Commentaire critique du dispositif de visioconférence
par Alessandro ANZANI - STAF 13

Considérations liminaires sur les technologies

Les processus de globalisation dans lesquels nous nous trouvons aujourd’hui incident de manière déterminante sur la communication du savoir et sur l’acquisition de la connaissance et donc sur les offres de formation de la société.

Les technologies ouvrent les portes à un réseau toujours plus touffu et toujours plus articulé entre des individus et des groupes d’individus. Il est aussi possible de constituer des groupes qui mettent en commun la connaissance et le savoir. Autrefois (et je ne parle pas du Moyen-Age!!), l’élaboration et la communication du savoir impliquaient seulement une minorité d’experts, les contenus étant définis surtout par des contextes institutionnels et académiques. Les nouvelles technologies permettent la communication de la connaissance à tous les individus. Le multimédia, la réalité virtuelle, les réseaux télématiques, les satellites modifient très souvent les processus de communication du savoir mais aussi les moyens à travers lesquels on les acquièrent. Tous ces changements induisent le passage d’une société de l’information à une société de la cognition.

L’évolution des technologies dans l’industrie de l’information présente deux principales tendances. La première contribue à l’amélioration des potentialités de la communication télématique vers une communication plus naturelle, plus visible et intuitive, la deuxième donne la possibilité à l’utilisateur de naviguer en temps réel dans une grande base de données multimédia. Le renouvellement des contenus se fait beaucoup plus rapidement et peut se créer un esprit de groupe entre étudiants et enseignants distribués en diverses zones géographiques.

La télématique met fin à l’émission du savoir à sens unique et ouvre une nouvelle ligne de communication qui permet à l’utilisateur d’accéder au contenu d’un savoir dynamique que lui même peut enrichir et rendre disponible pour les autres. Se créent donc, même à distance, de nouveaux rapports de communications bidirectionnels entre étudiants et professeurs, même si l’élément émotionnel ne peut pas être remplacé parce que lié à la variété des rapports interpersonnels entre être humains. Grâce à la visioconférence, aux forums de discussion et aux dispositifs de chat, on introduit avec l’interactivité un aspect essentiel du rapport enseignement-apprentissage de type traditionnel aussi à distance. Les autoroutes de la communication, les réseaux télématiques et informatiques permettent ainsi l’assistance tutorielle et didactique et autorisent l’utilisation de réseaux comme une route pour véhiculer directement depuis l’école à la table de l’étudiant des cours, des leçons, des produits multimédia, des bases de donnés, des systèmes d’autoévaluation, des examens et des librairies électroniques.

La visioconférence amplifie énormément le champ des diverses solutions didactiques en amenant jusqu’à la maison de l’usager non seulement l’information mais également le savoir et la connaissances structurée en favorisant, à l’intérieur d’espaces virtuels dynamiques, l’apprentissage collaboratif. La richesse offerte par ces systèmes de communication permet d’obtenir des modifications significatives du contexte spatio-temporel du milieu de formation. Par rapport au temps on peut avoir deux modèles distincts: le modèle synchronique et le diachronique.

Le modèle synchronique révolutionne le concept traditionnel d’enseignement à distance et permet aux usagers de suivre depuis leur maison ou leur poste de travail les cours donnés dans des sièges scolaires et d’interagir en temps réel avec l’enseignant et avec les autres participants au cours. L’interaction peut donc se développer pratiquement comme dans une classe d’enseignement traditionnel ou l’enseignant enseigne, pose des questions aux étudiants, les étudiants répondent, interagissent avec les professeurs et entre eux-mêmes; se développent ainsi des apprentissages collaboratifs permettant de connecter automatiquement le matériau d’apprentissage aux procédés d’apprentissage et d’activer un processus de communication interpersonnel qui permet également d’exprimer des sentiments, de stimuler les autres, de rendre possible les contacts sociaux.

Dans les classes virtuelles, il est possible non seulement de reproduire l’activité d’enseignement-apprentissage comme il se passe dans les classes réelles, mais il est possible d’augmenter considérablement la quantité d’information, d’activer les multiples interactions entre sujets de niveau culturel différent avec des expériences, cultures et milieux de formation très différents.

Le modèle diachronique est caractérisé par une grande flexibilité; les usagers peuvent enregistrer les cours et acquérir les produits multimédia relatifs, les softs et les textes didactiques afin de les utiliser en autonomie et liberté, de manière individuelle en établissant seuls le temps et le rythme de l’apprentissage.

Le dispositif pour la visioconférence: l’exemple de l’UNIGE

Le dispositif de visioconférence de M. L’Haire (http://www.unige.ch/conference/diffusion/list/mmedia/) est un dispositif synchronique qui permet donc au professeur de pouvoir s’adresser en temps réel via le W3, lors d’un cours ou d’une conférence, à un nombre infini de personnes pourvu que celles-ci aient installé sur leur ordinateur le plug-in gratuit de Real-Audio. Dispositif très simple d’utilisation qui ne demande pas d’installations complexes et payantes, est en fait un système de cours très efficace qui permet l’interaction bidirectionnelle avec le public (celui qui participe au cours peut poser une question via un formulaire Java et avoir la réponse en direct) pour que le cours soit le plus possible près de la réalité d’un cours traditionnel en classe. Les composantes sonores et vidéo sont de bonnes qualité (même depuis un modem 33'600 comme le mien!!) ce qui signifie que le dispositif en lui-même n’est pas très gourmand en bande passante. La qualité du son est probablement le facteur le plus important d’une vidéoconférence. Aucune communication, surtout s’il s’agit d’un enseignement, ne peut s’affranchir d’un support son clair et intelligible. Certains systèmes proposent la bufferisation d’une durée variable du son, solution qui permet d’atténuer les aléas de transmission mais provoque un décalage qui peut rendre les interactions difficiles. La synchronisation de la voix et de l’image est un autre point important pour le confort de l’utilisateur. Il est perturbant de voir le professeur montrer quelque chose tout en l’entendant expliquer un autre point. Pour notre système ce décalage est parfois visible, mais il reste minime par rapport à l’ensemble des performance offertes par les système.

L’importance d’un système efficace et léger comme celui-ci, on l’a dit avant, est celui de permettre à des personnes très lointaines de créer de nouveaux rapports de communications et sous-entend donc l’implication de personnes qui n’ont pas forcément à disposition des lignes très puissantes (LAN, ISDN/T1/T2/T3) mais uniquement des modems très modestes (56/33/28). Emprise réussie donc! D’autant plus que le système est multi-plateforme; il fonctionne aussi bien sur PC que sur MAC sans épargner les OS et bien entendu UNIX/Linux.

Dommage, néanmoins, que l’aspect visuel ne soit pris en considération qu’à un seul niveau. L’utilisation de la vidéo permet de rajouter un facteur humain important au téléenseignement; le langage des gestes et des attitudes est un point important, voire primordial de la communication. L’étudiant ne peut en fait pas être vu par le professeur et ne peut donc pas faire part de ses états d’âmes à l’animateur. Pourquoi alors ne pas envisager la distribution de webcam à tous les étudiants inscrits à un cours et leur donner la possibilité d’interagir de manière visuelle avec le professeur pour pouvoir poser des questions dans des conditions plus réelles? Dommage aussi que les étudiants inscrits au cours ne puissent pas communiquer entre eux pour s’échanger des propositions et des idées. Il en demeure pas mois que la communication élève-élève peut se faire avec des outils supplémentaires comme CUSEEME ou, encore, Netmeeting de Microsoft.

La visioconférence: une technologie payante?

Les potentialités d’un tel mécanisme d’enseignement synchrone sont en fait très grands, à conditions que l’on respecte certaines consignes (évidentes pour l’expert et moins pour le néophyte). L’organisation d’une vidéo conférence ne s’improvise pas, il est vrai! L’apparente simplicité des manipulations ne doit pas faire oublier qu’il s’agit, pour quelque temps encore, d’une technologie sophistiquée qui ne présente malheureusement pas la fiabilité que l’on connaît au téléphone. La posture de celui qui parle est très importante: le professeur devra suive à la lettre un certain nombre de recommandations propres à la vidéoconférence. Il devra regarder constamment la caméra et éviter de regarder sans arrêt ses papiers pour que les expressions faciales et leurs mouvements soient mis en valeur. Il est important de surveiller constamment tant son expression faciale que celle corporelle; éviter également tout tic, mouvement brusque ou inapproprié, et ne pas oublier de parler à haute voix pour qu’il n’y ait pas de problèmes de mésentente. Pendant le cours, le professeur devra s’efforcer d’établir et de maintenir un contact avec ses auditeurs; cela peut se faire en reformulant les interventions des élèves (solution qui se présente lorsque les élèves n’ont pas accès aux questions posées par les autres élèves).

Le rôle d’animateur du professeur est renforcé dans une vidéoconférence et il doit aussi souvent que possible inciter les interactions et encourager le dialogue. Il lui faut éviter de tomber dans le travers de n’utiliser la vidéo conférence comme un outil de vérification de la présence de ses auditeurs.

La vidéoconférence devra s’appuyer sur la nécessité d’effectuer une évaluation systématique après chaque session. En effet, contrairement à un cours traditionnel, le déroulement effectif du cours ne peut pas être perçu objectivement par le professeur et l’absence de possibilité simple pour un étudiant de signaler un malaise, en allant voir le professeur à la fin du cours, retire l’un des principaux signaux d’alarmes dont il dispose normalement. C’est par l’instauration d’un "feed-back" régulier que les techniques pédagogiques pourront s’affiner et permettre de tirer un profit maximal des potentialités offertes par la technologie. Il serait en effet dommage, par exemple, de sous-utiliser le vecteur vidéo en ne s’en servant que pour transmettre l’image du professeur. Dans ce cas une audioconférence serait plus appropriée et moins dispensatrice de ressources. Sans une évaluation régulièrement faite et génératrice d’action de correction, le professeur risque fort de perdre tous ses auditeurs!