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Notes de lecture #3

"Why Some Material Is Difficult to Learn"

J. Sweller, P. Chandler, Cognition and Instruction 12:3, 185-233, 1994

Les auteurs débutent par un rappel des notions sur lesquelles ils basent leurs recherches, à savoir la mémoire de travail, la mémoire à long terme, l'acquisition de schémas et les automatismes. Ils notent en particulier que notre mémoire à court terme a une très faible capacité et que c'est donc la mémoire à long terme, en particulier par l'acquisition de schémas (p. exp. catégorisation de problèmes), qui nous permet de résoudre des problèmes. De plus, l'automatisation de certaines tâches nous permet aussi de libérer la mémoire à court terme.

Dans une première étape, les auteurs présentent deux principales raisons de la difficulté à appréhender certains matériels :

  1. Le matériel est intrinsèquement difficile.
    C'est le cas lorsque le niveau de l'interactivité entre éléments à apprendre est élevé. Ce haut niveau est une source de charge cognitive. Deux exemples :

    Dans ce contexte, les schémas ont pour but de réduire la charge cognitive en réduisant le nombre d'éléments qui interagissent. La mémoire de travail est ainsi moins chargée.
     

  2. Le matériel est rendu difficile par des causes externes (p. exp. présentation ou organisation du matériel).
    Deux effets qui augmentent la charge cognitive sont présentés :

Dans une seconde étape, les auteurs posent l'hypothèse initiale et vont tenter de la valider par une série de 4 expériences.

Hypothèse initiale :
Les conséquences d'une charge cognitive externe ne sont importantes que s'il existe un haut degré d'interactivité intrinsèque entre les éléments.

Expérience #1

Cette première expérience utilise deux groupes d'utilisateurs (20 sujets répartis en 2 groupes) devant apprendre à utiliser un programme CAD/CAM qui demande de comprendre une bonne partie de son fonctionnement pour pouvoir être utilisé efficacement (donc un niveau d'interactivité élevé). Le groupe #1 travaille avec un manuel traditionnel et un ordinateur, et le groupe #2 avec un manuel modifié pour limiter la charge cognitive externe (dans cet exemple, le manuel modifié intègre images et explications) mais sans ordinateur. Au terme de l'apprentissage, plusieurs types de questions sont posées : questions écrites et travail sur ordinateur.

Hypothèse :
Le groupe #2 aura de meilleures performances car le Split-Attention Effect n'est pas présent.

Procédure :
Une phase d'instruction suivie d'une phase de tests. Les différents temps (apprentissage et de test) de même que la qualité des réponses ont été pris en compte.

Résultats:
Le groupe #2 est significativement meilleur. Il a globalement besoin de moins de temps d'apprentissage et les résultats sont meilleurs. Cette expérience démontre l'existence du Split Attention Effect dans le cas d'un niveau d'interactivité élevé.

Toutefois, on peut opposer à ces résultats que le manuel modifié est peut être de meilleure qualité que le manuel traditionnel. Pour répondre à cette critique, et pour tester le Redundancy Effect, les auteurs ont imaginé une deuxième expérience.

Expérience #2

Hypothèse :
Si un groupe utilise à la fois un manuel modifié et un ordinateur, il devrait avoir de moins bonnes performances que le groupe qui n'utilise que le manuel modifié, puisque dans le premier cas, il y a redondance (manuel et ordinateur).

La deuxième expérience introduit donc un troisième groupe qui dispose d'un manuel modifié et de l'ordinateur. D'autre part, au lieu d'un logiciel de CAD, il s'agira d'un tableur (qui propose aussi des opérations avec un haut niveau d'interactivité entre éléments). Le fonctionnement de cette expérience est globalement similaire à la première.

Résultats:
Le groupe avec le manuel modifié mais sans ordinateur prend moins de temps pour apprendre et est globalement meilleur aux tests. L'hypothèse est donc vérifiée.

Expérience #3

Hypothèse :
Les deux premières expériences utilisaient du matériel avec un niveau élevé d'interactivité entre éléments. Si cette interactivité est éliminée, il ne devrait plus y avoir de différences entre les groupes, et l'hypothèse initiale, à savoir que la charge cognitive externe n'est pas importante lorsque le niveau d'interactivité entre éléments est faible, serait confirmée.

Cette troisième expérience est similaire aux deux premières mais utilise avec traitement de texte, puisque presque chaque commande peut être comprise en elle-même. L'interactivité entre éléments est donc presque nulle.

Résultats : 
Pas de différences significatives entre les groupes. L'hypothèse initiale est donc confirmée. CQFD.

Expérience #4

Les trois premières expériences utilisaient l'ordinateur. Toutefois, la théorie doit être applicable aussi à d'autres outils. Cette expérience est donc réalisée avec des appareils électriques.

Les résultats sont similaires à ceux observés dans les autres expériences.

Conclusion

Lorsque que le niveau d'interactivité entre éléments est élevé, il est important d'éviter une charge cognitive externe supplémentaire.

La théorie de la charge cognitive peut être résumée de la manière suivante :

  1. les schémas nous permettent de décharger notre mémoire de travail limitée;
  2. cette mémoire limitée implique qu'il est difficile d'assimiler simultanément des informations;
  3. s'il y a interactivité entre éléments, alors il faut les assimiler simultanément;
  4. il y a donc une charge cognitive importante;
  5. la charge cognitive peut provenir de causes externes, comme par exemple la façon de présenter une matière, ou intrinsèque à l'interactivité entre éléments de la matière;
  6. si l'interactivité intrinsèque est faible, il n'est pas trop important d'imposer une charge cognitive par le biais de présentations mal construites. En revanche, si l'interactivité intrinsèque est forte, la charge cognitive est déjà élevée, et introduire de manière externe une nouvelle charge cognitive conduit à une surcharge cognitive.