Analyse d'une publicité

publicité de la Loterie Romande (chien-guide d'aveugle)

1. Description de la publicité

C'est une publicité pour l'organisation "La Loterie Romande". Elle a été insérée dans le journal "Le Nouveau Quotidien" du vendredi 26 janvier 1996 et occupait la moitié de la page 12.

Cette publicité est composée d'une image d'un chien guidant un aveugle. Le chien est au centre et vu de trois-quart alors que seules les jambes et la canne blanche de l'aveugle sont visibles à gauche du chien. Les deux personnages marchent sur une route. La photographie est floue, de couleur sépia et est la toile de fond de toute la surface de la publicité.

La partie textuelle est répartie en trois zones, en prenant le chien comme point de référence:

  1. à gauche, cinq mots isolés (Quelqu'un, Quelque, part, Quelques, pas ) écrits dans des polices, styles et couleurs différents.
  2. à droite, un texte explicatif en un colonne de caractéres blancs et le logo de la Loterie Romande. Le texte est le suivant:
    "Chaque année, en Suisse romande, des milliers de personnes entreprennent et réalisent des projets d'entraide sociale, culturels ou de recherche médicale.
    En leur redistribuant l'intégralité de no bénéfices, soit près de 60 millions de francs par an, nous soutenons plus de 2000 institutions d'utilité publique en Suisse romande ...
    ... pour quelques pas de plus.
  3. au milieu et sous le chien, les deux mots "de plus"  écrits en orange et entre parenthèses carrées elles-même reliées au mot "Quelqu'un"  de la zone de gauche et à la phrase "Au profit de l'utilité publique" , dernier élément de la colonne de droite.

Le denier élément textuel est la phrase suivante: La Loterie romande soutient la formation de chiens -guide d'aveugle. Cette phrase est écrite en caractères noirs très petits et est imprimée en bas à gauche.

2. Le texte dénoté

Le format en colonne du texte de droite a la structure classique d'un texte de journal. A cause de cette structure le lecteur ne lit pas ce texte immédiatement, le texte est en attente d'être lu jusqu'à ce que l'oeil ait apprécié l'ensemble de la pub. Ce format est en adéquation avec la fonction explicative de ce texte; il n'est pas essentiel mais apporte un complément d'information. Le texte semble se terminer par 3 points de suspension, puis rebondit par la phrase terminale (...pour quelques pas de plus ) qui fait écho avec les mots de la partie de gauche.
Ce lien entre les deux éléments textuels de cette publicité est renforcé par le trait orange qui lie les mots Quelqu'un,  de plus,   Au profit de l'utilité publique.  Ces éléments reliés forment la phrase: Quelqu'un de plus au profit de l'utilité publique  qui devient le message dominant de cette pub. Le logo de La Loterie Romande est associé à ce message par la couleur orange de son fond.

Le mots de la partie gauche sont clairement individualisés par l'utilisation de polices de caractères, couleurs, styles et grandeurs différents. Malgré cela ils forment de courtes phrases suivant qu'on les lit:

- de gauche à droite et de haut en bas
"Quelqu'un. Quelque part. Quelques pas."
- en associant les mots de même polices de caractère:
"Quelqu'un part. Quelques pas."
- en suivant le fil orange:
"Quelqu'un de plus au profit de l'utilité publique."
- en associant la couleur noir des caractères:
"Part pas."

Le texte en bas à gauche écrit en petits caractères noirs (La Loterie Romande soutient la formation de chiens-guide d'aveugles. ) passe presque inapperçu or c'est le seul texte qui ait un rapport directe avec l'image de la publicité. Il a le format des notes en bas de page, d'ailleurs il n'y manque qu'un astérisque pour l'associé aux mots entraide sociale  du texte de droite.

3. Le texte connoté

Le texte de la colonne de droite justifie la Loterie Romande par son caractère d'utilité publique et cite le type de projets soutenus: entraide sociale, culturel, recherche médicale. On peut rappeller que la Loterie romande soutient d'autres projets, comme la création d'un Vivarium par ex., dont le caractère d'utilité publique est moins évident. Par la présence des mots "Suisse romande" au début et à la fin de ce texte (les mots du début et de la fin d'un texte sont ceux qu'on se rappelle le mieux) cette publicité insiste sur le fait que c'est en Suisse Romande que l'argent est redistribué. Cette insistance est à mettre en rapport avec la croyance de romands que la Suisse alémanique est plus riche et que c'est vers elle que l'argent publique est dirigé.

Ce qui me plait dans cette publicité c'est sa capacité à passer du plan où c'est la Loterie Romande qui joue le rôle de bienfaiteur à celui où c'est le lecteur qui est invité à devenir bienfaiteur. Je trouve ce passage particulièrement bien réussi car il se fait dans la continuité, sans rupture. Le texte de droite c'est La Loterie Romande alors que le texte de gauche c'est le lecteur. Le passage entre les deux plans est réalisé grâce à l'artifice du cordon orange et la phrase terminale (... pour quelques pas de plus ) qui résonne avec "Quelqu'un de plus" et le mot "pas".
La typographie variée des mots de gauche pourrait représenter la variété, la multitude des lecteurs.Quelqu'un, Quelque, Quelques   sont tous des mots généraux, non sécifiques. Ce Quelqu'un peut aussi bien être celui qu achète les billets de la Loterie que celui qui va recevoir de l'argent d'elle. Pourtant ce Quelqu'un  est pris en lasso dans le cadre orange: toi, lecteur, tu deviens quelqu'un au profit de l'utilité publique. Mais tu n'es pas seul car tu es Quelqu'un de plus , les autres, tous les Quelqu'un  peuvent être au profit de l'utilité publique.
Le phrase Quelques pas de plus  rappelle aussi l'expression Faire le pas et semble dire "allez, decides-toi lecteur, fait le pas et achète un billet".

4. L'image dénotée

L'image qui forme la toile de fond de toute la pub est composée de quatre éléments: le chien-guide au centre, les jambes d'un personnage, une canne blanche d'aveugle et la route qui est le fond.
La personne et le chien sont vus de trois-quart, cependant la tête du chien est tournée vers le lecteur (probablement vers le photographe) et se présente presque de face. Le personnage et le chien sont en mouvement et c'est ce mouvement qui est en partie responsable du flou de la photographie (comparez les pattes du chien et sa tête). Le photographe devait aussi se déplacer puisque le grain de la route donne cette impression de vitesse, à moins que cet effet ait été réalisé en laboratoire. La canne blanche indique que la personne tenant le chien est aveugle et que ce n'est pas le dresseur (comme pourrait le laisser croire la mention en bas à gauche: La Loterie Romande soutient la formation de chien-guides d'aveugle. ). La couleur brune de la photographie est un virage sepia (cf. commentaire de D. Peraya sur l'analyse de D. Ruegger).

5. L'image connotée

L'image de ce chien-guide d'aveugle est une illustration du type d'activité que soutient la Loterie Romande. Elle soutient la formation des chiens-guide et non les aveugles par un soutien financier. C'est peut-être pour cela que le chien est l'objet central de la photographie. C'est le chien-guide de tous les aveugles et non d'un aveugle en particulier, ce qui est souligné par le fait qu'on ne voit que les jambes du maître du chien.
Il y a peut-être aussi une volonté d'identifier le chien comme ami de l'homme à la Loterie Romande comme amie de la société humaine.
La couleur sepia des photographies fait souvent appel à la notion de passé, nostalgie. Or, outre le fait que cette couleur rappelle le fond orange du logo de La Loterie Romande, je ne saisis pas la pertinence de ce choix de teinte.

6. Rapport image/texte

Le rapport entre le texte et l'image débouche sur un troisième plan de relation. Plus haut j'ai mentionné le lien entre le mot Quelqu'un  et le lecteur. Or ce Quelqu'un  pourrait aussi bien être le personnage anonyme de la photographie qui est entrain de faire quelques pas.  Le mot part  (partir) peut être mis en relation ave le mouvement du personnage. On peut remarquer que, comme la photographie, le mot pas  n'est pas net et contribue à lier le texte et l'image.

Ainsi donc il y a une relation triangulaire entre La Loterie Romande, le lecteur et l'aveugle. Le Quelqu'un  peut être les trois à la fois. Par cette relation triangulaire la publicité atteint son but.


Thursday, February 1, 1996
Daniel Scherly