L'Institution
  1. Description du service de prise en charge psycho-educative
  2. Description de la population consultante
  3. Description d'intervention qu'il m'a été donné d'observer

  4.  

     
     


    1. DESCRIPTION DU SERVICE DE PRISE EN CHARGE PSYCHO-ÉDUCATIVE :


    Ce service qui bénéficie de l’infrastructure de la Croix-Rouge a démarré en janvier 2000 et est financé par des associations privées. Outre le secrétariat, il compte une psychologue au bénéfice d’un DES de l’Université de Genève  et une éducatrice, licenciée en Pédagogie curative de l’Université de Fribourg. La prise en charge psycho-éducative  s’adresse aux familles migrantes ou non, qui rencontrent des difficultés pour l’éducation de leurs enfants. Elle propose une guidance afin que parents et enfants  soient en mesure d’affronter les problèmes scolaires, éducatifs, familiaux, financiers ou d’intégration. En cas de violences scolaires, une démarche est proposée visant à gérer l’agressivité afin d’éviter les passages à l’acte violents. Le soutien de la famille, dans sa relation aux enfants ou à l’école, essaie d’éviter que des situations difficiles ne dégénèrent et ne conduisent à des points de non retour, tels que l’exclusion scolaire, la rupture sociale, le placement en institution, la « zone »… L’objectif n’est pas d’augmenter la dépendance des familles à l’aide extérieure mais au contraire de leur permettre de puiser dans leurs ressources pour trouver la possibilité d’affronter et de surmonter les difficultés de vie. L’idée est de valoriser tant le potentiel individuel que celui du groupe pour permettre à la famille de retrouver son autonomie. Il s’agit donc d’une intervention à court et moyen terme qui se profile dans un espace encore inoccupé  par les différentes structures d’aide à la jeunesse : elle se situe en amont du placement en institutions  et en aval des services ambulatoires.

    L’éducatrice et la psychologue travaillent en étroite collaboration. Conjuguant leurs deux visions, elles tentent d’évaluer les différents facteurs ayant pu générer les difficultés rencontrées par les familles, puis elles émettent des hypothèses  de compréhension afin de mettre en place des objectifs à court ou moyen terme. Elles essayent de programmer une intervention, accompagnée d’une évaluation continue, en fonction de l’évolution des hypothèses initiales et des nouvelles informations reçues. L’originalité de leur démarche est que, selon l’évolution des situations, l’éducatrice se rend de 1 à 4 fois par semaine au domicile des consultants afin de travailler dans, et avec, le milieu familial ; son travail s’inscrit dans une forme de quotidienneté et de proximité. 

    La psychologue, quant à elle, propose une intervention qui s’inscrit dans plusieurs axes différents :
     

    • Elle collabore et supervise la prise en charge et le suivi des familles,
    • Elle soutient l’éducatrice dans son travail et l’aide à « recadrer » son intervention, à garder un œil extérieur et professionnel sur chaque situation, à être un intervenant compétent et indépendant dans la trame des relations inter-groupe,
    • Elle rencontre régulièrement les familles pour un bilan de la prise en charge, pour l’évaluation du suivi et des objectifs. Parfois, elle opère un suivi psychologique individuel des parents ou des jeunes dont la prise en charge par un autre service n’est pas accepté ou a échoué ,
    • Elle se charge de faire le lien avec les différents services, participe au réunions de réseaux avec les différents professionnels intervenant dans la situation (assistants sociaux, enseignants, médecins, autorités judiciaires).
    • Elle travaille à faire connaître le service de prise en charge psycho-éducative dans la région et à la  recherche de fonds pour assurer sa pérennité.
    1. DESCRIPTION DE LA POPULATION CONSULTANTE :
    Lors de la première année d’activité du service, une dizaine de familles ont été encadrées. De nombreuses demandes sont actuellement en attente. La demande de guidance émane en général des parents lorsque leurs enfants sont confrontés à des problèmes avec les autorités judiciaires ou scolaires et que les parents, à bout de ressources personnelles, sont démunis. Une participation financière leur est demandée en fonction de leurs possibilités, elle n’est souvent que symbolique.

    La population suivie jusqu’à présent se compose de :
     

    • deux familles suisses à bas revenus, rencontrant de fortes difficultés psycho-sociales, qui consultaient pour des enfants en échec scolaire ou présentant des problèmes d’éducation
    • huit familles d’origine serbe, africaine, brésilienne, avec de multiples enfants, financièrement démunies, rencontrant des problèmes d’intégration, d’éducation avec les enfants et particulièrement avec les adolescents.

     
     
    1. DESCRIPTION D’INTERVENTION QU’IL NOUS A ÉTÉ DONNÉ D’OBSERVER :
    Les familles migrantes présentent souvent la particularité supplémentaire d’une difficulté d’acculturation. Elles sont facilement victimes de préjugés, de discriminations raciales ou de pressions à l’intégration auxquelles elles ne savent parfois pas apporter de réponse. Leurs standards en matière de normes sociales,  de tolérance religieuse, de respect d’autrui ou de l’autorité sont parfois différents des nôtres. Ces familles ont à fournir de gros efforts pour réussir à trouver une plate-forme commune aux deux cultures afin de rejoindre les normes de notre société sans renier leur identité première. Si les adolescents sont particulièrement à risque de par la période de fragilité identitaire qu'ils traversent, ils peuvent aussi se révéler être l’articulation de ce processus, liant les parents au nouveau réseau social, à cette langue, à cette culture nouvelle. 

    L’intervention du SPCPE propose donc une guidance dont nous allons exposer quelques techniques et objectifs, non exhaustifs :

    Aide thérapeutique:

    En intégrant les connaissances des approches systémiques et cognitivo-comportementales, et en fonction de la problématiques personnelle à chaque individu, les intervenantes guident la personnes dans ses prises de conscience des méchanismes impliqués dans les comportements ou attitudes générant une difficulté. Un travail sur les facteurs extérieurs cherche à aider la personne à comprendre comment son rôle dans la famille et la culture de ce groupe influencent ses propres comportements. Ensuite, tentative de “recadrage” de certaines croyances   et recherche de stratégies lui permettant de se protéger d’un cercle vicieux de comportement ou de changer certains shémas d’attitudes. De plus les intervenantes travaillent avec la personne afin de l’amener à comprendre et à repérer en elle, les composantes situationnelles et personnelles qui participent à l’éclosion d’un comportement à risque tel explosion de violence, envie de fuger, de mentir, de voler, de détruire le bien d’autui. Cet apprentissage de soi permet de comprendre puis éventuellement d’anticiper et de modifier  certaines dynamiques de comportements.
    Assistance aux devoirs par l’éducatrice:
    • instaurer un rythme, une routine avec et pour l’enfant ou l’adolescent
    • permet d’éviter l’accumulation de retard scolaire
    • a valeur d’exemple pour les parents, qui peuvent imiter et prendre le relais 
    • révéler l’aspect ludique de l’apprentissage, diminue l’aspect rédhibitoire des devoirs


    Assistance aux devoirs des cadets par les aînés :

    • assurer l’autonomisation des individus et la collaboration dans le groupe
    • répartition des tâches (aînés souvent moins fatigués que parents qui travaillent)
    • appui sur le clan familial pour résoudre une difficulté, développer une solidarité


    Partage des tâches :
     ménage, courses, réparations domestiques sont des responsabilités collectives, surtout dans les familles à tradition patriarcale où les adolescents garçons peuvent intégrer de nouvelles normes.

    Contrats
    Les intervenantes du SPCPE considèrent que le respect des normes et des lois sociales, scolaires ou pénales passent par la compréhension et l’acceptation de règles familiales. Lorsque les parents peinent à fixer ces règles familiales ou qu’au contraire ces dernières sont trop strictes ou inadéquates, la négociation d’une « convention » entre adolescent-parents, amenée par la médiation de l’éducatrice, permet à chacun de réfléchir à ses besoins, obligations et limites et inversement. Par la triangulation, les bases d’un accord concernant une situation conflictuelle sont ainsi discutées et négociées par avance. De même, des conséquences justes et cohérentes sont prévues pour une éventuelle rupture du contrat par l’une des parties. Ainsi, lorsque surgit la crise, une sorte de protocole existe auquel chacun peut se référer afin de gérer la crise en évitant les excès de toute sorte. Le but est de protéger l’enfant ou l’adolescent face à des abus d’autorité ou des incohérences parentales et de le responsabiliser face à ses propres manquements. Les sorties d’un adolescent, leurs fréquences,  l’heure de rentrée peuvent ainsi être négociées dans le calme et en tenant compte des limites des parents et des besoins du jeune. Si ce dernier ne respecte pas ses engagements, il connaît la sanction qu’il a préalablement acceptée. Ce type de contrat peut aussi s’appliquer à la participation aux tâches familiales, à la consommation de sucreries, de télévision, etc… Pour que cela fonctionne, il est important d’obtenir l’accord, le soutien, la supervision et l’application des sanctions par les parents. Si la famille a déjà des règles, il s’agit de les reclarifier et de les faire respecter.

    Jeux de rôles

    • Jeux qui permettent une rencontre familiale et qui reflètent la qualité de nombre d’interactions quotidiennes
    • Expérience de défoulement, effet cathartique
    • Apprendre à ressentir clairement ses sentiments et à les exprimer à un interlocuteur
    • Apprentissage de cohérence et structuration d’un dialogue
    • Occasion ludique de tester d’autres réactions possibles, d’autres attitudes, émotions dans des situations à risque imaginées par l’enfant ou qui ont posé problème récemment
    • Occasion de se décentrer, de prendre la position d’une autre partie au conflit et de comprendre le point de vue de l’autre
    • Explorer d’autres alternatives à la violence ou à l’agressivité


    Boîte à colère :
    Prévoir une boîte ou un lieu où il est possible, selon l’envie, de glisser un billet où l’enfant aura noté un souci, écrit une colère, un chagrin, un secret; un endroit où il puisse cracher ou taper du pied…  et y abandonner symboliquement son poids. => Quand il retourne voir son billet le lendemain, il se rend compte que sa colère ou son émotion ont diminué, qu’il est possible de temporiser un débordement de sentiments négatifs.

    Informations :
    Par le biais d’activités de routine ou didactiques, prise en compte des divergences culturelles, aide à la compréhension et à l’adoption de certains éléments de notre culture (sans renier les fondements de la leur).

    Et aussi :

    • Recherche et revalorisation des ressources propres à chaque famille et pouvant être activées lors de situations stressantes 
    • Validation des parents dans leurs rôles ; certaines mères dépriment, persuadées que les difficultés familiales sont dues à leur incompétence personnelle et elles craignent l’intervention de la psychologue ou de l’éducatrice qui risque de mettre à jour et de stigmatiser leurs manquements. Au contraire, les intervenantes valorisent tout ce qui peut l’être afin d’augmenter la confiance en soi des mères, de les aider à occuper leur rôle, puis admettre d’éventuelles corrections dans l’éducation.
    • Établissement d’un espace lieu-et-temps d’intimité pour chaque individu