Conclusions

La plus grande difficulté au cours de ce relevé d’observations a été de résumer des vies extraordinaires en quelques paramètres, mais aussi, à l’inverse d’accompagner une intervenante dans une relation déjà ancienne et d’arriver à obtenir toutes les informations utiles à  nos grilles de lectures. En outre, les conditions du stage prévoyaient la participations aux interventions du SPCPE dans toutes les familles suivies. Ainsi, le temps passé exclusivement avec les adoclescents de nos trois observations était limité. De fait, la situation nous a parfois forcées à nous référer aux protocoles et aux rapports établis par la psychologue ou l’éducatrice pour y puiser des éléments que nous ne pouvons par conséquent pas objectiver ou argumenter personnellement.

Notre travail présente d’autres limites. Nous réalisons parfaitement qu’une étude portant sur trois cas est trop restreinte pour permettre une généralisation des conclusions. La pertinence de la littérature qui a guidé notre réflexion, ou le choix des grilles de lectures qui comportent leurs propres restrictions, peuvent aussi être discutées. 

Le SPCPE ne suit pas une population de tout venant mais bien des familles concernées par des difficultés sociales ou psycho-éducatives. Ainsi, l’échantillonnage des familles migrantes qui consultent n’est pas représentatif de “l’étranger en Suisse”. Cette portion consultante « masque » quantité de familles migrantes dont nous n’avons pas connaissance parce qu’elles ne présentent pas ce type de problématique. 

Les chiffres relevés lors du stage ne permettent donc pas d’inférence pour répondre la question initiale posée en introduction, à savoir si la migration augmentait le risque de délinquance. 

Par ailleurs, si l’on analyse la proportion de situations où des adolescents migrants en Suisse sont  auteurs de délits ou de violences, par rapport à la population totale suivie par le SPCPE, nous comptons qu’elles n’y sont pas sur-représentées (3 familles sur 10). En l’état, il n’est pas possible d’indiquer si c’est la méfiance des autochtones et leurs préjugés concernant les jeunes étrangers qui sont injustifiés ou si c’est le fait que le SPCPE est encore mal connu et que les familles accueillies en Suisse et qui en auraient le plus besoin ne sont pas informées ou atteintes.

La deuxième question à laquelle nous tentions de répondre par ce stage était d’évaluer si ces adolescents déviants répondaient favorablement à un suivi psycho-éducatif, si la violence pouvait se juguler en amont. Nous avons considéré qu’une réelle influence se mesurerait par le fait que ces jeunes à problèmes diminueraient le nombre ou la gravité de leurs comportements négativistes,  interrompant ains le cercle vicieux de la violence et de l’exclusion pour amorcer un retour dans cette fameuse “norme” sociale. 

Les trois situations qu’il nous a été donné de suivre tendent à montrer qu’avec une prise en charge psychologique et un travail éducatif, des évolutions favorables peuvent être escomptées. Ce qui est relevable en définitive, c’est que la situation d’aucun des trois ne s’est aggravée depuis l’intervention du SPCPE. Dans le cas le plus grave, l’adolescente s’est stabilisée alors que sa situation familiale, très atteinte, n’a que peu évolué. Dans les deux autres cas, la situation familiale à répondu à l’influence du SPCPE et le comportement du jeune a progressé : il n’y a plus de passage à l’acte violent, plus de problème avec la justice ou la police, les progrès scolaires sont réels et le jeune a des objectifs personnels plus clairs et un projet professionnel. Dans les trois familles, l’intervention du SPCPE touche à son terme et n’a pas duré plus d’une année.

On peut en déduire que le travail de réflexion et d’analyse, de clarification des influences et des objectifs, les tentatives de médiation, l’instauration de routines, les jeux de rôles, l’identification aux exemples etc… proposés par le SPCPE ont porté des fruits en ouvrant des alternatives à la violence. Ces adolescents, qui vacillaient sur la brèche entre normalité et psychopathologie/délinquance, ont changé de dynamique. Il s’agit de processus, d’évolution et non de résultats arrêtés. Les jeunes qui font l’objet de ce rapport ont davantage une trajectoire de vie heurtée et chaotique qu’un véritable profil psychologique de délinquant en puissance.

Les trois situations discutées révèlent une autre constante : les graves difficultés voire l’échec scolaire rencontrés par l’adolescent qui présente des symptômes de délinquance. A ce niveau-ci, il est mal aisé de dire si les difficultés sociales parasitent la capacité de concentration et la motivation de l’élève ou si ce sont les échecs cumulés et la baisse d’estime de soi rencontrés en milieu scolaire qui poussent l’adolescent à se révolter et à s’illustrer dans des domaines parascolaires.Nous pensons, néanmoins, que pour éviter les dérapages dans ces situations à risques, il faut rester très vigilant aux deux facettes de cette problématique.

Ce qui nous frappe toutefois dans le phénomène, et qui pourrait faire l’objet d’un prochain travail, c’est l’absence de figure paternelle forte. Que la représentation du père soit un fait culturel ou une autorité naturelle, il nous semble qu’elle peut soutenir la mère dans l’instauration des règles, le respect des usages propres à leur société.
 

A l’issue de ce stage, nous sommes heureuses d’avoir participé à une expérience pratique, d’avoir vu comment des concepts psychologiques sont maniés  et travaillés dans des réalités humaines différentes. Le seul regret provient du fait que nous n’ayons pas eu l’occasion de participer à la phase d’analyse et d’élaboration des hypothèses de compréhension d’une situation. Comme les périodes de stage n’ont pas correspondu avec le début d’une prise en charge, nous avons uniquement pu prendre connaissance d’un travail d’analyse déjà réalisé et assister à des stratégies psycho-éducatives déjà élaborées…