Quelques éléments historiques
 
La vache sacrée 
  

Les fouilles en témoignent : les historiens situent la domestication de la vache au VIIe millénaire avant Jésus-Christ, à la fois au Proche Orient et en Europe orientale. Mais il faut attendre environ 3000 ans avant notre ère pour voir les premières représentations de chars à boeufs et de jougs à cornes.   
Parce qu'elle nourrit les pommes, parce qu'elle l'aide dans son travail, la vache occupe tôt une place centrale dans le panthéon antique. Clef de voûte de l'univers, principe vital, mère de toutes choses, elle a un rang de déesse, de "vache sacrée" pour nombre de peuples.   
  
  

En Inde   

Plus que toute autre civilisation, l'Inde montre la voie ; le mot vache viendrait même du sanscrit Vaça désignant une génisse qui vêle pour la premier fois. Depuis le V siècle avant l'ère chrétienne, la vache (en fait un zébu) est sacrée. Les Hindous croient qu'elle est l'incarnation de tous les dieux du panthéon, c'est pourquoi le meurtre d'une vache est aussi grave que celui d'un brahmane. Dieu le plus vénéré, Krishna, appelé encore "le maître des vaches à la flûte", a été élevé au milieu des laitières. Dans le sud de l'Inde, des cérémonies et des temples leur sont consacrés.   
Les dévots hindous désignent encore la vache sous le nom  de Go, surgi de la mer de lait primordiale. En tant que sauveteur de la Terre, Vishnu s'appellera Govinda, c'est-à-dire vacher.   
Avec 185 millions de têtes, l'Inde possède 15 % de l'effectif mondial des bovins; quelques milliers de bêtes seulement finissent à la boucherie. Les autres vivent une vie paisible en pleine ville ou à la campagne, assurés de finir leurs jours sur des pâtures municipales ou dans des "maisons de retraite pour déesses" comme le montrait un reportage de Frédéric Sultan dans l'émission "Faut pas rêver" (France 3) le 22 septembre 1995. Sont-elles inutiles ? Certes non puisque le lait est un élément de base de l'alimentation et que les bouses sont récupérées pour la construction des murs en pisé ou pour alimenter le four familial. "Tout homme qui ne croit pas à la protection de la vache, n'est pas un véritable Hindou", disait le mahatma Gandhi qui ajoutait : "En elle réside l'ordre divin".    
 

Le monde antique    

On retrouve cet ordre divin en Mésopotamie, où les Assyriens vénéraient Ninhursag, la Grande Vache, déesse et vache céleste à la fois, mère du héros fondateur de leur dynastie, Gilgamesh,. Ne dit-on pas qu'à Sumer, le taureau Anu, dieu du ciel, qu'on adorait, était en réalité une vache, pour rappeler l'importance du principe féminin dans la création du cosmos?   
L'Egypte ancienne nous a laissé d'importants témoignages sur la vache sacrée, fondement même du monde terrestre. Voici la vache Ahet, mère du soleil, voilà Hathor, la déesse-mère aux oreilles et aux cornes de vache; elle protégeait le pharaon qu'elle allaitait pour lui infuser par son lait la vie même des dieux. Les femmes qui souhaitaient un enfant portaient des amulettes la représentant.   
Dans ce monde méditerranéen antique, taureaux et vaches hantent les imaginaires. L'un et l'autre, parfois confondus, incarnent la fertilité et la force. Sur les rivages de l'actuel Liban, les Phéniciens    adoraient Baal et son épouse-vache Ashtart.  
 

La Grèce   

La mythologie grecque nous rapporte l'étonnante histoire du taureau blanc créé par le dieu des Eaux, Poséidon, pour Minos, roi de Crète; des amours de son épouse Pasiphaé avec le bovin naîtra le Minotaure, un monstre que seul Hercule pourra vaincre.   
Mais la vache qui nous tient le plus à coeur est sûrement Europe, fille d'Agénor, roi de Sidon. Amoureux de sa beauté, Zeus, le père des dieux, métamorphosé pour la circonstance en taureau blanc s'était mêlé au troupeau d'Agénor, sur le rivage; on voit alors Europe jouer et nager sur le dos de son séducteur qui l'entraîne en Crète. De leur union naîtront trois fils, dont Minos.   
Io, autre vache, lui fera concurrence dans le coeur des Grecs. Zeus tombera amoureux de celle qui est alors la fille d'Inachos, roi d'Argos, et la prêtresse d'Héra, la déesse dite "aux yeux de vache ". Afin de déjouer la jalousie d'Héra, il change Io en génisse blanche; mais Héra lui réclame l'animal et le fait garder par un géant dont les cent yeux me se ferment que par moitié. Jamais à court d'imagination, le père de dieux se change en taureau pour rencontrer son aimée et confie une mission à son fils Hermès : Libère-la, lui ordonne-t-il. Le protecteur du commerce va jouer de la flûte et raconter des histoires au gardien pour l'endormir puis le tuer. La légende contée par l'Iliade rapporte qu'Héra prit les yeux du géant et les sema sur  des plumes de paon; puis, pour venger, elle envoya un taon pour harceler Il, qui s'enfuit à travers la Grèce, en donnant son nom au golfe ionien; elle franchit ensuite le Bosphore (terme qui signifie "passage de la vache") avant de parvenir en Egypte. C'est là que Zeus la rejoignit et lui donna un  fils, Epaphos, dont le culte est identifié au dieu-taureau Apis. La belle Io instituera el culte d'Isis avant de devenir une constellation du ciel.   
 

La Suisse et reine   

S'il reste un pays d'Europe où les vaches sont sacrées ou pour le moins reines, c'est bien la Suisse. Après tout, les premières d'entre elles sont attestées à Sion dans le Valais, il y a 6'000 ans.   
Véritable emblème national, la vache a été abondamment fêtée à l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération helvétique en 1991. N'est-elle pas à l'origine de son essor économique au XVIIIe siècle quand les Suisses s'appuyaient sur le pastoralisme et la production de fromages pour forger leurs richesses ? "Nous sommes un pays à vaches", aiment à dire nos voisins d'outre-léman dont le moindre cortège folklorique est suivi par un troupeau avec cloches et rubans. Belles et souveraines, les vaches suisses sont les héroïnes des montées et des descentes de l'alpage rythmées par  la musique du ranz-des-vaches, un hymne cher aux montagnards. Cet air, accompagné du cor des Alpes, exprime toute la ferveur de la célébration pastorale. Le pays de la Suisse, palpite particulièrement a cette dévotion que l'on peut retrouver au musé gruérien de Bulle, où sont exposés de nombreux tableaux appelés poyas. Ces peintures naïves montant la montée des troupeaux vers l'alpage ornent encore le fronton des fermes au royaume des vaches-reines.   
 

 
 
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