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Analyse comparative du dispositif de vidéoconférence de J.F. L’Haire et de différents systèmes moo.



L’évolution rapide des nouvelles technologies et l’élargissement de leur champ d’utilisation s’affirment comme l’une des clés du futur. Le domaine pédagogique se trouve au cœur de ces mutations. Partagés entre pédagogie et rentabilité, de nouveaux modes de transmission du savoir se font jour et s’imposent peu à peu. Il existe déjà sur le net certains cursus, notamment chez Microsoft, qui débouchent sur une qualification reconnue sans que le processus d’apprentissage n’inclue de phases présentielles. L’enjeu est important et de nombreux acteurs s’affrontent autour de ces nouveaux concepts. Ethiquement les nouvelles technologies devraient faciliter grandement l’accès aux études, économiquement elles devraient réduire les coûts de formation. Ces deux tendances, si elles se rejoignent parfois, ne sont pas toujours compatibles. 
Le dispositif de visioconférence de J. F. L’Haire rassemble en un seul portail différents outils de communication : Images animées (3 images seconde), fichiers audio, mail. Il autorise la transmission de cours ex-cathedra classiques dans de bonnes conditions.

 

Ce système présente différents points forts :
 

·Sa simplicité technique présente sa principale force. Côté utilisateur il ne demande qu’un seul plug in et fonctionne parfaitement sur des connections domestiques, via modem 33 000 ou 56 000 bps. Sa conception très simple rend cette interface facile d’utilisation, peu de qualifications sont requises pour parvenir à la faire fonctionner. Une connaissance de base de l’utilisation d’un ordinateur personnel et quelques notions des possibilités du web sont suffisantes. 
 

·Du point de vue de l’enseignant, la question est plus complexe. L’orateur se retrouve face à un dispositif caméra-micro classique et doit maîtriser les canons du genre pour réaliser une performance intéressante. Comme pour le petit écran, la présence médiatique est centrale afin de susciter l’intérêt chez les spectateurs. La performance du conférencier se rapproche de celle d’un journaliste TV parlant face à la caméra. Les qualités requises pour réussir avec succès ce genre d’exercice sont sans rapport direct avec celles que demandent une pédagogie plus classique. Il semble donc important de former les intervenants aux contraintes inhérentes au genre (regarder la caméra, travailler attitude non-verbale et diction…).


 

·D’un point de vue éthique, la grande simplicité et le degré de compatibilité élevé de ce système lui ouvre un potentiel intéressant, à la mesure de son accessibilité. Diverses régions du globe connaissent un déficit chronique d’enseignants et d’écoles, et ce type de solution pourrait s’inscrire de façon efficace dans un effort de démocratisation du savoir. Soulignons cependant que l’accès à la connaissance devient dans cette optique lié à l’accès au réseau, alors que la moitié de la population mondiale survit avec moins de deux dollars par jour. L’accès de tous à l’ordinateur individuel reste domc une utopie lointaine, mais des solutions mixtes et réalistes pourraient être envisagées ( un terminal par école ou par district…)


 

·Avoir fait primer la simplicité sur la qualité du rendu semble ainsi le meilleur argument en faveur de cette solution.


 

·Compatibilité avec les OS les plus répandus : PC, Mac, Linux, Unix.


 

·Le coût du dispositif qui doit être nettement plus bas que les autres produits disponibles sur le marché et proposant un service plus élaboré, plus complexe et plus contraignant techniquement.

 

Il convient également de relever certaines carences :
 


 

·La conception pédagogique sous jacente est loin d’être novatrice et tient peu compte des conceptions les plus modernes de cette discipline. Alors que la théorie penche vers plus d’interaction et d’autonomie des apprenants, cette interface propose un système rigide, inspiré des cours ex-cathedra. La communication est hiérarchisée dans le sens professeur – élèves. Les auditeurs n’ont que peu de moyens d’intervention et l’orateur décide seul s’il souhaite ou non répondre aux questions. Si l’on imagine l’application de ce dispositif à un large auditoire, l’enseignant risque d’être submergé par les inputs de la messagerie.


 

·Toute la communication para verbale, qui joue un rôle important dans la motivation des étudiants se trouve absente de ce mode de transmission. 


 

·L’oralité autorise tout une grammaire de réajustement immédiat, centrale dans les processus de communication, qui permet d’affiner les messages transmis et de s’assurer de leur compréhension par les élèves. Les questions de vérification posées par l’enseignant à l’élève sont aussi importantes que celles posées par l’élève à l’enseignant. Cet échange bidirectionnel permet de préciser les notions qui sembles floues. L’ensemble de ces processus deviennent impossibles dans cette interface. Si le cours peut être reçu de manière synchrone, il n’en va pas de même pour les interventions qui l’entourent.


 

·L’apprenant se retrouve dans une situation d’isolement. Le dispositif ne lui fourni pas d’information sur le nombre d’auditeurs ni de moyen pour contacter ses condisciples.


 

·Quelques faiblesses techniques peuvent être relevées ( désynchronisation de la voix et de l’image, image hachée…), mais, rappelons-le ces faiblesses participent de la grande simplicité de l’interface. 


 

Ce dispositif ne présente donc rien de révolutionnaire, tant du point de vue pédagogique que technique, si ce n’est, peut-être sa simplicité et sa convivialit. Alors que les produits développés pour le marché traditionnel demandent des bandes passantes importantes et une puissance de calcul conséquent, cette application reste très modeste et adaptée aux possibilités de lignes téléphoniques standards et de machines d’ancienne génération. Ce minimalisme confère un réel potentiel à ce dispositif qui pourrait séduire les cybertramps ( population présente sur le web, à travers des connections lentes et derrières des machines obsolètes) et les collectivités publiques désireuses d’augmenter l’audience des formations offertes. 


 

D’autres dispositifs articulés autours du moo nous ont été présentés. Certains proposaient des interfaces plus élaborées que celle du tecfamoo, permettant une aide efficace à la communication et proposant des avatars représentant les personnes connectées. D’autre, comme celui que nous a présenté Daniel Perraya, autorisent la tenue de conférences multilocuteurs synchrones tout en enregistrant différents aspects des interventions recensées (temps, origine…).


 

Ces dispositifs de la famille moo comportent de nombreux avantages.


 

·Ces systèmes sont construits autour d’une hiérarchie horizontale et laissent chacun libre d’intervenir quand bon lui semble. Sans avoir à la finesse de l’oralité il devient cependant possible d’opérer les réajustements cognitifs nécessaires.


 

·Le système de contrôle qui enregistre les activités, permet d’analyser le dispositif et d’en mesurer la pertinence au cas par cas, ce qui représente une richesse indéniable et autorise le développement d’une dimension évolutive.


 

·L’aspect technique d’un moo dépouillé peut être perçu comme trop complexe pour séduire des néophytes, cependant la présence d’avatars et d’interface plus conviviale amoindrissent cette faiblesse.


 

·Ce type de dispositif revêt un intérêt pédagogique certains, plus conforme aux questionnements actuels. Les différents intervenants peuvent collaborer sur un pied d’égalité et organiser leurs interventions selon un principe d’opportunité. 


 

·Les principaux désavantages de ce genre de solutions sont leur complexité technique inhérente qui nécessite une certaine familiarité avec le clavier et la connaissance des commandes de base de la programmation en moo.


 

·Une autre difficulté naît de la non-linéarité de l’argumentaire en ligne. Il arrive en effet qu’une réponse à une question s’affiche avec un certains retard qui brise la chronologie discursive et son intelligibilité. Ce type d’accident n’est pas courant dans les pratiques discursives traditionnelles et nécessite une stratégie et un intérêt particulier.


 

Difficile de comparer deux systèmes qui diffèrent par leur architecture de base, l’un présentant une relation dominée et contrôlée par l’enseignant, l’autre un type d’organisation peu hiérarchisée autorisant une participation libre de chacun. Plutôt que de résumer l’argumentaire déjà développé des avantages et différences de ces systèmes, soulignons plutôt la complémentarité de ces deux approches. Aux faiblesses de l’une correspondent les forces de l’autres. Unies par leur légèreté en terme de bande passante et de puissance de travail nécessaire, elles présentent une telle complémentarité qu’il semble difficile de les opposer. Chacune recouvre un scénario pédagogique différent, chacune correspond à une situation d’échange particulière, chacune relève d’une organisation hiérarchique opposée. Toutes cependant partagent cette légèreté qui les rend pertinentes, dès aujourd’hui, pour l’immense majorité des machines connectées au net. Ce genre de solutions devrait susciter un renouveau de la réflexion Nord-sud, et la réécriture de certains de ses chapitres les plus chauds, le transfert de savoir et de technologie, l’apprentissage et l’école, la répartition des richesses immatérielles.


 
 

Paulo– 6.2000