LE DEVELLOPPEMENT DE L’ENSEIGNEMENT INTELLIGENT ASSISTE PAR ORDINATEUR (EIAO)

 

Patrick Mendelsohn et Pierre Dillenbourg

Conférence donné à la réunion de l’Association de Psychologie Scientifique de langue française. Rome 23/25 sept.91

 

Les premiers systèmes d’Enseignement Assisté par ordinateur(EAO) sont nés au début des années soixante, ces derniers s’efforçaient de proposer toute une série d’activités (situations problème, simulations interactives). Il s’agissait principalement de système d’enseignement.

Avec l’évolution des sciences cognitives, on a vu naître de nouveaux systèmes qui reposaient sur ces nouvelles théories ( ce fut le cas du langage LOGO ou encore le micro monde qui s’inspire des théories cognitivistes). Réciproquement, les chercheurs en sciences cognitivistes se sont intéressées à ces nouveaux systèmes, l’intelligence artificiel a ainsi largement contribué au développement de l’EAO. Cette évolution s’est traduite notamment par le passage de « systèmes orientés modèles de l’enseignement » à des « systèmes orientés théories de l’enseignement  ».

On peut définir l’ intelligence artificiel comme étant « l’ensemble des techniques informatiques qui apportent à l’ordinateur une certaine compétence à résoudre des problèmes dans des domaines comme ceux du raisonnement ou de la compréhension du langage naturel ».

 

 

Les systèmes orientés modèles de l’enseignement

 

Ce sont les EIAO classiques, ils ont aussi été appelés les Tuteurs Intelligents ou bien Environnement Intelligent d’Apprentissage.

La conception de ces systèmes supposent quatre axes de recherches :

  1. les contenus d’enseignement (modèle expert)
  2. les difficultés de l’élève (modèle de l’élève)
  3. les méthodes d’enseignement (modèle pédagogique)
  4. l’interface utilisateur (composante non négligeable dans le processus d’apprentissage)

 

Reprenons ces quatre axes un par un :

 

  1. Le modèle expert

 

Ce modèle part du principe que tout concepteur doit être compétent dans le domaine enseigné et ainsi être capable de multiplier les points de vue. Clancey en 1983, avec le programme GUIDON définit les procédures de conception d’un système expert : « analyser le domaine de référence à partir de protocoles d’experts et de novices, construire un modèle expert qui tienne compte de toutes les nuances possibles de raisonnement et construire le module de l’enseignement ».

 

  1. Le modèle de l’élève

 

Ce modèle tient compte des capacités de l’élève en proposant plusieurs niveaux d’exercices et élabore des feed-back appropriés pour chaque type d’erreur.

En EIAO, les connaissances de l’apprentissage sont des sous connaissances de l’expert, ainsi il y a comparaison des performances de l’élève avec celles de l’expert dans les mêmes conditions ; c’est ce qu’on appelle le modèle de recouvrement (overlay model) tel qu’il est appliqué dans le tutoriel WUSOR.

Cependant, il faut reconnaître que chaque élève a une démarche qui lui est particulière, or l’expert ne peut fournir que des démarches générales, « l’idéal serait de tenir compte des différences de chacun ». Par ailleurs, ce modèle de recouvrement ne traite pas l’e é2658236

L’erreur sous tout ses aspects, seules celle d’ordre stratégiques sont pris en considération, les autres (opératoires)  ne sont pas pris en comptes.

De cette constatation, est né le modèle de l’erreur (buggy model) dont l’objectif est de comprendre l’origine de l’erreur et de proposer une stratégie de remédiation.

Self, en 1988, définit ainsi le modèle de l’élève à partir de six fonction : « correction de l’erreur, aide à l’élaboration d’une action à entreprendre quand l’erreur est due à une procédure incomplète, mise en œuvre d’une stratégie globale pour proposer un nouveau plan d’actions, construction d’un diagnostic, prévision d’actions futures (fonction prédictive) et enfin évaluation du travail fourni par l’élève ».

 

  1. Le modèle pédagogique

 

Les EIAO classiques proposaient des méthodes pédagogiques qui minimisaient le risque d’erreur de la part de l’apprenant. Avec les théories constructivistes, on a vu paraître des systèmes  tels que LOGO qui privilégient l’activité de l’élève même s’il y a risque d’erreur puisque c’est par et avec l’erreur qu’il y a apprentissage. Il y a une volonté dans ces systèmes de laisser l’apprenant explorer lui même ses solutions et de ne lui fournir de l’aide que lorsque cela s’avère vraiment nécessaire. Ainsi, on dit du modèle pédagogique qu’il est « un ensemble de spécifications sur la manière dont le système doit construire ses interventions. Ce modèle interagit avec l’élève plus ou moins directement en sélectionnant les problèmes qu’il doit résoudre, en le guidant vers la solution, en critiquant ses performances, en lui fournissant une aide appropriée lorsque l’élève le lui demande, en lui montrant des exemples.

Deux modèles se basent sur cette définition :

 

 

  1. L’interface

 

Les logiciels actuels offrent une interface graphique très sophistiquée, les manipulations directes (donc les interactions) y sont très importantes, ainsi l’écran associé à la souris participent activement à la construction du savoir de l’apprenant.

 

 

Les systèmes d’EIAO « orientés modèles d’enseignement » présentent des limites, ces limites ont été définies par Sleeman et Brown en 1982 :

Ces en expérimentant et en cherchant leurs limites que s’effectue l’évolution de ces systèmes, on est donc passé aux systèmes « orientés théories d’apprentissage ».

 

 

Les systèmes « orientés  théorie de l’apprentissage »

 

Selon Gagné (1987), tout système d’instruction doit tenir compte des possibilités d’acquisition de connaissances (apprentissage) et de mémorisation de ces connaissances (cognition).

Si un tel système est difficilement applicable par l’enseignant lors de son cours, cela peut être possible pour l’ordinateur, c’est l’objectif du système MEMOLAB.

 

MEMOLAB

 

Il s’agit d’un laboratoire artificiel qui permet la simulation d’expériences sur la mémoire humaine, l’objectif est l’apprentissage de la démarche expérimentale en science humaine.

C’est un système qui se veut progressif, c’est-à-dire qui propose une évolution dans l’acquisition des connaissances selon des niveaux de complexité. Les auteurs de MEMOLAB se sont d’ailleurs référés  au modèle de l’intégration hiérarchique de R.Case (1985).

C’est un modèle qui définit l’action du sujet comme une structure (Case parle de « structure de contrôle ») composée de schèmes figuratifs (états) et de schèmes opératoires (transformations). Cette structure est composée de trois composantes :

Chacune de ces composantes est elle même formée de plusieurs étapes ou en d’autres termes chaque stade est composée de sous stades. « Chaque stade consiste en l’intégration dans une seule structure de contrôle de deux structures de contrôle formées pendant le stade précédent et dont la fonction était différente de cet ancien stade.

Ce qui permet le passage entre les sous stades, c’est « l’augmentation de la capacité de stockage à court terme de l’information (Short Term Storage Space), …,  cette capacité augmente d’une part avec l’âge des processus liés à la maturation du système nerveux et, d’autre part, avec l’entraînement des schèmes grâce à un gain en efficacité opérationnelles des représentations et opérations impliquées dans la structure de contrôle. Cet entraînement permet donc de libérer au fur et à mesure de l’espace dans la mémoire à court terme pour stocker d’autres objectifs. Les didacticiels classiques favorisaient cela par la répétition d’exercices.

 Case définit ainsi le processus d’intégration hiérarchique. Il considère le sujet comme un « résolveur de problème »,  un environnement d’apprentissage doit donc prendre en compte :

 

Les concepteurs de MEMOLAB ont construits la métaphore de la pyramide pour représenter cette structure de l’environnement d’apprentissage, l’apprentissage s’effectue en franchissant progressivement les différents niveaux de la pyramide.

A chaque niveau, on trouve des séquences composées d’une classe de problème, d’un langage d’action, d’un langage de représentation et d’exercices.

 

La pyramide de MEMOLAB est constituée des niveaux suivants :

Niveau 0 : utilisation de l’interface, construction d’un événement (les sujets, le matériel, la tâche et la mesure associée à cette tâche).

Niveau 1 : identification des sources de variation, début de l’expérience, construction à partir des évènements de séquences significatives (paradigmes).

Niveau 2 : comparaison et modification d’une séquence en ne faisant varier qu’un seul paramètre à la fois, le système propose pour cela un langage de description .

Niveau 3 : le sujet maîtrise les comparaisons, création d’un plan d’expérience sur l’écran.

Le passage d’un niveau de la pyramide à un niveau supérieur est liée à la substitution d’un langage de commande par un langage de description.

 

MEMOLAD est un environnement qui prend en compte la  richesse et la complexité des processus cognitifs impliquées dans l’enseignement ( mécanismes de découverte, rôle de l’entraînement, raisonnement par analogie, guidage, …). C’est un véritable laboratoire expérimentale pour la psychologie cognitive développementale.