DU SENSIBLE A
L'INTELLIGIBLE : LES HALLUCINATIONS



Le long parcours suivi par l'influx sensoriel du récepteur périphérique aux centres cérébraux d'intégration est l'objet de discussions philosophiques et scientifiques. Le point délicat est de distinguer la connaissance sensible et la connaissance psychique, et en même temps de les relier. La terminologie manque parfois de rigueur.

Comme la motricité, la sensibilité est une propriété fondamentale de la matière vivante. Elle existe à tous les niveaux phylogénétiques; des rudiments de sensibilités existent aux échelons inférieurs. Des formes les plus simples aux plus complexes, elle se perfectionne.

Les plantes sont sensibles aux substances chimiques; certaines dites "carnivores" réagissent au contact des insectes, les enferment dans une "mâchoire" faite de feuilles et les digèrent grâce à des sécrétions… Des unicellulaires aux pluricellulaires, les êtres reçoivent du monde qui les entoure des messages de toutes natures : chimiques, physiques, thermiques, électromagnétiques, acoustiques…

Les unicellulaires répondent aux stimulations, évitent les obstacles, sont attirés par des substances nutritives. Les invertébrés : spongiaires, chidaires, vers, arthropodes, mollusques, insectes…, captent des informations qui leur permettent de trouver leur nourriture ou leurs partenaires sexuels; leur système nerveux génère des réactions. Les vertébrés : poissons, batraciens, reptiles, oiseaux, mammifères, identifient les stimuli, reconnaissent les messages, réagissent grâce à des centres spécialisés…

La décision prise aux étages inférieurs est automatique, réflexe… Aux étages supérieurs, elle est plus adaptée, plus élaborée. Chez l'être inférieur, le récepteur sensoriel et l'élément moteur sont articulés directement. Au fur et à mesure que l'on s'élève dans l'échelle animale, des neurones de contrôle de coordination et de précision de plus en plus nombreux s'intercalent entre eux.

Le sensible, c'est-à-dire la captation et l'intégration du réel, et l'intelligible, c'est-à-dire la connaissance du réel, sont deux activités mentales distinctes, mais pas indépendantes. Il est absolument justifié du point de vue anatomique et physiologique de distinguer deux parties:

1) Un appareil sensoriel. Le stimulus, élément extérieur à l'organisme, vient exciter l'un des systèmes sensoriels…visuel, auditif, olfactif, gustatif, tactile, thermique, etc. Des voies transmettent l'influx des récepteurs aux centres de l'écorce cérébrale où sont perçues les sensations élémentaires et réalisée la synthèse de ces sensations porteuses des particularités de l'objet. Dans le sensible règne le quantitatif (R.Thom).

2) Des centres intégrateurs enregistrent les sensations venues de l'extérieur… Ils sont eux-mêmes constitués:

- Par centres gnosiques où s'inscrivent l'expérience et la mémoire
- Par des centres d'idéation où germent les processus mentaux : raisonnement, imagination, programme d'action…
Dans le domaine de l'intelligible règne, non plus le quantitatif, mais le qualitatif (R.Thom).

La distinction entre un appareil génétiquement spécialisé où se réalisent les perceptions sensorielles et des centres supérieurs où s'effectuent la reconnaissance et l'idéation en fonction de l'expérience acquise, des motivations et des émotions est en conformité avec les données anatomiques et physiologiques, avec les constatations phylogénétiques et ontogénétiques, avec le développement progressif de la sensibilité de l'enfant.