Pangea

Jean-Claude Brès

A la suite de trois années d'existence du projet Pangea et de la réalisation de la visioconférence du 6 juin 1994, au cours de laquelle des enfants d'Uruguay, des USA, du Danemark et de Suisse ont pu piloter à distance, d'un continent à l'autre, les maquettes qu'ils avaient construites et programmées, je tenais à rédiger un document mémoire de cette expérience.
 Ce document est pensé autant pour garder une trace des expériences réalisées que pour permettre à quiconque, chercheur, enseignant, pédagogue, de se joindre au projet Pangée ou de réaliser une expérience similaire, voire d'utiliser les éléments qui l'intéressent en les adaptant à sa pratique pédagogique.
Ce document est donc pensé comme un mode d'emploi , fait pour circuler, être diffusé, multicopié librement...afin qu'il soit utile au plus grand nombre de collègues éducateurs préoccupés, comme nous, de la qualité de vie que l'on offre aux élèves à l'école mais aussi sur la planète que nous leur léguons.

[Retour historique]

Merci

Planning des activités

Pangée

Pilotage à distance

Historique

Matériel

Coordination

Visioconférence

Organisation

Evaluation


 
 
 
 

Robotique scolaire

Modéliser en LEGO et programmer des maquettes en LOGO.
 

Télématique

Etablir une correspondance scolaire internationale utilisant le fax, le courrier électronique...
 

Environnement

Choisir un sujet traitant d'écologie et l'étudier de façon très complète.
 

Pilotage à distance

Grâce au modem, piloter d'un continent à l'autre, la maquette des correspondants.

Pangée est un projet scolaire interdisciplinaire, mettant en relation des classes de divers continents. Le thème central est l'écologie.
Pangée met les technologies nouvellesentre les mains des élèves.
L'activité vise à les rendre conscients de leur identité (interculturalisme), de leur responsabilité planétaire commune (écologie) et de leur pouvoir (technologies de communication).
 
 
 
 
 

Merci

Un merci très spécial à Sarah Dickinson (MIT) pour son aide constante dans le domaine du courrier électronique et son soutien chaleureux et efficace tout au long du projet.

Merci à ...

- Seymour Papert (MIT) et André Giordan (Université de Genève) pour leur soutien et leur participation à la visioconférence.

- Partick Mendelsohn (Université de Genève) pour son aide et ses conseils dans l'utilisation du courrier électronique.

- Philippe Maigre (Collège Marie-Thérèse - Genève) pour son aide dans la coordination du projet et l'apport de ses compétences dans les domaines de l'informatique et de la télématique.

- Julia Pieruzzi (Coordinatrice nationale - Uruguay) pour la dimension exceptionnelle qu'elle a donné au projet et à l'événement de pilotage à distance, dans son pays.

- Luette Bourne (Boston - USA), Karen Rassmussen (Odense - Danemark), Alain Muller (La Passerelle - Genève), Dominique Noël (Collège Marie-Thérèse - Genève), Frédéric Mercier (Ecole Active - Genève), Maria Steiner-Jimenez (Ecole Active - Genève) pour leur participation active à l'ensemble du projet et à la visioconférence du 6 juin 1994.
 
 

Merci à la maison PictureTel pour son aide technique lors de la visioconférence, pour la mise à disposition de son matériel et pour la prise en charge du coût des communications le 6 juin 1994.

Merci à la maison LEGO pour son soutien à l'ensemble du projet et pour les conditions avantageuses d'achat de matériel offertes aux participants du projet Pangée.
 

...merci aux membres du comité de soutien, à tous les proches, les amis, qui ont participé d'une manière ou d'une autre à la réussite de ce projet, à l'atteinte de ses objectifs principaux, merci à tous ceux qui continueront d'apporter leur aide afin que Pangée puisse avoir l'avenir qu'un tel projet mérite.
 
 
 

29 juillet 1994
Jean-Claude Brès
 
 
 

Pangée
 

C'est le nom de l'ensemble des terres émergées lorsqu'elles ne formaient qu'un seul et même continent.

C'est aussi celui de ce projet né de diverses expériences menées par l'Ecole Active de Malagnou à Genève et initié par quelques éducateurs et chercheurs à travers le monde lors d'une rencontre au colloque Logo de Fribourg (Suisse) en 1990.

Un projet qui grâce aux moyens de communication et aux technologies nouvelles, efface les distances entre les continents.

- Il s'agit de faire communiquer des enfants de 9 à 12 ans (environ) autour du thème de l'écologie.

- Ces enfants devraient être choisis dans des points du globe tels que la planète soit géographiquement et culturellement globalement représentée.(Amérique du sud, Amérique du nord, Afrique, Asie, Europe, Australie)

- L'ensemble du projet tourne autour de l'écologie et des technologies nouvelles (Antinomique ? pas si sûr !)

Les élèves utilisent :
- L'ordinateur pour écrire et chercher des informations.
- Le modem pour communiquer.
- Des outils de robotisation (Lego-Logo par exemple)
pour modéliser.

Information et dimension médiatique.

A la fin de ce projet, une émission montrerait aux téléspectateurs du monde entier cette expérience en couvrant un événement particulier :

- Un enfant pilote par ordinateur et grâce au modem une maquette (sur le thème de l'écologie), construite par un autre enfant, à l'autre bout du monde !

- A 11 ans je peux prendre le pouvoir sur les ordinateurs et les technologies de notre temps.
- A 11 ans je peux correspondre instantanément avec quelqu'un à "l'autre bout du monde".
- A 11 ans je peux faire "bouger" quelque chose à l'autre bout du monde.

Notre "Vaisseau Terre" est tout petit. Nous avons de puissants moyens à notre disposition. Que voulons-nous en faire nous, les enfants ?

Interculturalisme, communication, découverte de "l'autre", pouvoir et ...responsabilité.

Je souhaiterais qu'un tel projet soit parrainé et soutenu par des personnalités du monde scientifique, philosophes, généticiens, chercheurs, écologistes... et par des organismes importants, sensibles à une telle démarche, qui pourraient donner les moyens nécessaires à la réalisation de cette aventure.
 
 
 
 

Genève, 1991
Jean-Claude Brès



Historique

Depuis plusieurs années, l'Ecole Active de Malagnou mène des expériences de robotique scolaire dans le cadre de recherches pédagogiques en relation avec les nouvelles technologies (informatique, télématique...)
 

1987-1988 - Handicap (Les personnes handicapées dans la ville)
1988-1989 - Utopia (Une ville rêvée par les enfants)
1989-1990 - Aqua (Circuit de l'eau et écologie)
1990-1991 - Europa (l'Europe découverte à travers l'étude d'un lieu à vocation européenne)
 

Ces expériences de "pédagogie de projet" initiées et coordonnées par l'école active de Malagnou, ont permis de mettre en relation des écoles de différents pays. (Suisse, France, Danemark, Italie, Portugal). Elles ont la caractéristique d'ouvrir l'école sur son environnement.
 

Cette année 1991-1992, notre école met sur pied un projet international de robotique et de télématique en lien direct avec l'écologie.

Ce projet "Pangée" (voir document en annexe) s'adresse à des classes dans chaque continent. Il est pensé sur deux années scolaires (91/92 et 92/93). Il permettra à de nombreux enseignants et élèves de tous les continents, de vivre une expérience novatrice au plan pédagogique, riche au plan des apprentissages, en particulier dans le domaine de l'écologie.
 

Ce projet à dimension interculturelle, participera à une prise de conscience, dans plusieurs lieux du monde, des responsabilités de chacun envers notre planète.
 

Pangée a besoin de l'aide de tous ceux qui le peuvent. Nous espérons vous compter parmi ceux qui lui donneront la dimension qu'il mérite.
 
 

Coordination générale

M.Brès Jean-Claude
Ecole Active de Malagnou 39 bis Rte. de Malagnou 1208
Genève Suisse
Tel. (41.22) 735.22.90 et 735.76.54 Fax. (41.22) 786.17.98
E-Mail : Jean-Claude.Bres@tecfa.unige.ch
 

Coordination européenne

M. Philippe Maigre
Collège Marie-Thérèse 24, Av. Eugène Lance 1213 Grand-Lancy (Genève) Suisse
Tel. (41.22) 794.26.20 Fax. (41.22) 794.51.13
E-Mail : Philippe.Maigre@tecfa.unige.ch
 
 
 
 

Organisation pédagogique de l'activité.

Chaque classe, préalablement contactée par le coordinateur national ou régional et informée de l'ensemble du projet et des détails d'organisation, isole une problématique écologique régionale.
 

Deux éclairages possibles :

soit
- Une problématique favorable à l'environnement (technique de reboisement, loi sur les carburants, usine d'épuration particulièrement bien pensée....)

soit
- Une problématique défavorable à l'environnement (pollution, déforestation outrancière, surconsommation d'énergies...)

Au travers de l'observation de cette problématique particulière, c'est l'ensemble de l'écologie que la classe doit étudier.

Les élèves sont invités à modéliser la problématique étudiée en construisant une maquette.

Chaque classe entretient une correspondance avec deux autres classes du réseau.
 

Organisation du réseau :

Le réseau peut avoir différentes dimensions.
Minimalement on verra au moins deux classes par continent participer à l'expérience. A ce moment, il s'agira de 10 classes et la coordination sera complètement centralisée.
Il est beaucoup plus probable que le réseau s'étoffe et que dans certains continents, dans certains pays un nombre beaucoup plus important de classes participent. Dès lors, il est nécessaire de penser à un réseau avec des "personnes relais"
Voici alors ce que sera ce réseau :

Le projet est coordonné depuis Genève.

Coordination générale:
L'Ecole Active de Malagnou, initiatrice du projet, est le lieu central qui assure la coordination générale (Jean-Claude Brès). Tel. (41.22) 735.76.54 et 735.22.90
Fax : 786.17.98 E-mail : bres@kame.media.mit.edu

Coordination Européenne :
Le Collège Marie-Thérèse (Philippe Maigre) est responsable de la coordination européenne et aide à la coordination générale du projet.
Tel. (41.22) 794.26.20 Fax.794.51.13 E-mail : philm@kame.media.mit.edu

Coordinations continentales (nationales ou régionales)
Dans chaque continent nous devrons trouver un coordinateur au moins (plusieurs pour l'Amérique - nord / sud et pour l'Afrique par exemple) et des personnes relais dans les points qui paraissent stratégiques sur le plan géographique, politique ou pédagogique, en fonction des distances, des langues parlées...
 
 
 
 

Rôles et responsabilités :

La coordination générale entretient la dynamique du réseau, cherche les contacts nécessaires pour localiser les coordinateurs dans chaque continent et les informe de l'ensemble du projet. Elle diffuse aux coordinateurs toutes les informations nécessaires et établit le lien entre eux.

Les coordinateurs organisent leur réseau selon le format qui leur parait le plus adéquat en fonction du pays dans lequel ils opèrent. Ils s'occupent de chercher les "personnes relais" dans les points qui leurs semblent les plus stratégiques, établissent le lien entre la coordination générale et les personnes relais, aident à l'orientation générale du projet et participent à le dynamiser. Ils sont les contacts directs avec le coordinateur général.

Les personnes relais, sont en contact direct avec le réseau des classes dans un pays ou une région. Les régions linguistiques peuvent, par exemple, définir des zones d'activités pour les personnes relais.

Chaque classe situe son activité au niveau qui lui convient tant sur le plan du temps que des moyens qu'elle peut mettre en oeuvre par rapport au projet. L'important est de participer. Idéalement, chaque classe devrait correspondre avec deux autres classes, tissant ainsi les liens du réseau.






Planning des activités

(à titre d'exemple, pour une année scolaire débutant en septembre. A adapter à vos besoins, à votre pays...)








MOIS A. Enseignement B. Télématique C. LEGO-LOGO général Correspondance
 
 

septembre 1.
Choix du sujet 1.
Choix des 2 classes de 1.
Découverte du matériel correspondants LEGO
octobre 2.
Préparation visite-
2.Découverte des outils 2.
Programmation des enquête. de communication moteurs et lumières


 

fin oct. 3.
Visite-enquête 3.Découverte des correspondants 1ers contacts


 

novembre 4.
Exploitation visite 4.
Echanges sur les sujets 3.
Programmation sensors choisis, enquète


 

décembre 5.
Enseignement sur ... 4.
Programmation avancée
l'écologie (repeat,récursion...)


 

janvier ... ...
5.Choix de la maquette
 
février 6.
Préparation de 5.
Echanges techniques
6.Construction et programmation de la maquette
l'exposition finale sur la conception des maquettes.


 

mars ...
6.Essais de pilotage à distance.


 

avril ... ... ...
mai
7.Exposition finale 7.
Pilotage à distance 7.
Montage exposition
travaux divers démonstrations...


 

juin ... ... ...


 
 

Pilotage à distance

Depuis 1991, des élèves de différents continents participent au projet Pangée

Le lundi 6 juin 1994, un événement symbolique marque une étape de cette expérience :

Une visioconférence a lieu, mettant en relation des élèves, des enseignants et des chercheurs de quatre pays. Au cours de cette visioconférence, une expérience de pilotage à distance est réalisée.

Un enfant pilote par ordinateur et grâce au modem une maquette construite par un autre enfant, à l'autre bout du monde !

- A 11 ans je peux prendre le pouvoir sur les ordinateurs et les technologies de notre temps.
- A 11 ans je peux correspondre instantanément avec quelqu'un à l'autre bout du monde .
- A 11 ans je peux faire bouger quelque chose à l'autre bout du monde.

Notre Vaisseau Terre est tout petit. Nous avons de puissants moyens à notre disposition. Que voulons-nous en faire nous, les enfants ?

Moyens

Pour qu'un tel événement puisse avoir la dimension souhaitée, pour qu'il sensibilise un maximum de personnes aux problématiques éducatives, pédagogiques aussi bien qu'écologiques, nous avons mis en place un certain nombre de moyens:

- Une préparation très sérieuse de l'événement dans chaque école.

Travail sur les thèmes à aborder en direct .
Travail sur la prise de parole et l'écoute de l'autre.
Préparation pratique du pilotage à distance - nombreux essais.

- Un lieu adéquat.

Place pour les élèves, enseignants, chercheurs, le matériel, un public.
(Pour Genève, la salle de visioconférence des Télécom PTT, pour l'Uruguay, la mairie de Montevideo, pour les USA Le MIT à Boston et pour le Danemark une salle de visioconférence spacieuse, claire et bien équipée.)

-La présence de personnalités du monde de l'éducation.

La visioconférence est officiellement ouverte depuis Genève, par une allocution du professeur André Giordan (Directeur du Laboratoire de Didactique des Sciences de
l'Université de Genève et président de la section des Sciences de l'Education de la Faculté de Psychologie et de Sciences de l'Education de Genève.)
Elle est clôturée par Seymour Papert (Inventeur du langage LOGO et directeur du MediaLab au MIT - Boston)

- Une couverture médiatique aussi importante que possible.

Journaux et télévisions ont été contactés, dans chaque pays.
A la suite de cet événement, ce document mémoire est produit et diffusé afin que les éducateurs, et chercheurs intéressés puissent profiter de l'expérience et en faire profiter les élèves.
Une cassette vidéo (montage des divers documents filmés dans les quatre pays) est produite et diffusée.

Matériel

Les ordinateurs

Pour ce qui est de la conception des maquettes et de leur pilotage par ordinateur, nous avons utilisé à Genève du matériel LEGO (LEGO Technik) et des ordinateurs Macintosh, Apple II E et Apple II GS.

Les maquettes LEGO peuvent également être pilotées par des ordinateurs IBM et compatibles.

Nous avons programmé les maquettes en langage Logo et utilisé les interfaces fournies avec les boîtes de base LEGO TC Logo.
Il est bien entendu que selon les pays, les matériels à disposition dans les écoles, tout matériel de construction, tout ordinateur et tout langage de programmation peut faire l'affaire.

Les maquettes

Pour ce qui est des maquettes, nous avons utilisé divers matériaux de construction (bois, métal, carton, polystyrène expansé...)
Les briques LEGO, les moteurs, sensors, rouages divers sont particulièrement riches sur le plan pédagogique (précision, modularité, rapports mathématiques des grandeurs, des roues dentées, facilité de construction, démolition, reconstruction -> tâtonnement expérimental...) toutefois, l'utilisation d'autres matériaux ne manque pas d'intérêt sur le plan pédagogique non plus (inventivité, liberté dans la recherche de solutions diverses, découverte de propriétés de matériaux naturels - souplesse, légereté, conductivité... ) On peut même envisager l'utilisation de matériaux de récupération, sensibilisant encore les élèves à l'aspect écologique - de plus c'est une solution économique.

Le modem

Pour ce qui est du modem, il est évident qu'un modem rapide est plus onéreux à l'achat mais plus économique à l'utilisation (durée des communications).

Pour ce qui est des communications courrier électronique - envoi de simples messages, toutes les vitesses sont utilisables.

Pour ce qui est du pilotage à distance, il en va autrement. Après de nombreux essais et tâtonnements (plus fastidieux qu'expérimentaux ceux-là !), nous avons découvert ...

- qu'à 2400 bauds, la souris est très difficilement contrôlable (en particulier par un enfant) et les temps d'affichage à l'écran désespérément longs.

- à 14400 bds Timbuktu et ARA nous font toutes sortes de farces. (Nous avons pensé que les parasites et diverses fritures sur les lignes téléphoniques rendent les communications instables à cette vitesse - Interprétation qui n'engage que nous-mêmes mais constat systématique de problèmes.)

- à 9600 bds nous avons établi sans aucun problèmes des communications avec les USA, l'Uruguay, le Danemark et même entre deux écoles proches (on ne sait jamais si les téléphones locaux fonctionnent aussi bien que les internationaux !)

Les logiciels

Pour faire l'ensemble de l'expérience, nous avons utilisé trois logiciels sur Macintosh.

- LEGO Control Lab. (gère le pilotage de la maquette)
- Apple Remote Access (ARA qui gère la communication)
- Timbuktu (qui permet de prendre le contrôle d'un ordinateur à distance)
Un certain nombre de réglages des logiciels et du système de l'ordinateur sont nécessaire à la réussite de l'opération. (Voir détails plus loin).

Visioconférence
 

Bien entendu, il n'est pas indispensable de mettre en place une visioconférence pour mener à bien une expérience de pilotage à distance.
Toutefois, il faut savoir qu'on ne voit pas la maquette des correspondants à l'écran de l'ordinateur. On ne voit que leur écran d'ordinateur. Il est donc possible de constater que ce que l'on fait produit des effets de l'autre côté , de plus les correspondants peuvent à tout moment écrire des commentaires dans le centre de contrôle ...donc on sait que ça marche, mais on ne le voit pas vraiment.

Cela reste toutefois une expérience très émouvante et très motivante pour les élèves !

Mettre en place une visioconférence est une grande aventure .
La valeur éducative humaine et pédagogique d'une visioconférence entre élèves de pays différents est évidente.
Sa préparation et sa réalisation restent pour le moment un petit exploit .

- La nouveauté du média fait qu'un très grand nombre de détails pouvant faire rater l'expérience vont se trouver sur notre chemin et ne sont pour le moment pas totalement maîtrisés par les techniciens et spécialistes des visioconférences et des télécommunication en général.
(voir liste des détails techniques ci-après)
- L'organisation de la conférence quant à la forme et au contenu est très importante.
- La gestion de la prise de parole face à la caméra n'est pas évidente...on se retrouve dans la situation des premiers utilisateurs du téléphone. On parle à contre-temps, on se coupe la parole, on ne parle pas assez fort ou pas assez clairement...
- Le rendez-vous horaire n'est pas évident si on se trouve dans des pays très lointains (fuseaux horaires certes mais en plus horaires d'été et d'hiver...et saisons de l'année selon la latitude)

Il faut savoir qu'une visioconférence, c'est l'envoi du son et de l'image sur les lignes RNIS ou ISDN (c'est la même chose). Tous les pays du monde ne sont pas équipés de ces réseaux (Réseau Numéris) RNIS.
Il y a également des normes et des vitesses à respecter. Il faut donc s'assurer que tous les correspondants auront la même norme (H261 ou H320) et la même vitesse (2X56 =112 Kbit/s ou 2x64=128 Kbits/s)
De plus il y a des systèmes et tous ne sont pas compatibles.
Enfin pour être plus de deux correspondants en relation en même temps, il faut faire établir un multipoint (bridge).
Quant aux tarifs, ils sont variables selon les pays.

Dans le cas de notre expérience, nous avons communiqué avec un système PictureTel 4000 norme H320 à 128 Kbits/s
Le tarif d'une telle communication était de 4,50 Sfr/min. soit 270 Sfr/h (francs suisses).

Pour qu'une visioconférence fonctionne correctement, il nous semble qu'il ne faut pas plus de 4 personnes dans chaque lieu qui prennent la parole (pour des questions de champ de caméra, de lumière, de recherche automatique de cadrage et de netteté...ainsi que de cohérence du message.)
 
 

Evaluation

Il va s'agir là d'une auto-évaluation plus que d'une évaluation...
En effet, pris par le temps, par l'urgence de réaliser, nous nous trouvons trop souvent dans la situation de ne pas prévoir une réelle évaluation - c'est à dire à une observation effectuée par quelqu'un non directement impliqué dans le projet, un observateur de l'extérieur.
Dans l'avenir qui sera réservé à cette expérience pédagogique (Pangée) je souhaiterais fonctionner avec une réelle évaluation et si possible à caractère formatif , nous permettant de réorienter le projet en cours de route si des faiblesses, des manques... apparaîssent.
Je m'adresse donc aux universitaires intéressés par l'expérience et qui accepteraient de collaborer dans ce sens.

1. Travaux en classe

Pour ce qui est des classes que j'ai pu observer très directement -en particulier les classes genevoises- les travaux ont été très motivants pour les élèves, ils ont entraîné une réelle collaboration entre les divers enseignants concernés (enseignant de travaux manuels, d'informatique, responsable de classe...).
Une ouverture de l'école sur des interventions extérieures a été nécessaire (biologiste, spécialiste en écologie...)
Les enseignants ont été amenés à faire sortir leurs élèves hors du cadre scolaire (interviews, visites...)
Des interactions avec d'autres travaux dans l'école ont eu lieu (articles concernant Pangée dans le journal d'école).

Pour ce qui est de l'Ecole Active de Malagnou, les élèves ont abordé les thèmes suivants au cours des trois années qu'a duré le projet Pangée :

- Géographie mondiale (les continents)
- Qu'est-ce que l'écologie ?
- L'eau
- L'air
- Les forêts
- Le traitement des déchets
Dans chacun de ces domaines, des intervenants extérieurs à l'école ont participé (biologiste, aide pour l'enseignant...)
Les camps de fin d'année ont été également orientés afin de compléter les connaissances des élèves dans ces domaines (camp de plongée, par exemple avec découverte du biotope lacustre)
Le bilan est très positif.

Par contre, il est à noter que le projet Pangée a été consommateur de temps et d'énergie... et que quelquefois, le maître de classe s'est trouvé un peu bousculé dans son programme d'acquisition de connaissances purement scolaire - c'est une classe en dernière année de primaire qui se prépare à l'entrée au secondaire avec des examens.

Nous aurions peut-être dû essayer plus encore (cela a tout de même été tenté mais pas systématiquement) de voir à quels moments l'activité en relation avec Pangée pouvait intégrer totalement telle ou telle acquisition scolaire...Il n'est pas dit toutefois que cela soit souhaitable. Il est peut-être bon pour les élèves de faire de claires coupures pour que le thème ne soit pas omniprésent au risque de devenir lassant.

2. LEGO-Logo

Dans ce domaine l'enthousiasme des élèves a été évident.
Les années où le thème général a pu être abordé dès le début de l'année scolaire et où une visite d'un lieu à modéliser est intervenue assez tôt, l'activité de Lego-Logo a été immédiatement beaucoup plus structurée et les buts à atteindre tout de suite clairs pour les élèves (exemple -> l 'eau avec visite de la station d'épuration)

La dernière année où, pour des raisons internes, le thème a pris réalité dans la classe plus tard et la visite également (Traitement des déchets et visite d'une station d'incinération), l'activité de LEGO-Logo a débouché sur des réalisations de maquettes beaucoup plus hétéroclites et individuelles qu'il a été plus difficile à intégrer dans un projet commun à tous les élèves.

Nous avons fait le choix de construire des maquettes qui ne sont pas individuelles mais collectives (un élève ou un petit groupe d'élèves commence la construction, le groupe suivant continue, améliore, transforme...). C'est sans aucun doute un choix très riche sur le plan pédagogique et sur le plan social également.
- Les élèves apprennent à respecter le travail des autres.
- Ils découvrent la richesse de la collaboration.
- Ils sont appelés à expliciter leur projet.
- Ils apprennent à réorienter leur propre projet en fonction de celui des autres.
- L'avancement rapide de la construction est motivant.
- Les trouvailles des uns enrichissent les autres.
- Il y a un gros travail de négociation des projets et de passation des consignes d'un groupe à l'autre.

La classe était divisée en trois groupes. Chaque groupe travaillait une heure de temps par semaine et laissait la place au groupe suivant. Les cinq dernières minutes de chaque heure étaient réservées à l'explication du travail réalisé et à la passation des consignes par les élèves aux groupes qui leur succédaient.

Il semble indispensable dans une telle configuration de laisser des moments au cours de l'année où les élèves réalisent individuellement une maquette personnelle qui n'est pas forcément en relation avec le thème traité. Ce fut une demande de plusieurs élèves...la chose ayant été accordée certains élèves ont toutefois choisi de continuer les maquettes collectives sur le thème traité. (On peut imaginer une partie de chaque leçon - pour nous, il s'est agi de 4 leçons de suite au cours de l'année).

3. Réseau télématique (correspondance scolaire)

Le réseau télématique a été beaucoup plus utilisé par les enseignants que par les élèves.
A cela plusieurs raisons:
- Le moment de correspondance scolaire se passait en classe avec un nombre d'élèves qui ne pouvaient pas avoir tous accès aux ordinateurs et modem en même temps.
- Le temps réservé à cette activité était tout de même assez court (1 heure /semaine et par demi groupe, soit 1 heure tous les 15 jours pour chaque élève.)
- les correspondants directs de la classe (Catalans) utilisaient également peu le courrier électronique et envoyaient des courriers traditionnels magnifiques, avec dessins, photos, documents divers...

Les élèves ont appris à utiliser le courrier électronique mais ont sans aucun doute préféré les envois papier .
Je suis persuadé que l'impossibilité d'envoyer des messages personnalisés, en couleur, avec des dessins, des photos...rend le courrier électronique moins attrayant - après un moment de plaisir de la découverte - et qu'il en irait tout à fait autrement avec un support télématique permettant l'usage de la couleur, l'envoi de dessins ou de photos.
Il serait intéressant de tenter l'expérience (projet d'avenir !)

Le courrier électronique a été extrêmement utile aux adultes. Ce sont des centaines de messages que la coordination générale a reçus (presque un millier).
Pour l'expérience finale de pilotage à distance ce fut un moyen irremplaçable - sans ce mode de communication, nous aurions eu beaucoup de peine à réussir l'expérience.

L'ensemble du réseau des participants est une entité vivante et mouvante. Certaines classes s'inscrivent et n'entrent jamais réellement en activité, d'autres ont une activité intense durant un certain temps (un mois, deux, une année) puis disparaissent du réseau... et réaparaissent plus tard dans certains cas.
Certaines enfin se sont inscrites, n'ont plus donné signe de vie durant toute l'année scolaire et ont fait parvenir à la coordination générale un excellent dossier d'activité couvrant toute l'expérience de la classe durant toute l'année scolaire.
 

Faut-il essayer de lutter là contre et essayer de standardiser les modes d'échanges ? (Rythme - forme...)
Faut-il accepter cette mouvance, cette autonomie de vie du réseau ?
Dès le départ, la coordination générale a exprimé le désir que chacun se sente libre de donner au projet la forme et la dimension qui convenait à sa classe, son école, au pays dans lequel il se trouvait.

Il est évident que la coordination générale a visé dans un premier temps à la réussite d'au moins une expérience complète dans chaque domaine (étude très complète d'un phénomène écologique dans une classe, correspondance suivie entre deux classes, réalisation d'une maquette complexe et fiable, enfin réalisation d'une vidéoconférence et d'une expérience de pilotage à distance entre quelques membres du réseau...)

Nous avons maintenant une expérience référence nous permettant d'aider, d'orienter ceux qui souhaiteraient faire une démarche semblable.

4. Pilotage à distance

Le pilotage à distance a été une bien grande aventure.
De toute part, on nous disait que l'idée était excellente et que cela ne présentait aucune difficulté technique, que tout les matériels et logiciels nécessaires étaient à disposition...(la preuve, nous y sommes arrivés !) mais dès qu'il s'agissait de savoir quels logiciels, quels types de modems...nous nous apercevions qu'à ce jour, personne n'avait réellement tenté l'expérience.
Nous nous sommes alors mis au travail, expérimentant les divers logiciels et modems sur le marché et solutionnant petit à petit les nombreux problèmes techniques qui se présentaient.

Concernant les logiciels voici notre choix final:
- LEGO control lab (sur macintosh) permet de faire fonctionner la maquette.
- Apple Remote Access (ARA) permet de gérer les communications.
- Timbuktu permet de prendre en main l'ordinateur du correspondant et donc de piloter sa maquette.

Un certain nombre de réglages sont nécessaires pour que cela fonctionne et certains fichiers doivent être désactivés - en particulier pour avoir la maquette et le modem branchés sur un seul et même ordinateur (voir feuille technique à ce sujet).

Concernant le modem, nous utilisons les lignes téléphoniques normales, cela ne fonctionne vraiment bien qu'à 9600 bauds. Une procédure Hayes compatible donne entière satisfaction.
Il est de la plus haute importance, si l'on veut diminuer la durée des communications et donc le coût de tomber d'accord préalablement avec son correspondant sur un certain nombre de points de procédure précis.

- Qui appelle ?
- Comment l'ordinateur du correspondant doit-il être configuré ?
- Quels logiciels doivent déjà être en route et que devra-ton voir à l'écran ?
- Quel est le nom de la procédure à appeler ?
- Comment indique-t-on que l'on a fini et qu'on attend une réponse du correspondant ?
(par exemple S. pour Stop)
- Quand c'est au tour du correspondant de gérer notre ordinateur, combien de temps
devra-t-il attendre pour que nous ayons quitté Timbuktu, ouvert le logiciel
désiré et la procédure sur laquelle il souhaite travailler ? (conseillé 1 min.)

Bien sûr tout cela peut aussi être fait depuis l'ordinateur appelant...mais cela prend un temps infini à cause des allers-retours et des écrans à régénérer.

Sur le plan symbolique, une expérience de pilotage à distance est quelque chose de très émouvant. Imaginez l'étonnement, la fierté, l'émotion des élèves et de leurs enseignants lorsque leur maquette se met à bouger toute seule pilotée par un enfant à des milliers de kilomètres de là.
Les applaudissements, les cris de joie...et même les larmes le jour de la visioconférence en ont été le meilleur témoignage.
 

5. Visioconférence

La visioconférence qui a eu lieu le 6 juin 1994 entre l'Uruguay, le MIT à Boston, le Danemark et les classes genevoises a été une réussite.
Symboliquement la présence d'un pays de l'hémisphère sud, celle de Seymour Papert (inventeur du langage LOGO) du Danemark (Pays du LEGO) des classes genevoises (où est né le projet) la présence d'André Giordan (Directeur du Laboratoire de Didactique des Sciences) et le fait qu'il s'agissait d'une première mondiale en ont fait un événement historique.

Il fut pour nous riche en apprentissages :
- Quant au domaine technique (Normes, vitesses, systèmes, coûts...)
- Quant à l'organisation pratique (qui prend la parole, quand, combien de personnes à l'écran dans chaque groupe ?...)
- Quant à la valeur pédagogique au contenu et à la forme à donner à une telle expérience.
(Nous avions trop d'élèves directement impliqués au niveau de la prise de parole, les textes étaient trop bien préparés -> manque de spontanéité...Il faudrait réserver un moment très structuré, bien préparé et un moment très spontanné...)
- La qualité du son doit être améliorée (s'agissait-il du standard choisi ou de la communication ce jour là ?) mais les élèves avaient du mal à comprendre ce qui se disait, surtout dans une langue étrangère, même s'ils la maîtrisaient relativement bien.
- La prise de parole (tour de rôle) est à exercer au préalable.
 

Résumé - Conclusions

Pangée est une expérience historique, réussie, riche et très encourageante, qui appelle une suite.
Il reste de très nombreux points à améliorer tant sur le plan de l'organisation générale du projet que sur le plan pédagogique et technique.

Points négatifs (et amorces de solutions):

- Pas assez de temps consacré au niveau de la coordination générale -> (projet dans ce sens pour l'an prochain)
- Pas assez de coordinateurs (trices) nationaux donnant la dimension qu'il mérite au projet, dans leur pays. ->(les y encourager, leur donner les moyens, trouver des coordinateurs nationaux là où ils manquent, impliquer les gouvernements dans le projet).
- Projet relativement gourmand en temps et énergie à investir de la part des enseignants. ->(?)
- Peu d'utilisation par les élèves du courrier électronique. ->(chercher autre support télématique)
- Absence d'évaluation du projet par des personnes extérieures. -> (Demander à l'université)

Points positifs:

- Nous avons atteint au moins une fois dans chaque domaine tous les buts que nous nous étions fixés.
- Expérience très riche en apprentissages tant pour les élèves que pour les enseignants et les coordinateurs.
- Projet interdisciplinaire, écologique, interculturel... Pangée est un projet dans lequel on s'implique autant avec son coeur qu'avec sa tête.
- Relations internationales riches et réussies - aussi bien entre les chercheurs impliqués que les enseignants ou les élèves.
- Acquisition d'une expérience voire d'une maîtrise certaine de la part des organisateurs, dans les domaines de la robotique scolaire, de la télématique et de la visioconférence pédagogique.
 

...Pangée, un projet réussi, pas forcément terminé ... affaire à suivre !
 

Jean-Claude Brès, 1 août 1994