SYNTHESE
DE L'EXERCICE ARGUE & GRAPH, STAF16
QUESTIONNAIRE SUR LE STYLE PEDAGOGIQUE
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Rappel
de l'énoncé |
Cette activité sert d'évaluation à ce qui précède
[i.e. l'activité de répondre au questionnaire].
- Sélectionnez une question du questionnaire [portant
sur le style pédagogique en matière de technologies éducatives].
- Consultez la liste des arguments de l'ensemble du groupe (réponses
solo et duo).
- Explorez les liens théoriques afin de rédiger une synthèse
de la question. Celle-ci comprendra deux parties : enjeux théoriques
et opinion personnelle.
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Analyse
descriptive des réponses |
Les dix questions sont interdépendantes ou tout du moins inter-reliées.
Mais puisqu'il faut en choisir une pour commencer à dénouer la
pelote de l'argumentation psycho-intuitivo-pédagogique, choisissons la
première. Il s'agira donc de la question : Dans un didacticiel, si
un élève commet une erreur, il est préférable de
:
- Informer l'élève de son erreur et lui donner la réponse
correcte.
- Informer l'élève de son erreur et lui fournir un indice
qui l'oriente vers la bonne réponse.
- Afficher une icône qui clignote, l'élève peut cliquer
sur cette icône pour demander de l'aide au tuteur.
- Laisser à l'élève un certain temps de réflexion
pour qu'il trouve son erreur par lui-même.
Dix-neuf personnes plus ou moins novices en matière d'enseignement (moins
que plus) ont répondu en temps limité à cette question.
Leurs réponses, individuelles puis lorsqu'elles ont été
"négociées" par paires, se répartissent comme
suit :
- Informer l'élève de son erreur et lui donner la réponse
correcte : 0% en solo et 0% en duo.
- Informer l'élève de son erreur et lui fournir un indice qui
l'oriente vers la bonne réponse : 37% en solo et 11% en duo.
- Afficher une icône qui clignote, l'élève peut cliquer
sur cette icône pour demander de l'aide au tuteur : 58% en solo et
78% en duo.
- Laisser à l'élève un certain temps de réflexion
pour qu'il trouve son erreur par lui-même : 5% en solo et 11% en
duo.
Si l'on se donne le droit de considérer ces différences comme
significatives, on peut conclure que la première réponse ne fait
aucun adepte dans la population d'où est tiré cet échantillon
(question manifestement trop "extrême" ou "ringarde"
?) alors que la majorité des suffrages se portent sur les réponses
intermédiaires, avec un avantage certain pour la réponse 3, réponse
peut-être à la fois la moins "risquée" sur le
plan éthique et sur le plan théorique (il semblerait en effet
que sur l'ensemble du questionnaire, les propositions théoriques "médianes"
ou "mitigées" soit toujours présentes, et localisées
au milieu des autres).
On peut également remarquer que la majorité, non satisfaite de
se situer dans l'intermédiaire, fait encore plus "corps" lorsqu'un
consensus par paire doit être trouvé (contrairement à ce
que l'on pourrait croire, la force de persuasion semble être plutôt
l'apanage des individus à positions médianes... à moins
qu'on en appelle au fameux processus de normalisation !). Le centre est décidément
le point de toutes les convergences (Gauss avait donc raison) ! Il nous faudra
par conséquent essayer de comprendre, sur un plan théorique (ou
éthique), le concept qui sous-tend cette adhésion collective.
En ce qui concerne les arguments utilisés pour justifier ces choix,
nous remarquons que :
- La réponse 1 n'a évidemment pas d'argumentaire associé.
- La réponse 2 recrute ses adeptes par opposition à la réponse
1 : l'idée dominante ici est que l'élève doit se rendre
compte rapidement de son erreur mais ne doit pas être exposé
directement à la solution (pour des raisons d'activité de l'élève,
d'effort, de meilleure mémorisation, de guidage, de plus grande motivation).
On ne doit pas trop lui mâcher le travail (tiens, resterait-il des signes
d'une lointaine mais toujours présente morale judéo-chrétienne
?), même si le système doit intervenir très tôt,
pour éviter de passer à côté d'une erreur (ah!
la sacro-sainte erreur !).
- La réponse 3 (majoritaire en solo et "quasi-totalitaire"
en duo) est justifiée par l'idée qu'il faut laisser l'élève
libre. Pas complètement libre (suggestion faite par un sondé
au néo-libéralisme) mais assez libre pour décider de
se servir de l'aide qu'on lui suggère par le clignotement (suggère
seulement, pour ne pas tomber dans le paternalisme). L'élève
doit être "maître" de son parcours, doit "pouvoir
choisir", "être autonome", responsable, etc.
(et éventuellement coupable, non ?).
- La réponse 4 (très minoritaire) n'est pas justifiée
par la seule personne qui l'a choisie, personne qui se débrouille quand
même, "en privé" pour convaince son partenaire du bien
fondé de sa solution (le partenaire avait pourtant choisi auparavant
une réponse très éloignée). On retrouve tout de
même en duo une trace de la "négociation" entre les
partenaires : "bon, avec une limite dans le temps et le nombre de
réponses".
Je vais laisser là l'analyse des influences réciproques du travail
collaboratif (terme plus à la mode que "négociatif"
ou "compromisant"), pour tenter une interprétation des enjeux
théoriques sous-tendant ces quatre propositions de réponse.
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enjeux
théoriques |
Chacune des réponses proposées à cette question fait manifestement
référence à un courant théorique ayant fait "foi"
à une époque quelconque de la recherche psycho-pédagogique.
On retrouve dans les propositions proposées la grande opposition classique
entre Behaviorisme et Cognitivisme, ce dernier ayant aujourd'hui gagné
la bataille des esprits (et du pouvoir).
- Les trois premières propositions représentent toutes
des variantes sur le thème du Sacro-Saint principe de base du Behaviorisme
(pour être plus précis, du néo-Behaviorisme) : la loi
de l'Effet (qui est aussi, en passant la loi fondatrice de la sélection
naturelle). Edictée par Thorndike au début du siècle
[pardon, je n'ai plus sous les yeux mes cours de psychologie
pour les dates exactes], cette loi postule que les comportements sont
appris (c'est-à-dire sont modifiés de manière durable)
en fonction de leur conséquence. Pour que cette conséquence
soit perçue (donc efficace), il faut que l'organisme ait une connaissance
rapide des résultats de son action (par rapport au but de la tâche,
voir Leplat, Enard et Weill-Fassina, 1970, "la formation par l'apprentissage").
Comme le résume Skinner (1989, p. 99, "Recent Issues in the Analysis
of Behavior") : When reinforcing consequences follows, we learn".
Ici, le feed-back immédiat proposé par les trois premières
réponses (quelle que soit leur forme, dont nous discuterons ensuite)
est supposé contituer le facteur principal de l'apprentissage. Pour
les néo-behaviorises, il est en effet primordial que chaque comportement
(même seulement proche du comportement final) soit renforcé (donc
reçoive un feedback) pour que se mette en place une modification du
comportement. Toujours citant Skinner (1989, p. 92) :"Teaching machines
were designed to take advantage of the reinforcing power of immediate consequences".
Les premiers programmes d'EAO se sont développés selon ce principe
issu de la loi de l'Effet, et ont donc privilégié le fait que
chaque fragment de réponse devait être suivi, dans un délai
court, d'une connaissance par l'apprenant de l'adéquation de sa réponse
par rapport à la réponse attendue. Cette connaissance des résultats
constituait en elle-même un renforcement, supposé nécessaire
à l'apprentissage.
- La quatrième proposition est, elle, d'inspiration nettement Cognitiviste.
Le feed-back sur l'erreur ne doit surtout pas être immédiat,
de manière à laisser une chance à l'élève
de découvrir seul ses erreurs. Ceci est supposé lui permettre
de prendre conscience de son erreur, d'analyser sa cause, de s'engager dans
un procédure métacognitive lui permettant de raisonner sur son
raisonnement, et donc de mettre en place après coup une véritable
stratégie de résolution de problème plus qu'une simple
réponse adaptée. L'élève apprendrait à
"raisonner correctement" et ne serait pas simplement amené
à "résonner juste" en face d'une situation particulière.
Cette métacognition lui permettait de dégager des structures
communes, abstraites, qu'il serait ensuite enclin à utiliser dans des
situations d'apprentissage différentes.[je trouve
très frustrant de ne pas pouvoir introduire de notes de bas de page
étant donné que la grandeur de la page va être sous l'entier
contrôle du "client", mais j'en introduis quand même
une ici, entre crochets : étant donné
le temps nécessaire à l'analyse fructueuse de ses erreurs, et
le pré-requis non négligeables pour parvenir à rendre
cette analyse fructueuse, est-on certain que cette "perte de temps passée
à tâtonner" sera compensée par l'efficacité
du transfert ? La réponse 4 est d'ailleurs ambiguë à ce
sujet puisqu'elle propose "de laisser à l'élève
un certain temps de réflexion pour qu'il trouve son erreur par lui-même".
Ceci suppose-t-il de laisser l'élève s'engager dans une mauvaise
voie jusqu'à ce qu'il bute sur une incohérence, ce qui peut
durer longtemps, ou de lui signaler tout de même, via un "robot
d'IA intelligent et semi-directif" , qu'il se trompe de voie dès
qu'on a repéré qu'il se trompe effectivement ?]
La distinction que nous venons de tirer entre cognitivisme et behaviorisme
quant à l'immédiateté du feedback n'est qu'une première
ébauche grossière de la question. En effet, nous retrouvons en
filigrane du problème, une autre question importante qui ne sépare
pas de manière aussi nette les behavioristes et les cognitivistes : celle
du statut de l'erreur. En effet, même si pour les cognitivistes, l'erreur
est toujours bénéfique (car motif à métacognition,
ou indicateur de représentations mentales inadéquates à
détruire), parmi les behavioristes, nous retrouvons plusieurs écoles
apportant des réponses différentes quant au statut de l'erreur.
Il existe (ou existait) au moins trois positions différentes parmi les
behavioristes :
- ceux qui supposaient que l'erreur pouvait avoir un rôle bénéfique
: par exemple Dunlap (1928), qui avait mis au point une méthode dite
de "désapprentissage ou d'exercice négatif", constituant
en un apprentissage répété des mauvaises réponses
spontanées de manière à les élininer du répertoire
comportemental de l'individu. Cette procédure semble utile dans certains
contextes (voir Leplat, Enard et Weill-Fassina, 1970, chap. sur le "guidage
dans la formation"), surtout car elle permet selon moi de bien identifier
la réponse incorrecte en tant que telle, et donc de ne plus la reproduire
ensuite.
- ceux qui ne se posaient pas la question de l'effet potentiellement néfaste
de l'erreur : par exemple, Pressey (1932), qui exposait les apprenants à
des QCM sans se soucier de l'effet de cette exposition à des réponses
incorrectes.
- ceux qui, comme Skinner, ont toujours rejeté la légitimité
des erreurs dans l'enseignement. Skinner supposait en effet qu'il fallait
non seulement que l'élève construise sa réponse (ne se
contente pas de la choisir, comme dans les dispositifs de Pressey), mais construise
de surcroît une réponse le plus souvent possible correcte. Skinner
supposait en effet que le renforcement positif devait être de mise pour
éviter les effets émotionels secondaires néfastes de
la punition (or on ne peut pas renforcer positivement une erreur) et que l'exposition
des élèves à des réponses incorrectes leur faisait
de plus courir le risque de l'apprendre (car il n'y a aucune raison pour ne
pas être perturbé par une entrée incorrecte : cf. le discours
répétitif des enseignants sur leur orthogaphe déclinante
à cause de leur exposition incessante à des copies d'élèves
bourrées de fautes d'orthographes). Constatant que le renforcement
le plus simple à utiliser est le succès, Skinner préconise
donc de faire en sorte que les activités soient renforcées intinsèquement
par leur réussite (ce qui suppose un taux d'erreur négligeable).
Skinner (1969, p. 14, "la révolution scientifique de l'enseignement")
: "Il ne fait aucun doute que nous apprenons quelque chose de nos
erreurs, ne serait-ce qu'à ne plus les commettre, mais un comportement
correct n'est pas tout simplement ce qui reste lorsque les comportements erronés
ont été éliminés ". Il insiste donc sur
la nécessité de construire (et c'est rigolo car il se situe
comme "constructiviste" [sic] dans son
livre "la révolution scientifique de l'enseignement, 1969) par
conditionnement opérant des bonnes réponses, plutôt que
d'éliminer des mauvaises.
Nous voyons donc qu'en deça de l'immédiateté du feedback
se joue une autre problématique théorique, non explicite dans
la question 1 du questionnaire, à savoir le statut des erreurs
dans une situation d'apprentissage. Faut-il les provoquer (car elles
permettent de réfléchir, selon les cognitivistes) ou les éviter
(car elles embrouillent l'apprenant, et souvent le frustre émotionnellement,
selon Skinner). Si les strutures métacognitives que les cognitivistes
présupposent existent réellement et sont transférables,
leur point de vue se justifie. Si elles n'existent pas (et que les stratégies
d'apprentissage ne sont en fait qu'un contenu comme un autre à apprendre,
comme le suggère Skinner), alors l'éducation d'inspiration cognitiviste
résulte peut-être plus en un embrouillamini et un retard des acquisitions
(en introduisant une complexité non conforme aux "capacités
d'apprentissage" de la plupart des élèves). L'erreur n'a
peut-être une chance d'être bénéfique que pour celui
qui possède déjà assez bien la question (un pédagogue
ou un chercheur universitaire ?) et qui ne trouve dans celle-ci qu'une petite
étape à franchir vers un horizon théorique déjà
presqu'à sa portée... On pourrait ici encore citer Skinner : "livré
à lui-même dans un environnement donné, l'élève
apprendra quelque chose, assurément, mais il n'aura pas pour autant reçu
une instruction. L'école de l'expérience n'est pas du tout l'école,
non pas qu'on n'y apprenne rien, mais parce que personne n'y enseigne. L'enseignement
est une manière expéditive et concentrée de provoquer l'apprentissage
; un individu qui bénéficie d'un enseignement apprend plus vite"
("La révolution scientifique de l'enseignement", 1969, p. 10).
- En ce qui concerne la différence entre les trois premières
réponses, censées être toutes d'inspiration behavioriste
en raison du feedback immédiat, nous pouvons également
constater une différence importante quant à la manière
de proposer la solution (remarquons d'ailleurs que la proposition 4 ne nous
donne aucune indication sur la manière dont l'élève arrivera
à la solution ! Il doit prendre conscience qu'il s'est trompé
mais comment et par rapport à quoi ? doit-il seulement tâtonner
par essai-erreur vers un but non défini ?).
- La proposition 1 renvoie à une confrontation directe entre l'erreur
et la réponse attendue. Aucune des personnes du questionnaire n'a
choisi cette proposition, mais elle peut très bien se justifier dans
certains contextes d'apprentissage : c'est ce qu'il se passe lors de l'auto-correction
classique utilisée pas à pas, dans les méthodes d'apprentissage
dites par "anticipation" ou par "imitation", ou encore
lorsque l'on apprend pour la première fois un poème... En
début d'apprentissage, la confrontation à la réponse
attendue permet certainement d'accélérer le processus (d'ailleurs
c'est bien se qui se passe dans un cours classique : on est plongé,
avant même d'avoir émis quoi que ce soit, face aux bonnes réponses
à reproduire).
- La proposition 2 fait référence à une méthode
dite de "priming" ou "fragmented cues" ou, pour reprendre
la terminologie de Skinner, de "prompt and vanish". L'élève
doit construire la bonne réponse à partir d'un "fragment
d'aide", qui manifestement lui manquait lors de sa production de l'erreur.
Il s'agit d'une méthode très puissante d'apprentissage car
elle allie l'activité du sujet et la disparition progressive des
indices d'aide au fur et à mesure que le comportement à apprendre
s'installe. Ceci permet de modeler progressivement une bonne réponse...
Et il s'agit même d'une méthode tellement efficace (reprise
aujourd'hui pour faire faire des acquisitions nouvelles chez les amnésiques,
voir Schacter, 1996) que l'on se demande pourquoi ne pas l'utiliser AVANT
que l'erreur ne se produise ?
- La proposition 3 commence à nous tirer vers le flou... on ne sait
pas ce que va proposer le tuteur une fois que l'élève aura
pris l'initiative de cliquer sur l'icône clignotante. Chacun imaginant
certainement que le tuteur sait bien enseigner (sans être forcé
de dévoiler sa méthode !), la majorité des sondés
a choisi cette proposition [ça me rappelle :
si vous ne savez pas comment bien gouverner, imaginez que le Prince sait
le faire pour vous... et donnez lui le pouvoir]. Cet engouement collectif,
au vu des justifications données, est dû à l'idée
[idéal ?] d'une liberté laissée
à l'apprenant. Ce n'est plus le système qui gouverne, c'est
l'élève qui choisit. Au moins, comme cela, il sera tenu pour
responsable de son échec ou de sa réussite. Ce n'est pas une
mauvaise manière de manipuler l'enfant à son insu, si on s'en
réfère aux théories de l'engagement développées
aujourd'hui en psychologie sociale expérimentale (Beauvois, 1986)
: ayant l'impression d'être libre, l'enfant en sera d'autant plus
tenace. Des expériences menées dans cette mouvance théorique
montrent par exemple que dans une classe, si on fait croire à des
enfants qu'ils sont libres de choisir la matière à étudier
(sur un ordinateur), on se rend compte qu'en situation d'incohérence
totale entre les réponses de l'enfant et le feedback (car le feedback
est aléatoire), l'enfant persévère et ne change pas
d'activité. Ceci en comparaison avec un autre groupe d'enfants, soumis
à la même situation d'incohérence, mais à qui
le maître a imposé le choix de l'activité. Dans ce dernier
cas, les enfants profitent de la moindre occasion donnée pour changer
d'activité. Manifestement, le fait de se sentir libre engage
davantage les êtres humains dans leurs activités (au point
de ne plus oser en sortir).
Tout est donc affaire de situations d'apprentissage précises, de méthodologie
choisie pour présenter un contenu, de type de contenu, de but de cet
apprentissage, de connaissances antérieures de l'élève
dans ce domaine, de sa maîtrise momentanée de l'étape où
il est, de sa confiance dans son raisonnement (acquise antérieurement),
de ses capacités (acquises aussi) à produire seul une nouvelle
réponse, d'un recours nécessaire à la motivation intrinsèque
que nous donne notre impression de liberté... Je ne pense donc pas que
l'on puisse répondre de manière catégorique sur ce qu'il
convient ou non de faire... [Mais je suis en train de donner
mon opinion ! Il faut donc vite passer à la section suivante...].
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Opinion
personnelle |
Dans un didacticiel (comme partout d'ailleurs), je pense qu'il est généralement
préférable que l'élève ne commette pas d'erreur,
surtout en début d'acquisition. Les erreurs les plus fréquentes
devraient être analysées avant (dans la phase de pré-test
du logiciel), et la progression devrait être assez fine et bien pensée
pour que l'élève soit amené le plus loin possible sans
erreur. Ceci ne signifie pas qu'une fois une "connaissance" acquise,
il ne soit pas utile de le faire réfléchir sur la manière
d'être arrivé à la solution, sur les autres voies possibles
qui aboutissent à la même réponse explicite, et sur celles
qui aboutissent à des "erreurs" (cette réflexion peut
être en partie effectuée dans le tutoriel, mais l'interaction sociale
avec les autres enfants et l'enseignant me semble constituer un plus irremplaçable
à ce niveau). Ceci permettra de bien discriminer les contextes,
les situations et les réponses adaptées au but, de celles qui
n'y conduisent pas. Je suis en accord avec Skinner pour voir dans le succès
le meilleur renforcement intrinsèque des activités, ce qui évite
bien des problèmes de démotivation, de frustration, de confusion
(pour la frustration, la machine présente certainement un avantage sur
l'humain : il est moins "dévalorisant" de se faire corriger
par une machine que par une personne, étant donné la dépersonnalisation
du jugement et donc le moindre "coût psychologique" de l'erreur).
Il est évident que cette solution ne suppose pas des élèves
passifs, mais actifs dans la construction de leurs réponses. Actifs et
guidés, ceci de manière de moins en moins explicite (prompted
and vanished) pour rendre leur acquisition indépendante par la suite
d'une telle aide.
Cependant, pour revenir à la question 1 elle-même, que faire lorsque
l'Erreur paraît ? Je me serais "casée" dans la réponse
2 (informer l'élève de son erreur et lui fournir un indice qui
l'oriente dans la bonne direction) car : 1) c'est la réponse la mieux
définie parmi les quatre choix, et 2) il me paraît utile de faire
savoir immédiatement à l'élève qu'un élément
"cloche" dans son parcours d'apprentissage. Ceci ne signifie pas qu'il
ne faille pas réfléchir à la cause de cette erreur, avec
et sans l'élève, mais que l'on ne peut réfléchir
efficacement que lorsque l'erreur et son contexte de production sont clairement
identifiés. Si des tas d'autres réponses et raisonnements s'intercalent
entre l'erreur et sa mise en évidence, on perd l'opportunité d'une
situation claire, pour le sujet et pour l'enseignant.
En ce qui concerne la question du contrôle, il ne faudrait pas céder
trop vite, dans nos rationalisations, à nos idéaux philosophiques
de liberté. Même si l'enseignant fait comme-ci l'élève
avait le choix, ce dernier sait bien, s'il veut être adapté au
système scolaire, qu'il faut qu'il appuie sur le bouton clignotant (qu'on
ne fait d'ailleurs pas clignoter par hasard, mais pour le rendre attractif,
attirant, donc "forcer" implicitement le choix). Si on fait semblant
de lui laisser le choix, il me semble important de reconnaître que c'est
avant tout pour l'engager davantage, et non en raison du respect du libre-arbitre
de l'individu.
Quoiqu'il en soit, je pense qu'il faut s'engager dans des solutions qui montrent
effectivement une amélioration des performances individuelles [désolée
pour la lapalissade !]. La meilleure solution, en matière de design
de didacticiel, est certainement celle qui donne le meilleur résultat,
en fonction d'un but explicite : l'apprentissage (sa rapidité, sa stabilité,
sa généralisation à d'autres situations... mais aussi à
un maximum d'apprenants apprenant dans des conditions qui les rendent "heureux
d'apprendre"). Il me semble donc tout aussi important de mener des études
comparatives (expérimentales et sur le terrain) que d'essayer de convaincre
les autres du bien-fondé de sa position théorique. Je trouve [mais
peut-être est-ce là seulement un effet de mon ignorance en la matière]
qu'il est souvent fait une trop faible part à l'analyse réelle
du comportement, au profit d'une querelle pseudo-scientifique nourrie d'idéologie
sur notre vision philosophique de l'être humain... Mais il est vrai que
ce qui rend les problèmes d'éducation (et de psychologie en général)
si passionnants, c'est certainement leur enracinement dans notre vision subjective
des autres, du monde et de nous-même. Conformément à ce
dernier point, je terminerai donc cette synthèse en référence
à une utopie sociale et non à une donnée expérimentale
: "The English public school of the ninetheen century produced brave
men -by setting up almost unsurmountable barriers and making the most of the
few who came over. But selection isn't education. Its crops of brave men will
always be small, and the waste enormous.(...) In Walden II, we have a different
objective. We made every man a brave man. They all come over the barriers. Some
require more preparation than others, but they all come over. The traditionnal
use of adversity is to select the strong. We control adversity to build strength"
(Skinner, 1948, Walden II, pp. 113-114).