Staf15
Olivier ClavelSébastien L’haire



 

A quoi servent les maths ?

La trigonométrie appliquée à des problèmes bien réels

Mots clés : transformation des contenus d’enseignement, trigonométrie, goal-free effect, transfert, case-based learning.

 



Notre idée est d’apprendre à utiliser les opérateurs trigonométriques dans diverses situations sans avoir appris comment ils fonctionnent. Actuellement, on dispose des fonctions utiles sur une calculatrice ou un ordinateur. L’utilisateur comprend les fonctions dans une situation simple puis est amené à les utiliser dans de nouvelles situations de complexité croissante.

Un peu de théorie...

Notre travail est basé sur les théories récentes sur la charge cognitive, le goal-free effect, le case-based learning et le transfert.

Charge cognitive

La théorie de la charge cognitive a été développée par Sweller et Chandler (1991). Selon cette théorie, les êtres humains travaillent avec deux types de mémoire: la mémoire à court terme, qui est limitée, et la mémoire à long terme, qui semble illimitée. Lors du processus d'apprentissage, la mémoire à court terme, ou mémoire de travail, est largement sollicitée. Or celle-ci ne peut traiter qu'un nombre limité d'informations (environ 7 éléments à la fois). Le processus d'apprentissage nécessite l'acquisition de schémas, qui organisent l'information, en ne gardant que les informations spécifiques. Si la charge cognitive est trop grande, c'est-à-dire que la mémoire de travail est saturée, ce processus d'acquisition des schémas est bloqué. Sweller et Chandler identifient deux facteurs qui augmentent la charge cognitive:

  1. le split-attention effect: l'attention de l'apprenant est distraite par la mauvaise organisation de l'information. Par exemple, dans le domaine de l'informatique, l'apprenant passera sans arrêt du manuel à son ordinateur. Second exemple: au lieu de séparer un manuel en textes et en schémas, il vaut mieux condenser l'information et intégrer le texte essentiel au schéma.
  2. le redundancy effect: la même information se retrouve à deux endroits différents. Ainsi, la charge cognitive est augmentée inutilement car la même information doit être traité deux fois.
Si l'on utilise suffisamment les schémas que l'on a acquis, ceux-ci sont appliqués de manière automatique, sans que le sujet n'ait besoin d'un contrôle conscient. Ainsi, les experts utilisent moins de mémoire de travail que des novices pour résoudre un problème, car ils ont pu regrouper des connaissances. Ils identifient un état particulier d'un problème et savent immédiatement quelles sont les opérations à appliquer pour le résoudre. Au contraire, les novices doivent d'abord décomposer un problème en sous-buts, avant d'aller en avant vers la résolution d'un problème.

Goal-free effect

Le goal-free effect découle de la théorie de la charge cognitive. En effet, selon les expériences de Sweller (1988), enlever les buts spécifiques facilite l'acquisition des schémas en réduisant la charge cognitive. Dans un problème géométrique, on laisse l'apprenant calculer tout ce qu'il peut, ce qui l'amènera à découvrir par lui-même un certain nombre de propriétés, qui lui permettront de construire des schémas. Cette théorie remet en cause les classiques activités de résolution de problèmes. Ces activités ne devraient intervenir qu'une fois les schémas acquis grâce à la découverte des propriétés.

Transfert

La théorie du transfert est assez ancienne. Cette théorie relate l'application de connaissance à des structures similaires. Ainsi, pour résoudre un problème nouveau, on cherchera des analogie de surface avec des schémas déjà connus. On parle alors de transfert proche. Ce phénomène s'apparente à la généralisation et la décontextualisation. Il est par exemple favorisé par des exercices de variation autour d'un même thème.

Mais un expert est également capable de chercher des analogies avec des structures profondes. On parle alors de transfert distant. Un sujet qui transfère essaye d'abord d'appliquer des solutions et d'analyser leur résultat pour une éventuelle auto-correction. Le transfert est un phénomène qui ne se limite pas au niveau scolaire. Dans la vie de tous les jours, grâce à l'expérience, on peut transférer.

Ce processus n'est pas spontané (cf. Mendelsohn 1994). Il est possible de former des sujets à mieux transférer. Les associations entre contextes et entre domaines doivent être enseignées en même temps que les connaissances spécifiques.

Case-based learning

Nous nous sommes également basés sur le case-based learning (Shank 1994), ou apprentissage basé sur les cases. En faisant une expérience, on déduit un certain nombre de propriétés, qui sont stockées dans une case en mémoire. Celle-ci est indexée par une étiquette. Par exemple, si je mange du sushi pour la première fois, je garderai des informations telle que "viande crue", "nourriture japonaise" etc. Je peux faire une seconde expérience où la viande n'a plus la fraîcheur souhaitée. Dans ce cas, ma case "sushi" sera complétée par l'information qu'il faut de la viande fraîche. Petit à petit, je perdrai le souvenir de ma première expérience du sushi pour bâtir un cas général. C'est le processus de généralisation.

Ainsi, notre mémoire contient non seulement de l'information, mais aussi la manière de traiter cette information. La mémoire est dynamique, car nos connaissances évoluent dynamiquement en fonction de l'expérience. Nos connaissances sont indexées, mais de manière imparfaite, d'où nos exaspérants trous de mémoire. Shank distingue deux strutures:

Le fait de payer se retrouve un peu partout. Par contre, si je fais une erreur dans l'utilisation de ma carte de crédit au restaurant, j'apprendrai de cette erreur et ne la répéterai pas dans d'autres contexte d'utilisation tels qu'une agence de voyage.

Difficultés d'application

Dans un contexte scolaire, on rencontre un certain nombre de difficultés à implanter le case-based learning. Un expert, à savoir l'enseignant, devrait fournir à chaque élève un exemple adapté à son type de raisonnement, à son style cognitif. Cette manière de faire pose naturellement problème, puisqu'elle présuppose un enseignement individualisé.

Pour que le processus d'apprentissage soit efficace, il faut que les informations soient liées à un exemple concret, qui est lié à d'autres choses connues. L'exemple peut être choisi selon son importance (événement historique décisif), son côté inhabituel ou au contraire paradigmatique (un exemple qui se retrouve de nombreuses fois).

Petit à petit, l'apprenant construira des généralisations selon ses besoins. La généralisation ne peut être enseignée. Mais l'école demande la plupart du temps une mémorisation simple et décontextualisée des connaissances, qui seront oubliées une fois les examens passés. La mémorisation ne favorise pas une bonne indexation des connaissances, car elle n'est pas liée à des problèmes réels.

Apprentissage par l'erreur

Face à un problème, l'apprenant, utilisant les généralisations qu'il a construites et ses expériences précédentes, émet une hypothèse sur le comportement qu'un objet ou qu'un problème aura s'il applique une solution donnée. Cette hypothèse sera infirmée ou confirmée, selon que la généralisation utilisée était correcte ou non. Si la généralisation est incorrecte, l'apprenant met alors à jour sa mémoire en tenant compte de l'expérience faite et de l'inadéquation de son hypothèse (expectation failure). Ce processus est tout à fait normal. À l'école comme dans la vie de tous les jours, nous apprenons à partir de nos erreurs.

À part l'apprentissage par l'erreur, un autre processus est fondamental. L'apprenant peut et doit se poser des questions et chercher à y répondre. Ceci doit l'amener à explorer les implications d'une connaissance, ainsi que des alternatives. L'enseignant ne doit pas donner de réponse, mais guider l'apprenant vers la réponse correcte, ou encore mettre en évidence les défauts du raisonnement, en posant une autre question. Le système en vigueur à l'école, avec une seule réponse considérée comme correcte, est inhibiteur: un apprenant peu sûr de lui aura peur de poser des questions, de tenter des réponse. Pour favoriser l'apprentissage, l'apprenant doit expliciter ses connaissances, pour lui-même et pour d'autres.

Les environnements informatiques sont de bons outils pour le case-based learning. Mais ceci présuppose de nombreuses approches, qui auront une chance de convenir à tous les élèves et à leurs styles cognitifs différents. Dans la mesure du possible, les élèves doivent avoir la maîtrise de l'utilisation du logiciel. Celui-ci doit suggérer, et non pas imposer. Une utilisation par binômes est à cet effet efficace, car les apprenants doivent expliciter leurs idées à leur partenaire.

Pour l'utilisation des buts, Shank diverge de Sweller. Un enfant apprendra d'autant plus volontiers qu'il a un but. Par exemple, il peut désirer vivement lire un livre particulier et fera un effort. Par contre, un élève qui n'a pas cette motivation progressera moins facilement dans l'apprentissage de la lecture.

Scénario

On propose à l'apprenant de partir en mission sur la planète "TRIGONOMETRIA" en tant qu'expert en trigonométrie pour aider la population qui a bien besoin de ses services. Pour cela, il doit suivre un entrainement intensif : apprendre les bases de la trigonométrie.

En entrant dans le dispositif, l'élève va se trouver face à une situation d'observation. Il a sous les yeux un arbre, le soleil et l'ombre de l'arbre. Il peut alors jouer sur deux paramètres :

En modifiant ces deux paramètres, il voit évoluer la longueur de l'ombre de l'arbre. On va donc petit à petit lui faire comprendre que la taille de l'ombre dépend de la taille de l'arbre et de la hauteur du soleil. Puis, on va lui faire découvrir par une série d'exemples et de contres exemples les concepts de côté adjacent, côté opposé et hypoténuse. Par différentes questions, on va l'amener à expliciter toutes les relations qui existent entre ces éléments: On reprend ensuite exactement la même situation avec quelques élément donnés. On demande alors à l'élève de calculer tout ce qu'il peut à partir des éléments présents. Il peut avoir de l'aide en affichant la définition de toutes les relations précédemment énoncées.
 

Une fois toute ces notions bien acquises dans différentes situations sur la même figure, l'élève est promu au rang d'expert et envoyé en mission sur TRIGONOMETRIA. Pour mener sa mission a bien, on lui fournit une soucoupe volante pour le voyage, un kit de survie. Pepette, la chouette ultra-intelligente, va l'accompagner durant son périple et lui présenter tous les outils à sa disposition dans son kit : un altimètre, un sextant, un niveau à bulle, etc. (liste à completer selon les exercices implémentés).
 

En explorant la planète, il va rencontrer ses habitants et se retrouver face à de nouvelles situations qu'il devra résoudre :

Pour chaque situation, l'apprenant doit sélectionner des outils dans son kit pour prendre des mesures, expliciter ce qu'il va mesurer et ce qu'il va calculer. On lui demande ensuite de calculer le résultat de toute les façons possibles. Pepette peut à tout moment lui donner de l'aide : Au fur et à mesure que l'élève avance dans les exercices, on diminue les possibilités de recours à l'aide théorique pour que les différentes expression puissent être mémorisées.

Développement possible

Voir un logiciel de géométrie en Java qui correspond assez bien à l'idée d'observation de situation que nous voulons développer.