L apprend EO TECFA Thématique de projets:

Technique didactique et ruse pédagogique
Institution du questionnement et scolarisation des technologies

Présentation [dias] [page de tutorat]

> Les questions à se poser : cadre conceptuel

Par définition, l'école scolarise tout ce qu'elle s'approprie : les savoirs, la gestion des temps et des espaces de formation, les procédures didactiques, les outils qu'elles mobilisent. Les technologies, nouvelles ou non, n'échappent pas à la règle. Elles peuvent transformer (en partie) l'école, mais elles sont aussi transformées par elle. Les formes scolaires d'enseignement et d'apprentissage ne subissent pas une évolution technique à laquelle elles ne feraient que se soumettre. Elles pèsent sur elles de deux manières au moins: 1. en pénétrant des logiciels qui simulent plus ou moins fidèlement des pratiques pédagogiques incarnées; 2. en adaptant les interfaces disponibles aux besoins et aux projets de l'institution. Cette dialectique assimilation-accommodation est valable pour tous les objets culturels scolarisés, environnements virtuels compris. Utliser et étudier les TIC, c'est donc réfléchir à la transposition et au contrat didactiques en passant par la médiation des outils technologiques de l'action pédagogique.

Partons d'un modèle assez simple : si l'homme a inventé l'école, c'est parce qu'il a jugé nécessaire ou au moins raisonnable d'instituer un temps et un espace consacrés à la transmission systématique de ressources culturelles utiles à tous : les savoirs. Or, que sont les savoirs ? En dernière analyse, un savoir n'est pas une simple proposition, mais la rencontre d'une question et d'une réponse, d'un problème et d'une solution. Penser, raisonner, argumenter, débattre, ce n'est pas enchaîner des affirmations indiscutables, c'est assumer la différence question-réponse qui est "la condition sine qua non pour qu'il y ait pensée" (>Meyer). Il faut, pour bien penser, articuler les propositions et les questions, s'interroger beaucoup (contre le dogmatisme), et répondre assez (contre le relativisme). Il faut - dans la délibération intrasubjective - résoudre des problèmes et problématiser les solutions.

Ce qu'a montré la psychologie socioconstructiviste, c'est que cette délibération intrasubjective (l'intelligence, la pensée, le raisonnement) n'est rien d'autre que le reflet de la communication intersubjective qui la précède nécessairement (>Vygotsky). Autrement dit : que la pensée est un langage intériorisé, et que le rôle des adultes en général, et des enseignants en particulier, consiste à interagir avec les enfants pour qu'ils accèdent au langage d'abord, à la pensée ensuite. Mais comment faut-il appréhender, dans l'interaction mère-enfant, maître-élève, expert-novice, la différence question-réponse qui structure le langage autant qu'elle structure la pensée ? Qui doit questionner qui ? Qui doit répondre à qui ? Qui doit décider de la validité (ou non) de ces prétentions un peu paradoxales que sont les questions (>Habermas) ? Nous touchons là aux fondements du débat sur l'éducation.

Ce qui a caractérisé et qui caractérise encore la controverse pédagogique, c'est ce que l'on peut appeler le double sens du questionnement. D'un côté, Socrate soumettant Ménon au questionnement maïeutique. De l'autre, Rousseau perdant Emile dans la forêt de Montmorency pour l'obliger à désirer connaître en se questionnant. D'un côté, une technique didactique permettant à la fois d'évaluer les connaissances de l'élève, de le confronter à sa possible ignorance, de guider son raisonnement, de le conduire progressivement vers le savoir visé par le maître. De l'autre, la ruse pédagogique consistant à suspendre provisoirement l'intention d'enseigner, à engager l'élève dans une activité "authentique" (la promenade) et à s'appuyer sur ses demandes et ses questions pour apporter ensuite des propositions. Ces deux logiques se sont souvent affrontées dans les débat sur l'école, et elles continuent d'alimenter la polémique entre pédagogies "traditionnelles" et pédagogies "nouvelles". On sait pourtant qu'elles peuvent être réconciliées, soit par le bas, soit par le haut. Dans le premier cas, les questions ont complètement disparu d'une leçon qui se résume à l'exposé magistral d'un ensemble déproblématisé de propositions. De l'autre, elles ne se contentent pas de circuler entre le maître et les élèves, elles sont aussi objet de discussion et de délibération. Imposer, négocier ou discuter la validité des questions, c'est le travail que fait le maître dans et par l'institution scolaire du questionnement.

Les technologies prolongent les pratiques didactiques et pédagogiques, elles s'y intègrent et les intègrent à leur tour. On a longtemps cru que les ordinateurs pourraient remplacer les maîtres en automatisant le questionnement socratique, comme dans l'Enseignement Assisté par Ordinateur (EAO), où la machine interroge l'élève et adapte les questions posées aux réponses obtenues. On a aussi cru l'inverse, à savoir que des micromondes (LOGO) ou le monde tout court (Internet) fourniraient des environnement suffisamment riches pour que l'élève se pose spontanément les bonnes questions et découvre, avec ou sans l'aide du maître, les bonnes réponses. Mais ces deux mythes sont trop symétriques pour épuiser la complexité pédagogique. Ils opposent le questionnement didactique au questionnement pédagogique, les "fausses" et les "vraies" questions, alors que les enseignants ne cessent, dans l'urgence et l'incertitude de leur travail quotidien (>Perrenoud), de naviguer entre les questions qu'ils posent (ou qu'ils pourraient poser) et celles auxquelles ils répondent (ou auxquelles ils pourraient répondre). Réfléchir à l'intégration de la pédagogie dans les technologies, et des technologies dans la pédagogie, c'est réfléchir (aussi) à cette navigation, plus ou moins souple, plus ou moins négociée, plus ou moins consciente, entre les questions du maître et les questions de l'élève, entre la technique et la ruse, entre le guidage et l'exploration, bref, entre la domestication et l'affanchissement (>Hameline, >Meirieu) sans lesquelles il n'y a ni apprentissage, ni éducation. S'il y a, quelque part, un texte du savoir, ce texte peut-être présenté aux élèves de manière plus ou moins détournée et/ou problématisée. C'est-à-dire qu'il peut répondre directement à leurs questions, répondre à celles du maître ou ne répondre à aucune. Autant de modes de transposition (>Chevallard), autant de rapports au savoir (>Charlot). Et autant de différences dans l'accès des élèves aux apprentissages scolaires.

> Références théoriques :

1. Technique didactique, ruse pédagogique : l'institution scolaire du questionnement

Maulini, Olivier (1998). Apprendre à questionner. Le citoyen, le savoir et l'école en cyberdémocratie. Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

Maulini, Olivier (1997). Demande de savoir, questions et réponses. Condition ou ambition des premiers apprentissages scolaires ? Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

Maulini, Olivier (1998). La question: un universel mal partagé, in : Educateur, 7, p.13-20.

Maulini, Olivier; Wandfluh, Frédérique (1998). Infinis questionnements. "Maîtresse, l'infini plus un, ça fait combien ?", in : Educateur, 8, p.19-21.

Maulini, Olivier (2000). Questions des uns, évidences des autres. Rire et souffrance dans l'apprentissage collectif, in : L'éGRENage (Bulletin du Groupe romand d'éducation nouvelle), 4, p.11-12.

Maulini, Olivier (2000). Subvertir les évidences. Le questionnement pédagogique : inquisition ou libération ?, in : Cahiers pédagogiques, 386, p.20-21.

Maulini, Olivier (2001). Le pouvoir de la question. Savoir, rapport au savoir et mission de l'école, in: Education et francophonie (à paraître).

Maulini, Olivier (2001). Technique didactique et ruse pédagogique. Le double sens du questionnement. Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

Maulini, Olivier (2001). La communication scolaire : techniques, ruses et institution du questionnement. Intervention pédagogique et sociologie critique. Texte d'une communication dans le module "Socialisation et éducation" du Congrès de la Société suisse de sociologie : "Théories et interventions". Genève, 19-22 septembre 2001. Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

Maulini, Olivier (2001). L’institution scolaire du questionnement. Interaction maître-élèves et limites de la discussion à l’école élémentaire [canevas de thèse présenté devant le Collège des docteurs de la Section des sciences d'éducation]. Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

2. Assimilation/accommodation: la double intégration des pratiques pédagogiques et des outils technologiques

Arsac, G., Chevallard, Y., Martinand, J.-L., Tiberghien, A. (dir.) (1994). La transposition didactique à l'épreuve, Grenoble, La Pensée Sauvage Éditions.

Crossley, Kel; Green, Les (1985). Le design des didacticiels. ACL > Résumé

Maulini, Olivier (2000). L'école simulée. La forme scolaire face aux environnements virtuels: conséquences pour la transposition et le contrat didacTIC. Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

Maulini, Olivier (2000). Technologies, compétences et institution scolaire: retourner les outils. Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

Maulini, Olivier (2001). Les outils technologiques de l'action pédagogique. Université de Genève, laboratoire LIFE (chantiers de l'innovation).

Perrenoud, Philippe (1998). Cyberdémocratisation. Les inégalités réelles devant le monde virtuel d'Internet, in: La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 15, n° 2, pp. 6-10.

Tardif, Jacques (1998). Intégrer les nouvelles technologies de l'information. Quel cadre pédagogique ? Paris, ESF.

Tardif, Maurice & Mukamurera, Joséphine (1999). La pédagogie scolaire et les TIC: l'enseignement comme interactions, communication et pouvoirs, in: Education et francophonie, n°2.

Vincent, Guy (dir.) (1994). L'éducation prisonnière de la forme scolaire ? Scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles. Lyon, Presses universitaires de Lyon.

> Les projets possibles : scénarios pédagogiques

Il y a plusieurs façons de se confronter à "la question de la question". On partira du principe qu'un scénario pédagogique conçu par un enseignant peut - on même dire qu'il doit - articuler la technique didactique (les questions posées par le maître) et la ruse pédagogique (les questions dont le maître voudrait que les élèves se les posent). Si le savoir visé est au croisement des questions et des propositions finalement validées par le maître (argument d'autorité) ou par la discussion maître-élèves (autorité de l'argument), il faut d'abord identifier ces questions et ces propositions (objectifs), puis organiser le travail scolaire afin de progresser vers l'objectif visé (scénario pédagogique). Le scénario peut intégrer les technologies et il peut s'intégrer, pour partie, dans les technologies. Quelques exemples:

Exemple 1 : la production documentaire par le maître. Où l'enseignant discute avec des élèves pour comprendre quelles sont leurs questions, pour mieux y répondre et/ou tenter de les déplacer.

Exemple 2 : la recherche documentaire par les élèves. Où les élèves questionnent une base de données, délimitée ou non par l'enseignant, et sur la base de leurs propres questions et/ou de celles de l'enseignant.

Exemple 3 : la production documentaire par les élèves. Où les élèves produisent un texte encyclopédique et/ou théorique, en réponse à une question posée par le maître et/ou par d'autres interlocuteurs.

Exemple 4 : le questionnement interactif expert-novice. Où les élèves questionnent et/ou sont questionnés par des interlocuteurs sur la base de leurs propres questions et/ou de celles de l'enseignant.

> Quelques liens

Asking good questions, au coeur d'un hypertexte construit sur des questions.

Ask an Expert, la réponse à toutes vos questions.

Désir d'apprendre, Cité des sciences, Paris.

Petit-Bazar: le site des enseignants et des classes genevoises

Les pages du site EO destinées aux élèves et aux enseignants des écoles primaires

OM, F.Lo