Chapitre 5: Le rôle de l'environnement dans la détermination du comportement


ILLUSTRATION: LES RATS DÉPRESSIFS

UNE DICHOTOMIE INNÉ-ACQUIS?

L'IMPRÉGNATION: UN APPRENTISSAGE PROGRAMMÉ

LE CHANT DES OISEAUX 

 

ILLUSTRATION: LES RATS DÉPRESSIFS

Bignani (1972) a sélectionné 2 lignées de rat pour leur vitesse d’apprentissage dans la shuttle-box (les plus lents et les plus rapides) et les a faits se reproduire entre eux. Les « lents » sont plus émotifs et moins actifs ; de plus, ils explorent peu :

-d’un point de vue comportemental, ils ont un phénotype (=ensemble des caractères d’un individu) correspondant à une détresse spontanée ;
-d’un point de vue hormonal, les lents sont différents. Ils ont une réponse au stress beaucoup plus forte et dure beaucoup plus longtemps.
Cette différence de génotypes (=ensemble des gènes d’un individu) explique leur différence de phénotypes. Mais ces phénotypes sont en interaction avec l’environnement. Si on manipule des petits rats « lents » par des caresses quelques minutes par jour jusqu’au sevrage (6-8 mois), puis on les laisse tranquille avec les autres, on voit que leur phénotype comportemental s’est rapproché des rats « rapides », en explorant davantage et en étant moins dépressifs.
~ 2 choses à retenir :
a) effet des gènes (prédisposition génétique)
b) effet de l’environnement qui peut modifier l’effet des gènes
!!! Parfois les effets de l’environnement peuvent cacher ceux des gènes !!!
UNE DICHOTOMIE INNÉ-ACQUIS?

Il faut reformuler la question de l’inné et de l’acquis non pas de manière dichotomique mais en cherchant à savoir d’où un organisme obtient l’information nécessaire à un comportement adapté (Lorenz) :

a) elle peut s’acquérir au cours de la phylogenèse (sélection naturelle)et est donc présente dans les gènes ;
b) elle peut s’acquérir au cours de l’ontogenèse (apprentissage).
Mais on ne peut pas réduire l’animal à une tabula rasa (courant behavioriste). L’information prise dans l’environnement est la plupart du temps sélectionnée. C’est un apprentissage avec des contraintes: ce qui est appris et comment c’est appris est prédéterminé. Les dresseurs le savent bien car on ne peut pas obtenir n’importe quoi de n’importe quel animal.
L'IMPRÉGNATION: UN APPRENTISSAGE PROGRAMMÉ

 -Caractéristiques de l’imprégnation:

a) Il n’y a pas besoin de renforcement, l’apprentissage est précontraint et préprogrammé.
b) Il y a une période sensible aux stimuli :
L’animal va s’imprégner des stimuli vus pendant cette période de courte durée. S’il n’y a pas de stimuli (modèle), la période sensible va durer plus longtemps.
c) L’imprégnation est irréversible : le modèle appris ne peut être modifié.
-L’imprégnation filiale:
Il y a à l’intérieur du petit un modèle grossier de ce que doit être un parent et de ce qu’il doit faire pour survivre. Ainsi, le jeune canard colvert nouvellement éclos apprend à suivre un modèle grossier (même un simple cube!) comme s’il était sa mère.
Mais le modèle précodé n’est pas si grossier que cela; l’oiseau s’imprègne sur le modèle caricatural faute de mieux. Dans une expérience, Johnson a montré que chez des poussins, l’imprégnation est déclenchée par une activité motrice (quelque chose qui bouge) entre 12 et 18 heures après l’éclosion. L’imprégnation n’est donc irréversible que si le modèle est réaliste. Dans une autre expérience, Johnson a montré que le modèle précodé doit être relativement précis. Il a observé que le poussin sans expérience se base sur une image précodée de la tête et du cou de la poule pour s’en imprégner : en montrant en même temps une poule empaillée entière et une en pièces permutées, le poussin accepte les 2, du moment que le modèle en pièces permutées contient le cou et la tête. Par la suite, le poussin va apprendre à reconnaître des détails plus fins pour pouvoir par exemple différencier sa mère des autres poules.
-L’imprégnation maternelle:
La mère doit apprendre à reconnaître son  petit. Par exemple, la brebis, juste après la naissance de son petit, le lèche et ce sera le seul qu’elle acceptera de nourrir. Si l’imprégnation olfactive ne se fait pas dans les 2 heures qui suivent la naissance du petit, elle le rejettera. L’imprégnation maternelle permet d’investir ses ressources dans le bon petit, sinon des parasites pourraient s’infiltrer.
-L’imprégnation sexuelle:
La période sensible pour l’imprégnation sexuelle est plus tardive et dure plus longtemps que l’imprégnation filiale. Sinon, elle repose sur le même mécanisme que l’imprégnation filiale: la préférence établie est quasi irréversible. Par exemple, le diamant mandarin (Immelmann, 1972) mâle imprégné sur une espèce étrangère (des bengalis) choisira toujours la femelle de l’autre espèce (même si celle-ci ne répond pas) plutôt qu’une de son espèce.
C’est un mécanisme proche de la reconnaissance des apparentés : quand on choisit un partenaire sexuel, il faut choisir un de la même espèce mais optimalement  différent de soi («optimal outbreeding»). Le partenaire ne doit pas être trop semblable génétiquement (éviter la consanguinité) et pas trop différent non plus, sinon on risque de briser l’assemblage dû à l’environnement où l’on vit (problèmes d’adaptation).
Bateson a testé cette hypothèse en observant la caille japonaise. En la mettant dans un dispositif à choix multiple, elle a une plus grande préférence pour un cousin du 1e degré que pour des individus plus proches (frères) ou plus éloignés (cousin du 3e degré ou individu non apparenté).
-D’autres apprentissages à période sensible:
Le coucou (oiseau parasite) va apprendre le chant de ses parents adoptifs pour ensuite pouvoir pondre ses oeufs dans les nids de la même espèce. Le coucou ne parasite que 10 espèces différentes, produisant 10 lignées différentes de coucous pondant chacune des oeufs aux couleurs adaptées à l’espèce parasitée.
Les alevins de saumon enregistrent l’aspect olfactif de leur rivière natale, pour revenir quelques années plus tard y pondre leurs oeufs.
LE CHANT DES OISEAUX 
Si tous les oiseaux ont des cris, seuls certains ont un chant, et on le trouve seulement chez le mâle. Le chant est un patron moteur qui change d’une espèce à une autre.
Regardons son évolution chez les pinsons. Pendant leur 1e année, ils ne chantent pas ; au printemps suivant, ils acquièrent un pré-chant (sorte de babillage), qui va se structurer en chant plastique ( qui possède un phrasé) ; la dernière étape s’achève avec un chant cristallisé. Chaque mâle possède 2-3 chants cristallisés, répertoire qui ne change plus. Si on isole après éclosion un pinson mâle dans une enceinte acoustiquement insonorisée, il aura au printemps suivant un chant de pinson, mais simplifié et avec peu de variation intra- et interindividuelle. On peut donc dire que le chant est inné (le squelette du chant est invariable), mais les différentes variantes qui s’y superposent proviennent du chant des adultes que le petit entend pendant la 1e année de sa vie (influence de l’environnement). Ces variations permettent l’émergence de dialectes locaux