Ce
système présente différents points forts :
·Sa
simplicité technique présente sa principale force. Côté
utilisateur il ne demande qu’un seul plug in et fonctionne parfaitement
sur des connections domestiques, via modem 33 000 ou 56 000 bps. Sa conception
très simple rend cette interface facile d’utilisation, peu de qualifications
sont requises pour parvenir à la faire fonctionner. Une connaissance
de base de l’utilisation d’un ordinateur personnel et quelques notions
des possibilités du web sont suffisantes.
·Du
point de vue de l’enseignant, la question est plus complexe. L’orateur
se retrouve face à un dispositif caméra-micro classique et
doit maîtriser les canons du genre pour réaliser une performance
intéressante. Comme pour le petit écran, la présence
médiatique est centrale afin de susciter l’intérêt
chez les spectateurs. La performance du conférencier se rapproche
de celle d’un journaliste TV parlant face à la caméra. Les
qualités requises pour réussir avec succès ce genre
d’exercice sont sans rapport direct avec celles que demandent une pédagogie
plus classique. Il semble donc important de former les intervenants aux
contraintes inhérentes au genre (regarder la caméra, travailler
attitude non-verbale et diction…).
·D’un
point de vue éthique, la grande simplicité et le degré
de compatibilité élevé de ce système lui ouvre
un potentiel intéressant, à la mesure de son accessibilité.
Diverses régions du globe connaissent un déficit chronique
d’enseignants et d’écoles, et ce type de solution pourrait s’inscrire
de façon efficace dans un effort de démocratisation du savoir.
Soulignons cependant que l’accès à la connaissance devient
dans cette optique lié à l’accès au réseau,
alors que la moitié de la population mondiale survit avec moins
de deux dollars par jour. L’accès de tous à l’ordinateur
individuel reste domc une utopie lointaine, mais des solutions mixtes et
réalistes pourraient être envisagées ( un terminal
par école ou par district…)
·Avoir
fait primer la simplicité sur la qualité du rendu semble
ainsi le meilleur argument en faveur de cette solution.
·Compatibilité
avec les OS les plus répandus : PC, Mac, Linux, Unix.
·Le
coût du dispositif qui doit être nettement plus bas que les
autres produits disponibles sur le marché et proposant un service
plus élaboré, plus complexe et plus contraignant techniquement.
Il
convient également de relever certaines carences :
·La
conception pédagogique sous jacente est loin d’être novatrice
et tient peu compte des conceptions les plus modernes de cette discipline.
Alors que la théorie penche vers plus d’interaction et d’autonomie
des apprenants, cette interface propose un système rigide, inspiré
des cours ex-cathedra. La communication est hiérarchisée
dans le sens professeur – élèves. Les auditeurs n’ont que
peu de moyens d’intervention et l’orateur décide seul s’il souhaite
ou non répondre aux questions. Si l’on imagine l’application de
ce dispositif à un large auditoire, l’enseignant risque d’être
submergé par les inputs de la messagerie.
·Toute
la communication para verbale, qui joue un rôle important dans la
motivation des étudiants se trouve absente de ce mode de transmission.
·L’oralité
autorise tout une grammaire de réajustement immédiat, centrale
dans les processus de communication, qui permet d’affiner les messages
transmis et de s’assurer de leur compréhension par les élèves.
Les questions de vérification posées par l’enseignant à
l’élève sont aussi importantes que celles posées par
l’élève à l’enseignant. Cet échange bidirectionnel
permet de préciser les notions qui sembles floues. L’ensemble de
ces processus deviennent impossibles dans cette interface. Si le cours
peut être reçu de manière synchrone, il n’en va pas
de même pour les interventions qui l’entourent.
·L’apprenant
se retrouve dans une situation d’isolement. Le dispositif ne lui fourni
pas d’information sur le nombre d’auditeurs ni de moyen pour contacter
ses condisciples.
·Quelques
faiblesses techniques peuvent être relevées ( désynchronisation
de la voix et de l’image, image hachée…), mais, rappelons-le ces
faiblesses participent de la grande simplicité de l’interface.
Ce
dispositif ne présente donc rien de révolutionnaire, tant
du point de vue pédagogique que technique, si ce n’est, peut-être
sa simplicité et sa convivialit. Alors que les produits développés
pour le marché traditionnel demandent des bandes passantes importantes
et une puissance de calcul conséquent, cette application reste très
modeste et adaptée aux possibilités de lignes téléphoniques
standards et de machines d’ancienne génération. Ce minimalisme
confère un réel potentiel à ce dispositif qui pourrait
séduire les cybertramps ( population présente sur le web,
à travers des connections lentes et derrières des machines
obsolètes) et les collectivités publiques désireuses
d’augmenter l’audience des formations offertes.
D’autres
dispositifs articulés autours du moo nous ont été
présentés. Certains proposaient des interfaces plus élaborées
que celle du tecfamoo, permettant une aide efficace à la communication
et proposant des avatars représentant les personnes connectées.
D’autre, comme celui que nous a présenté Daniel Perraya,
autorisent la tenue de conférences multilocuteurs synchrones tout
en enregistrant différents aspects des interventions recensées
(temps, origine…).
Ces
dispositifs de la famille moo comportent de nombreux avantages.
·Ces
systèmes sont construits autour d’une hiérarchie horizontale
et laissent chacun libre d’intervenir quand bon lui semble. Sans avoir
à la finesse de l’oralité il devient cependant possible d’opérer
les réajustements cognitifs nécessaires.
·Le
système de contrôle qui enregistre les activités, permet
d’analyser le dispositif et d’en mesurer la pertinence au cas par cas,
ce qui représente une richesse indéniable et autorise le
développement d’une dimension évolutive.
·L’aspect
technique d’un moo dépouillé peut être perçu
comme trop complexe pour séduire des néophytes, cependant
la présence d’avatars et d’interface plus conviviale amoindrissent
cette faiblesse.
·Ce
type de dispositif revêt un intérêt pédagogique
certains, plus conforme aux questionnements actuels. Les différents
intervenants peuvent collaborer sur un pied d’égalité et
organiser leurs interventions selon un principe d’opportunité.
·Les
principaux désavantages de ce genre de solutions sont leur complexité
technique inhérente qui nécessite une certaine familiarité
avec le clavier et la connaissance des commandes de base de la programmation
en moo.
·Une
autre difficulté naît de la non-linéarité de
l’argumentaire en ligne. Il arrive en effet qu’une réponse à
une question s’affiche avec un certains retard qui brise la chronologie
discursive et son intelligibilité. Ce type d’accident n’est pas
courant dans les pratiques discursives traditionnelles et nécessite
une stratégie et un intérêt particulier.
Difficile
de comparer deux systèmes qui diffèrent par leur architecture
de base, l’un présentant une relation dominée et contrôlée
par l’enseignant, l’autre un type d’organisation peu hiérarchisée
autorisant une participation libre de chacun. Plutôt que de résumer
l’argumentaire déjà développé des avantages
et différences de ces systèmes, soulignons plutôt la
complémentarité de ces deux approches. Aux faiblesses de
l’une correspondent les forces de l’autres. Unies par leur légèreté
en terme de bande passante et de puissance de travail nécessaire,
elles présentent une telle complémentarité qu’il semble
difficile de les opposer. Chacune recouvre un scénario pédagogique
différent, chacune correspond à une situation d’échange
particulière, chacune relève d’une organisation hiérarchique
opposée. Toutes cependant partagent cette légèreté
qui les rend pertinentes, dès aujourd’hui, pour l’immense majorité
des machines connectées au net. Ce genre de solutions devrait susciter
un renouveau de la réflexion Nord-sud, et la réécriture
de certains de ses chapitres les plus chauds, le transfert de savoir et
de technologie, l’apprentissage et l’école, la répartition
des richesses immatérielles.
Paulo–
6.2000