comme s’il n’avait pas d’histoire , comme s’il venait de nulle part. Nous on a tout une histoire avant d’être là, nos parents, grands-parents. Mais lui ce vide ça l’a perturbé pendant longtemps. Et le fait de lui dire oui, tu as des parents biologiques qu’on a jamais vu jamais connu qui ont existé, un grand-père au Pérou et que ce n’est pas parce que tu es ici avec nous que tu ne peux pas te rendre compte que tu as aussi une descendance que tu peux aimer même si on ne les connait pas. Ça l’a rattaché à sa propre histoire.  

Et pour R ça a été pareil ?  

C : C’était presque plus facile. Elle avait trois ans et inconsciemment elle a des souvenirs, des flashs de l’orphelinat, surtout les deux ou trois premières années ou elle était là. Elle s’absentait complétement, on pouvait lui mettre la main sur les yeux elle n’était plus là, elle était dans son pays.  Parfois elle raconte ce dont elle se rappelle ou ce qu’on lui a dit là-bas, que sa maman était morte et que c’est son papa qui l’a amenée à l’orphelinat parce que c’était la dernière enfant. Et les gens là-bas sont très pauvres. Il n’arrivent pas forcément à assumer le nombre d’enfants, la maladie, ... C’est en tout cas les histoires que les soeur de Mère Théresa lui racontait, il y a tellement d’histoire et d’enfants, qu’elles se trompent.