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chapitre 3 Modèles du décideur politique

3-3.2 "L'étude des codes opérationnels"


L'étude des codes opérationnels (angl. "operational coding") intervient à un autre niveau d'analyse des décideurs. Il s'agit de faire un portrait des croyances schématiques et relativement stables qui sont à la base du comportement du décideur. Holsti (77:38) fait référence à la notion de schéma de la psychologie sociale pour définir l'unité d'étude: "...schemata refer to those generalized principles about social life which must exist on a subjective and private level in order to enable an individual to order his relationship to his social environment" (Holsti 77:38). Ces schémas seront organisés dans un système: George (69), influencé par les travaux de Nathan Leites, définit un système de codes opérationnels (angl. "operational code system") comme un jeu organisé de schémas touchant aux thèmes fondamentaux et stables de la politique et de l'action politique. En pratique, George (69) distingue entre les croyances*1 de nature "philosophique" et les croyances de nature instrumentale. Ces différentes sortes de codes (ou de croyances) sont liées et n'existent pas séparément.

Ce système symbolique de codes opérationnels constitue donc une sorte de savoir général ("master knowledge") qui fait le pont entre le savoir (y compris les croyances) sur le monde politique et le monde de l'action politique. Etant donné la définition fonctionnelle presque axiomatique de ces codes (ou schémas) opérationnels, on peut déduire un certain nombre de caractéristiques fondamentales (Holsti 77:40):

  1. Il en existe relativement peu (ce qui est intéressant au plan de l'économie de la recherche)

  2. La portée de ces codes est suffisamment large pour être utilisables pour chaque type de décision.

  3. Par conséquent, on peut les différencier et les élaborer.

  4. Il est probable qu'ils soient relativement stables dans le temps.

Il nous semble raisonnable que des systèmes complexes comme les décideurs possèdent des critères de décision de "haut niveau" et qu'ils maintiennent une certaine stabilité. Ceci leur permet de réduire la complexité de leur environnement à un point supportable et de maintenir leur rôle dans des jeux d'interaction. Toutefois, cette stabilité qui existe pour des raisons cognitives et interactionnelles n'empêche pas une certaine flexibilité. Certains de ces codes changent de contenu selon le contexte ou le rôle qu'un décideur est en train de jouer. Par exemple, un parlementaire devenu membre du gouvernement, ou encore un professeur devenu diplomate ne gardent pas le même raisonnement. Evidemment, on juge les acteurs et également les autres objets du monde politique suivant un contexte déterminé. Par exemple, la perception d'un opposant peut changer selon le rôle que ce dernier tient dans un système plus global. Un exemple classique est la perception de la Chine par les Etats-Unis qui s'est transformée radicalement sans changement du système politique chinois. Cet exemple montre également que toute stabilité nécessite une certaine stabilité du monde politique. Il est difficile de prédire ce qui arrivera à un système de croyance, lorsque l'on se trouve en face de situations radicalement différentes de celles déjà rencontrées, surtout lorsqu'il s'agit d'un problème de décision grave et important. Il faut également tenir compte du fait que ces "codes" ne sont pas censés être les seuls déterminants du comportement de l'individu. D'autres variables sont parfois tout aussi importantes, comme par exemple les intérêts de l'organisation dans laquelle l'individu en question prend ses décisions.

La méthode des codes opérationnels trouve ses racines dans l'étude des relations internationales, mais elle est également adaptable à d'autres champs de la science politique. Ainsi George (69) a défini une liste de catégories de codes opérationnels qui s'est avérée utile sans grand changements. La liste suivante est tirée de Holsti (77:41):

I. Philosophical beliefs

1. What is the "essential" nature of political life?

2. What is the fundamental character of one's political opponents and of other significant political actors?

3. What is the nature of the contemporary international system?

4. What are the prospects for the eventual realization of one's fundamental political values and aspirations?

5. Is the political future predictable?

6. How much "control" or "mastery" can one have over historical development?

II. Instrumental beliefs

7. What is the best approach for selecting goals or objectives for political actions?

8. How are goals of political action pursued most effectively?

9. How are risks of political action calculated, controlled, and accepted?

10. What is the best "timing" of action to advance one's interests?

11. What is the utility and role of different means for advancing one's interests?

Cette liste montre qu'un code opérationnel consiste en un nombre très varié d' "unités cognitives". Les adeptes du code opérationnel prétendent que ce schéma est universel et affirment de plus qu'ils possèdent une méthode très sûre pour le codage. En outre, ce jeu d'unités se comporterait comme un système dont il n'existerait qu'une variété limitée de types. Par exemple, Holsti (77) en discutant plusieurs recherches conclut qu'il existe environ six classes majeures de décideurs politiques. En particulier, la première des croyances philosophiques, la nature du politique, semble jouer un rôle primordial dans le système. Toutes les autres, à part la quatrième, à savoir la conception du rôle individuel sont fortement corrélées à cette croyance. Ce résultat provenant de recherches empiriques n'est guère surprenant. En effet, ces codes opérationnels ont des liens "naturels" au plan thématique.


THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94

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