Le conflit du Darfour
Darfour

Depuis son indépendance, en 1956, le Soudan a connu 2 guerres et 15 coups d'Etat. Le pays, composé de 600 ethnies, est divisé sur le plan religieux et marqué par des inégalités géographiques et économiques. Il reste le théâtre de nombreux conflits, dont celui du Darfour, qui a commencé en février 2003.

Cette région, située dans l'ouest du Soudan, est composée de 3 Etats et peuplée de 5 à 7 millions d'habitants. Deux mouvements rebelles, l'Armée de libération du Soudan (SLA) et le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), combattent l'armée régulière et les milices arabes progouvernementales levées par Khartoum, décidé à mener une répression féroce en pratiquant la politique de la terre brûlée.

Les victimes directes sont les populations, obligées de fuir leurs villages détruits par l'armée et les miliciens. On décompte plus de 1 million de personnes déplacées et menacées par la famine. 120 000 d'entre elles sont réfugiées au Tchad voisin. Les difficultés d'accès rendent l'organisation des secours très délicate. Malgré un cessez-le-feu signé le 8 avril 2004, les exactions continuent. Selon l'ONU, le conflit a causé l'une des pires crises humanitaires au monde.
Courrier International
Articles du 24 févr. 2004 au 10 juin 2005

Les 11 et 12 juin 2007, lors de la conférence sur le Darfour qui s'est tenue à Addis-Abeba le président du Soudan Omar El-Béchir a donné son accord de principe pour le déploiement sur place d'une force hybride composée de troupes de l'Union africaine et de l'ONU.
Courrier International, 14 juin 2007


ANALYSE

L’arme au pied, face aux massacres

Sept mille soldats de l’Union africaine ont pour mission de superviser le cessez-le-feu. En réalité, faute de moyens, ils ne font qu’observer le déchaînement de la violence.

L’histoire se passe alors que les milices janjawid campent à une dizaine de kilomètres de Gereida, dans le sud du Darfour. Les 60 000 habitants de la ville craignent une attaque d’un instant à l’autre. Les femmes de Gereida écrivent aux étrangers une lettre jurant de déferler avec couteaux et machettes s’ils ne partent pas dans les trois jours. La lettre n’est pas destinée aux janjawid, mais à la centaine de soldats de l’Union africaine stationnés alentour : en fait de lettre de menace, il s’agit d’une manœuvre désespérée pour demander une protection… Finalement, l’Union africaine s’est jointe aux chefs tribaux pour résoudre le conflit, et la plupart des cavaliers sont partis. “On pense que nous devrions nous déployer dans les villages et les camps, et chasser les agresseurs, mais c’est impossible”, soupire le colonel nigérian Raji Raina, chef de secteur de l’Union africaine. “Les attentes sont telles que c’en est risible.” “Risible” : le mot est d’une cruelle honnêteté. Plus de deux ans après l’arrivée des premiers militaires de l’Union africaine, la mission manque d’équipement et de carburant. Elle se heurte à des problèmes de communications et de renseignements. Surtout, elle fait face à la fronde permanente du gouvernement de Khartoum. Le Soudan a limité l’accès de l’aéroport pour l’Union africaine aux seules heures de la journée. Pendant des mois, il a retenu en douane cent véhicules de transport de troupes fournis par le Canada. Khartoum a même peint en blanc certains de ses appareils, y compris des hélicoptères d’attaque, pour empêcher de les distinguer de ceux de l’Union africaine.
L’échec de la mission est proportionnel aux espoirs placés en elle. Cette force africaine de 7 000 hommes n’est pas venue mettre fin aux violences contre les civils, mais superviser un fragile cessez-le-feu conclu pendant que se déroulent de laborieux pourparlers au Nigeria. Les 5 000 soldats de sa “force de protection” sont officiellement sur place pour protéger les 2 000 observateurs militaires et civils préposés à cette mission. Difficile de trouver ici un membre d’une association humanitaire sans qu’il ait une histoire affligeante à raconter sur les forces africaines. C’est l’attaque de l’armée soudanaise contre un camp de déplacés, que des soldats de l’Union ont filmée sans l’empêcher. Ce sont ces populations qu’ils n’ont pas pu protéger, en janvier dernier, quand des raids de janjawid ont chassé 55 000 civils de la ville de Mershing. C’est le couvre-feu imposé par le gouvernement, que des commandants de l’Union africaine respectent, laissant ainsi toute la nuit le champ libre aux milices…
Le mandat officiel de la mission invite seulement à “protéger les civils rencontrés courant une menace imminente dans le voisinage immédiat, dans les limites des capacités de la mission, étant entendu que la protection des civils relève du gouvernement [soudanais]”. Une clause pour le moins alambiquée. “Il nous faut un mandat beaucoup plus fort, qui stipule clairement que nous sommes autorisés à désarmer”, plaide le colonel Raina. Les Nations unies ont entamé un long processus qui devrait aboutir au transfert de la mission sous leur autorité. Selon certaines sources, 20 000 casques bleus seraient nécessaires. Sans parler de l’accord de Khartoum.

Dan Morrison
US News and World Report


Al-Qaida

Si les forces américaines se déploient au Darfour, Al-Qaida s’y implantera puisque l’organisation suit toujours le sillon de l’armée américaine. D’autant que l’accord de paix est négocié entre le gouvernement et les groupes armés. Or une majorité de la population – probablement les deux tiers – reste sans voix et se contente pour l’instant d’observer. Autrement dit, les parties en conflit, l’Union africaine et les Nations unies sont en train de préparer une bombe à retardement qu’Oussama Ben Laden n’aura plus qu’à manipuler.

Al-Rai Al-Aam

NÉGOCIATIONS

La paix, maintenant?

Après deux années de pourparlers laborieux sous la houlette de l’Union africaine, l’espoir pourrait renaître pour les habitants du Darfour. Le 5 mai, le principal mouvement de rébellion, l’Armée de libération du Soudan (SLA) signait en effet un accord de paix avec le gouvernement. A l’évidence, les amendements de dernière minute proposés par la diplomatie américaine en la personne du secrétaire d’Etat adjoint Robert Zoellick, ont joué un rôle majeur dans l’évolution de l’attitude du principal leader de l’insurrection, Minni Minnawi. Le gouvernement soudanais a obligation de désarmer immédiatement les milices janjawid, et le nombre de combattants rebelles qui doivent être intégrés aux forces de sécurité nationales a été augmenté : 4 000 d’entre eux doivent rejoindre l’armée, plus d’un millier seront incorporés à la police.
C’est sans doute le point le point le fragile de l’accord. Même si le gouvernement de Khartoum a accepté ces dispositions, ses représentants ne font pas mystère de leur méfiance sur le sujet.
Mais la principale inconnue porte aujourd’hui sur le refus de signer d’un groupe rebelle moins important, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM). Ses leaders jugent très insuffisantes les concessions de Khartoum sur le partage du pouvoir et de la richesse. Ils revendiquent notamment la création d’un gouvernement régional au Darfour, un poste de vice-président du Soudan, une meilleure représentation dans les institutions nationales et le transfert de 6,5 % du PNB à un fonds de développement du Darfour, une région traditionnellement délaissée par les dirigeants arabes soudanais. Minni Minnawi saura-t-il néanmoins convaincre ses alliés de se rallier au processus de paix? La plupart des observateurs sont sceptiques, tant les divisions sont profondes au sein de l’insurrection.

Pétrole

Région traditionnellement démunie, le Darfour a-t-il plongé dans la guerre civile aussi pour des raisons pétrolières? L’hypothèse mérite d’être évoquée : selon les experts, le sous-sol de la région regorge de pétrole, et de récents forages ont confirmé la présence d’importantes réserves d’hydrocarbures. L’accord de paix conclu en janvier 2005 entre la rébellion du Sud et Khartoum reste muet sur la répartition de la future manne. Les insurgés du Darfour ont précisément revendiqué une meilleure répartition des richesses. Au début du conflit, ils demandaient que 13 % au moins des recettes pétrolières soient consacrées au développement de la région.

Courrier International, 11 mai 2006