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Une critique du langage structuraliste

L'apport positif des travaux structuralistes se trouve à la fois au niveau théorique abstrait et au niveau de l'analyse de différents corpus. Comme on va le voir les idées structuralistes sont intéressantes et stimulantes en particulier par rapport à celles des analyses plus modernes qui utilisent les grammaires génératrices dans la mesure où ces dernières ne s'attachent qu'à trouver des schémas très abstraits de la structure du récit. Mais les structuralistes souffrent d'un manque de techniques par rapport aux tenants des grammaires génératrices qui ont une technologie très supérieure pour décrire une structure aussi complexe que celle du récit. Ainsi il n'est pas étonnant que des structuralistes comme Bremond aient beaucoup de peine à définir une grammaire de récit. Par contre pour l'analyse des problèmes techniquement plus simples comme l'analyse de rôles ou de mythes, les structuralistes sont allés en profondeur. En outre, on peut constater que les textes d'un Barthes ou d'un Greimas ont une complexité qui ne correspond nullement à celle de leur analyse. Leur notion générale de structure et de processus est intéressante, mais le language adopté pour les décrire souffre de principes pauvres, tel que les systèmes de classifications binaires, qui conduisent entre autre à la multiplication inutile de termes abstraits et donnent de pauvres descriptions des structures complexes. Ceci porte préjudice à leur grande entreprise de découvrir une partie des systèmes de signification qui orientent notre vie. Même si leur langage est encore approprié pour décrire des phénomènes culturels à l'aide de schémas binaires, il a des propriétés désastreuses pour analyser les micro-univers de signification tel que le contenu d'un texte ou le savoir qu'un individu a sur un aspect du monde. Une première réponse à cette critique soulignerait probablement que la complexité de la réalité est le résultat d'aggrégation, qui peut se comprendre comme la superposition de multiples dimensions de signification plus simples. Ceci est plausible dans une certaine mesure, mais ne légitime pas le postulat que l'on peut tout organiser en schémas simples, en systèmes binaires ou encore en quadrilataire logique de Greimas. Une autre réponse plus intéressante avancerait que ces types d'analyse sont des méthodes pour tirer certaines caractéristiques essentielles d'un objet, et qu'il est tout à fait légitime d'en négliger d'autres. On peut accepter ce point de vue si la méthode choisie simplifie l'objet d'analyse, mais non si son étroitesse empêche de "traduire" l'objet dans une structure d'analyse que la théorie réclame. gif

Au départ, la plupart des chercheurs structuralistes francais s'intéressant au récit se déclaraient sémioticiens. Ils travaillaient donc sur la base de l'affirmation "que le texte est sa seule réalité - qu'il est son seul référant garantissant l'adéquation de ses constructions métalinguistiques" (Greimas 76:10). Ceci est à mon avis une affirmation fausse: Il faut au moins toujours un interpréteur, ne serai-ce que le chercheur. Bien qu'il contingente fortement les possibilités d'interprétation, le récit n'a pas de signification autonome. gif Il est clair que la position sémiotique traditionelle a écarté les structuralistes de l'analyse d'autres aspects du texte et en particulier de son traitement effectif par une entité. Surtout si on s'intéresse aussi au texte-formulaire et aux processus de réception on fait de la sociologie de récit qui - selon Greimas - est un autre champs de recherche. Cependant lors de la discussion d'intertextualité Kristéva, (une notable exception en générale) tient compte du fait que le texte est aussi trace d'intention, de communication, et même de compréhension. Il est très difficile de dire où va le structuralisme francais en ce moment, et s'il parviendra à transformer son langage d'analyse à la fois simpliste et compliqué Il n'en reste pas moins que certaines analyses sont tout à fait valides et pourraient être incorporées sans trop de difficulté dans des modèles utilisants des langages à la fois plus puissantes et moins compliqués.



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Daniel K. Schneider
Fri Jul 14 16:25:37 MET DST 1995