Conférence EPFL juin 1998

"STAF:

quatre ans d'expérience d'utilisation des NTIC à l'Université de Genève",

Prof. P. Mendelsohn, directeur de TECFA – Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education - Université de Genève.

 

Je commencerai cette conférence par une petite anecdote qui m’a été rapportée par un collègue:

Un jour son petit garçon, en jouant dans le bureau de son grand père, trouve une machine à écrire. Il découvre que l'on peut taper du texte avec cette drôle de machine et, tout excité, il redescend dire à son père : "Papi, il a une imprimante on-line".

Cette histoire montre qu'une grande partie des problèmes liés aux nouvelles technologies sont des problèmes de culture, d'usage, et de points de vue qui peuvent évoluer assez rapidement d'une génération à l'autre. Je suis assez fier de diriger à Genève depuis dix ans une unité qui s'appelle TECFA Technologies de Formation et Apprentissage) et qui est justement spécialisée dans l'étude des rapports qu'entretiennent les utilisateurs, en l'occurrence des apprenants, avec les technologies de l’information et de la communication (T.I.C.). Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas aussi intéressés par les développements technologiques, mais nous essayons de faire le pont entre les problèmes de technique et les problèmes d'usage.

Le but de mon propos ici est d'évaluer avec vous une expérience que nous menons depuis 4 ans avec les étudiants du diplôme STAF (Sciences et Technologies de l’Apprentissage et de la Formation). On peut utiliser le terme évaluer de deux façons: mesurer quantitativement les effets des technologies sur l'enseignement du point de vue de l'efficacité de l'apprentissage ou du coût. On peut aussi développer une méthode plus qualitative (chère au Pr Levrat) qui consiste à tester un dispositif de formation pendant un temps raisonnablement long, trouver des indicateurs sur ce qui a fonctionné ou dysfonctionné, tirer des leçons de ces expériences afin de pouvoir l'améliorer. C'est à ce type d'analyse que je vous convie. Je terminerai cet exposé en vous présentant ce que l'Université de Genève a entrepris pour promouvoir une politique dans laquelle les nouvelles technologies seraient réellement et concrètement intégrés à l'enseignement.

Le diplôme STAF (Sciences et Technologies de l'apprentissage et de la formation) forme des étudiants post-gradués de toutes disciplines à condition qu'ils aient en plus une certaine compétence en informatique de base et qu'ils aient un certain goût pour les problèmes d'enseignement. Nous voulons permettre à des professionnels qui s'intéressent à l'enseignement de pouvoir intervenir dans des équipes de développement et de pouvoir accompagner les usages et l'implantation de ces technologies dans une institution. Le profil professionnel visé essaye de conserver un équilibre entre les compétences techniques et les compétences associées à la psychologie et à la pédagogie.

Chaque fois que l'on parle des nouvelles technologies, on parle systèmes, environnements, dispositifs. Je pense qu'il faut réfléchir beaucoup plus globalement à comment les nouvelles technologies vont nous permettre d'enseigner différemment. Il nous faut aussi réfléchir à une nouvelle organisation des études et à la façon dont on va intégrer ces technologies dans le cursus. Ce diplôme, monté il y a déjà 6 ans, est ouvert depuis 4 ans. Il fonctionne selon un schéma particulier. L'année académique est fractionnée en six périodes de six semaines de la façon suivante : les étudiants viennent une semaine entière sur site, puis ils ont quatre à cinq semaines entières de tutorat à distance soutenues par les outils du réseau. A l'époque, quand nous avons déposé ce projet au Conseil d'Université, on nous a regardés bizarrement, comme des extra terrestres. Maintenant, un tel format est tout à fait en phase avec l'évolution des conceptions sur l'enseignement supérieur. Nous privilégions un mode de fonctionnement qui nous permet d'avoir une assez grande souplesse au niveau de la fréquentation du diplôme par des étudiants qui ne pourraient pas rester constamment sur site (insertion professionnelle, distance, …). Ce format nous permet aussi de varier les méthodes d'enseignement ou encore de mener avec eux des projets sur un temps limité. Donc, la première leçon que nous avons tirée de cette expérience, c'est qu'il faut toujours associer les nouvelles technologies à une réflexion sur les méthodes pédagogiques et à la manière d'organiser les études. On ne peut pas simplement transposer dans un système standard des usages qui ne se prêtent pas forcément bien à un mode d’enseignement traditionnel.

Quelle est la place de ces nouvelles technologies dans la formation? Dans le résumé de mon intervention, j'ai insisté sur plusieurs éléments qui me paraissent extrêmement importants (les T.I.C. comme contenus ou moyens d’enseignement) . On a vu des illustrations de ces différentes approches aujourd'hui dans les conférences qui m’ont précédées. En particulier, j'ai bien apprécié la conférence du professeur Stucki qui présente les technologies comme ne touchant pas que les méthodes d'enseignement, mais aussi les contenus disciplinaires, les savoirs enseignés. Les T.I.C. sont aussi des outils professionnels que les chercheurs utilisent maintenant régulièrement pour réaliser leurs travaux: traitements de texte, langages auteurs, dispositifs expérimentaux et ce dans toutes les disciplines. Ces productions scientifiques d’un nouveau type nous conduisent bien naturellement à les utiliser dans nos enseignements.

Deuxièmement, ces outils peuvent devenir de véritables contenus d'enseignement à part entière. Il y a des disciplines qui sont transformées par les technologies de l'information comme le dessin industriel, la chirurgie, la documentation, etc. Les technologies peuvent être des objets de recherche en tant que tels et sont souvent au cœur des débats théoriques disciplinaires.

Une troisième dimension qu'il ne faut pas confondre avec les autres réside dans le fait que ces outils sont aussi des moyens pour enseigner, pour organiser des travaux pratiques, pour créer des centres de ressources pédagogiques qui fonctionnent comme des dispositifs d’autoformation accessibles à distance. A ce stade du développement, on doit avoir une approche pédagogique et didactique qui repose sur de nouvelles conceptions de la communication, une communication médiatisée par les outils du réseau (mail, forum, chat), rendant possible une collaboration plus poussée entre les étudiants et les enseignants.

Une quatrième dimension qui me concerne directement, en tant que psychologues, se résume dans l’approche que l'on appelle en anglais "cognitive tools". La plupart d’entre nous avons appris à l'école élémentaire à lire sur des ouvrages standard, à calculer mentalement, à faire des fiches documentaires à la main. Nous n’avons été exposé à la lecture " hypertextuelle ", aux calculettes ou aux bases de données qu’assez tard dans notre cursus. Ces nouvelles activités qui consistent à rechercher des informations sur le Web, à lire un hypertexte, à rédiger avec un traitement de texte se sont juxtaposées à nos automatismes traditionnels sans réellement transformer nos habitudes. Il n’en sera pas de même pour les générations futures. Pour eux, il est probable qu'une intériorisation de ces outils se fasse dès le plus jeune âge. Ils " penseront " hypertexte, tableur ou base de données et on peut imaginer que ce mode d’écriture ou de calcul est assez différent sur le plan cognitif des schémas classiques. De très nombreuses expériences en psychologie cognitive montrent par exemple que les Japonais, qui ont appris à compter avec des bouliers (représentation spatiale), n'ont pas la même conception du nombre que dans nos civilisations où le nombre est associé à une représentation verbale. De façon analogue, ces nouveaux outils peuvent influencer profondément certaines de nos manières de penser et là, je partage l'avis de certains conférenciers de ce matin quand ils préconisent de faire attention, car il faudra des générations avant qu'un certain nombre d'impacts et de phénomènes soient perceptibles. Nous ne sommes pas les meilleurs, ni les mieux placés pour étudier certaines des questions que les scientifiques auront à traiter d’ici quelques années.

Enfin, les nouvelles technologies peuvent être aussi des objets de recherche. On peut construire de nouveaux espaces (espaces virtuels, simulations), on peut inventer de nouveaux paradigmes (le connexionisme par exemple), on peut créer de nouveaux formalismes (les langages objets), on peut montrer et représenter les informations avec des dispositifs dont on ignorait tout il y a encore quelques années. Tout cela n’est pas sans effet sur la recherche scientifique et je m’emploierai à illustrer ces différents points dans la suite de cette conférence.

Un petit mot encore sur le public cible du diplôme avant de passer à l'analyse de l'évaluation proprement-dite. Nous recevons à peu près une vingtaine d'étudiants chaque année. Le public est assez diversifié et les étudiants proviennent pour une part directement de la formation initiale (en sortant de licence) que du monde professionnel. Cette dernière catégorie concerne des personnes en démarche de reconversion, et on voit bien comment les problématiques de la formation continue qui ont été beaucoup abordées ce matin peuvent rejoindre les problèmes de formation initiale. Le seul format du diplôme ouvre la formation à de nouveaux publics. On a aussi de vrais professionnels qui, dans ce type de formation, cherchent à développer de nouvelles compétences et qui peuvent dans ce format mettre en pratique l’idée du " life long learning ".

Evaluation du diplôme Staf

Au niveau de l'évaluation proprement dite, je n'ai pas fait de statistiques. J'ai cependant essayé de tirer un bilan après quatre ans de fonctionnement et j’ai choisi de présenter ici quatre problèmes que nous avons rencontrés. Ils concernent tous la problématique de l’enseignement à distance.

Pour nous adapter à ces différents formats d’enseignement, nous avons joué sur les possibilité offertes par l’alternance " enseignement présentiel et à distance ". Nous avons privilégié une formation technique régulière et progressive (tout au long de l'année), en grande partie à partir de matériel d'autoformation (exercices, travaux pratiques, modèles disponibles sur le réseau). A l’opposé nous avons rassemblé dans le temps sous la forme de " projets " à réaliser dans une période courte la maîtrise des questions plus théoriques liées à l’intégration des connaissances pédagogiques, psychologiques et techniques.

Nous essayons de rendre explicite aux étudiants, à travers les différents rythmes de formation. La formation technique relève de la maîtrise des outils et nécessite une formation de longue haleine. La formation théorique relève d'une approche plus conceptuelle et peut se faire avec des moyens techniques réduits mais qui suppose une concentration plus grandes sur les différents points de vue à assimiler. Nous les distinguons maintenant clairement au niveau de l'organigramme et de la structure de la formation en Unité de Valeur " compact " ou " filées " qui sont réparties différemment sur les six périodes d’enseignement. Pour chacune nous avons développé des outils de tutorat spécifiques.

  • Pour attaquer cette question de fond, nous avons développé avec notre équipe un concept de "salle d'activités virtuelle". Si l'on donne une tâche à un étudiant à réaliser à partir du réseau (exercice, programmation, lecture…), notre responsabilité d’enseignant est de le soutenir efficacement dans cette activité. Il faut donc proposer à l'étudiant des aides, des exemples, une procédure, une démarche, quelque chose qui fasse qu'il agit par lui-même mais qu'il soit soutenu et guidé dans son effort d’assimilation.

    Pour illustrer ce concept, je me permets de vous présenter le " Studio ", une " salle d’activité virtuelle " monté par Pierre Dillenbourg et Patrick Jermann, tous deux collaborateurs à TECFA. Ce dispositif soutien l’apprentissage de la réalisation d’un didacticiel (conception, scénario, objectifs, spécifications, …). Techniquement ce sont des pages Web dynamiques générées à partir d'une base de données. Le " studio " fonctionne de la manière suivante : il y a un menu qui donne accès à des ressources, un parcours qui décrit les étapes de construction d'un logiciel éducatif et une fenêtre qui représente sous forme d’icônes les travaux réalisés par les étudiants pour chacune des phases du parcours. A ce dispositif on peut accéder en mode multi-utilisateurs (une promotion entière peut l'utiliser simultanément en mode asynchrone). Chaque apprenant va franchir les différentes étapes à son rythme, et pour chacune de ces étapes il entre dans un espace virtuel qui permet à l’étudiant de voir ce que les autres ont fait à cette étape, obtenir de l’aide en contexte, disposer des outils nécessaires à la réalisation de la tâche. Il peut ainsi discuter et modifier son projet avec ses pairs sans que ceux-ci soient obligatoirement " présent " dans la pièce.

    Grâce à la métaphore spatiale du parcours et des salles, on a " réinventé " ici à travers le Web quelque chose qui ressemble à l’apprentissage collaboratif : une activité dans laquelle on peut interagir avec des co-apprenants, utiliser ce que d'autres on fait, obtenir une aide contextuelle en référence à une unité " virtuelle " de lieu et de temps. Je considère que ce paradigme des systèmes d'aide à l'apprentissage (qui s’apparente à celui des systèmes d’aide en ligne) est excellent bien que celles-ci soient souvent décriées dans les applications standard. Ceux qui s'en plaignent n'ont pas compris qu'une aide est toujours optionnelle. On peut toujours ne pas l'utiliser en cliquant sur un bouton pour la désactiver. Elle présente l’avantage d’être mieux adaptée à l’apprentissage en contexte et à l’autoformation que le paradigme de l’enseignement traditionnel. Soit dit en passant, j'aurai bien aimé pouvoir, dans mon parcours d’élève et d’étudiants, pouvoir " cliquer " sur un bouton pour choisir chez mes enseignants les interventions dont j’avais réellement besoin … Cela m’aurait épargné beaucoup d’heures de cours " inutiles ".

    L'orateur présente une salle d'activité à l'écran. Il invite les personnes intéressées à visiter d'autres salles sur le site du TECFA : http://tecfa.unige.ch/

  • Pour cela, nous avons développé le concept de bureau virtuel (conçu par un de nos étudiants : J.C. Brouze). Ce dispositif vise à répondre au besoin de maintenir un haut niveau d'interactions et de communication à distance tout en permettant de lire des textes, de visualiser des dispositifs et d’annoter des documents. Ce concept est une application issue d’une intégration entre les " mondes virtuels " de type MOO et leur diffusion à travers le standard HTML. Il est un peu compliqué d'expliquer ce que sont les mondes virtuels et la meilleure façon de faire connaissance et de se connecter au CAFV (Centre d’Activités et de Formation Virtuel à l’adresse suivante : http://tecfa.unige :7778/2000/ ). Le dispositif qui vous accueillera est déjà la troisième version d'un monde virtuel qui à l'origine était basé exclusivement sur une représentation textuelle. Nous travaillons actuellement à visualiser plus concrètement ce qui se passe dans un monde virtuel en utilisant la représentation 2D.

    Il existe une grande différence entre un monde virtuel de type MOO et un musée virtuel tel qu'on peut le trouver classiquement sur le Web. Dans le musée " virtuel " du Louvre par exemple, on n'est pas informé si quelqu'un d'autre que soi, sur son navigateur, regarde le même tableau. Ce n'est donc pas vraiment un musée virtuel au sens ou nous l’entendons dans notre dispositif. Plus simplement c’est un document virtuel qui utilise une métaphore spatiale pour vous faire tourner les pages. Dans un " vrai " monde virtuel, si je suis dans une salle de musée virtuelle et que quelqu'un regarde un tableau, je dois pouvoir m'adresser à cette personne directement, comme dans la réalité. Techniquement, les mondes virtuels fonctionnent comme une base de données orientée objet à laquelle peuvent se connecter plusieurs utilisateurs simultanément. Dans ces " mondes " les objets et les personnes ont une existence et une localisation permanente (pour peu qu’on ne les détruisent pas). Ils sont extensibles par construction (duplication et transformation des objets génériques) et ils permettent la communication synchrone de tout utilisateur connecté au serveur. Les pages que vous consultez sur le serveur MOO sont des pages " dynamiques " qui sont automatiquement et immédiatement remise à jour dès que l’on modifie quelque chose dans l’environnement (déplacement d’un utilisateur, création ou modification d’un objet). Le concept de " bureau virtuel " permet d'entrer dans un univers dans lequel on va pouvoir se déplacer de salle en salle, manipuler des objets et entrer en communication avec toutes les personnes connectées en même temps dans le même lieu.

    L'orateur montre à l'écran une salle de cours virtuelle. Dans cette salle, on peut voir le nombre de personnes connectées à ce moment-là, entrer en discussion avec les personnes assises autour des différentes tables, ne s'adresser qu'aux personnes de l'une ou l'autre table, bref moduler sa façon de communiquer avec les personnes qui sont dans cet établissement. Pour communiquer, on utilise une petite fenêtre qui traduit ce qui se passe dans le serveur MOO.

    J’aimerais vous montrer certaines fonctionnalités des " bureaux virtuels " qui transforment le paradigme du Web dans son fondement même de structure hypertextuelle. Un aspect très original de ce dispositif, c’est la possibilité pour l’enseignant (ou pour la personne qui possède un " objet " particulier, le " Web Browser Pilot "), d’afficher la page Web de son choix (par exemple un article sur lequel il souhaite que les étudiants discutent) dans une des fenêtres de tous les utilisateurs présents virtuellement dans la même salle. Ce qui est intéressant dans cette situation, c’est que le paradigme même du Web, qui consiste à naviguer individuellement à l’intérieur d’un hypertexte, disparaît puisque c’est l’enseignant depuis son bureau qui prend le contrôle sur l’affichage des pages Web. Cela fait que je n’ai plus besoin de construire un hyptertexte pour mon cours. Il suffit que je dispose d’une bibliothèque de pointeurs pour pouvoir montrer ce que je veux à tous ceux qui sont assis à telle ou telle table dans la salle de cours, où à l’ensemble du groupe.

    L’enseignant à le choix d’utiliser trois commandes : 1. " montrer on web " qui affiche dans la fenêtre supérieure, 2. " noter on web" qui affiche dans la petite fenêtre d’aide et permet des commentaires associés au texte que l’on présente, et 3. " afficher on web " qui ouvre une autre fenêtre et permet à la personne d’imprimer, de récupérer le fichier ou de le traiter à sa guise. Ces outils contribuent à assurer une communication à distance efficace en conciliant la manipulation d’objets et la communication verbale. Ils permettent, entre les séances de cours et de travaux pratiques sur site, de maintenir une présence par des réunions et des séminaires virtuels qui, sans atteindre l’efficacité d’une vraie rencontre, n’en constituent pas moins un moyen efficace de maintenir une impression très forte de " suivi pédagogique ".

  • Pour cela, il est indispensable de constituer des équipes pluridisciplinaires. A TECFA, nous rassemblons sous le même toit des psychologues, des pédagogues, des spécialistes de la communication ou encore des informaticiens. Mais une telle approche n’est pas toujours possible dans tous les domaines. Dans d’autres équipes universitaires, il n’y aura que des médecins ou des professionnels de la santé par exemple. Pourtant, il faut beaucoup plus de compétences que des compétences disciplinaires pour utiliser les nouvelles technologies dans l’enseignement. On a aussi besoin que les étudiants soient confrontés à de véritables professionnels de la communication médiatisée par ordinateur. Pour cela, à Genève, on a créé un Centre Universitaire Virtuel (CUV) qui permet d’assurer des collaborations et des échanges entre équipes universitaires qui souhaitent se lancer dans l’aventure du " campus virtuel ". Internet permet aussi de monter des collaborations scientifiques (et pas seulement des enseignements) sans avoir à prévoir des entités lourdes à gérer sur le plan administratif. Ce n’est pas son moindre mérite. Les médecins, par exemple, qui voudraient utiliser ces nouvelles technologies n’ont ainsi pas à réinventer les réalisations déjà mises au point par les pédagogues. Ils peuvent utiliser facilement les compétences qui existent dans d’autres facultés, comme nous utilisons nous-mêmes au maximum les compétences là où elles se trouvent. Voilà une autre conséquence des nouvelles technologies : faire éclater certains carcans disciplinaires au sein des universités qui nous contraignent souvent à tout faire dans nos propres disciplines et à réinventer des compétences qui existent déjà ailleurs.
  • A TECFA, nous tenons au principe qui consiste à mettre les étudiants dans de vraies situations de travail et leur permettre de développer de vrais projets. Ainsi, nos étudiants ont réalisé une grande partie des bornes interactives de l’exposition du Centenaire Piaget à Genève ; ils ont collaboré avec des école privées sur le projet " Pangea " (ce réseau d’écoles consiste à utiliser des mondes virtuels avec des enfants pour construire une île imaginaire dans le Pacifique) ; ils ont monté le serveur " Agora " dédié à la recherche en éducation en Suisse (ce projet est soutenu par le PNR33 ) ; ils ont monté et géré une " bibliothèque virtuelle " EDUTECH qui est dédiée aux technologies éducatives (environ 1000 hits par jour sur le site) ; ils ont conçu et développé le centre d’activités et de formation virtuelle dont vous avez vu certaines fonctionnalités; ils ont réalisé le serveur des archives de la Ville de Genève; je pourrais encore citer le projet " Poschiavo " soutenu par le FNRS ; etc. Il faut encourager autour de ces applications des nouvelles technologies un vaste réseau d’innovations pour lequel les nouvelles générations d’étudiants sont les meilleurs contributeurs.

    Comment promouvoir les nouvelles technologies au sein des Universités ?

  • - Contribuer à développer une véritable culture de la formation avec le réseau en " banalisant " l’usage des outils. Tous les étudiants devraient avoir un accès automatique à Internet, une boîte au lettre E-mail, et l’ensemble des outils standard. L’administration universitaire et les enseignants devraient utiliser le Web pour diffuser l’information : cela devrait être acquis dans toutes les universités. On économiserait beaucoup de temps au niveau de la formation si les étudiants avaient déjà cette culture leur permettant d’envoyer un mail, demander un renseignement, discuter directement avec l’administration par des moyens modernes.

    - Il faut soutenir la recherche (une des missions principales de l’Université) et les innovations dans ce domaine des T.I.C. car tout reste encore à inventer. Il faut aussi créer une synergie entre les services universitaires et les équipes académiques. Je crois qu’à l’Université de Genève, on a trouvé un bon système : le Rectorat a décidé de soutenir cinq projets pilotes " Nouvelles Technologies " dans des disciplines aussi différentes que le Droit, les Lettres, SES et la Théologie. Il met à la disposition des équipes des ressources budgétaires, à condition que ces expériences puissent servir aux futurs utilisateurs et que les enseignants se forment (le diplôme Staf leur est ouvert en priorité). Cela fait que le lien organique qui va unir notre équipe et une équipe qui décide de se lancer dans les nouvelles technologies se fait par le biais d’un contrat académique classique (assistant qui se forme et qui devient le trait d’union entre les deux équipes). De la même façon, les services informatiques de l’Université (en particulier le groupe Multimédia dirigé par J.F. L’Haire) soutiennent techniquement ces projets. Ce modèle évite à une équipe académique de ne faire que des services, tout en profitant de la dynamique et du soutien technique nécessaire à toute innovation.

    - Enfin, je considère comme indispensable – et c’est une des raisons pour laquelle nous refusons d’entrer dans l’usage de logiciels dédiés - de rester sur des standards " Internet " et autant que faire se peut développer les dispositifs de formation dans des environnements " domaine public ". Ils permettent de partager plus facilement nos expériences entre universités et de développer du matériel de cours avec des supports compatibles. J’espère enfin que le projet " campus virtuel suisse " aidera à créer une véritable synergie entre les universités. Nous avons besoin de soutien et de coopération pour avancer. Un message clair des responsables politiques serait un énorme atout.