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Motivation des enseignants à l'école primaire et TIC

[Maison de repos de l'Education nationale]
- J'avais déjà des problèmes avec mes élèves...et avec le Web j'ai craqué.
[Dessin de Pétillon paru dans : L@ folie Internet, l'envers de la Toile, les Dossiers du Canard enchaîné, Avril 2000]

 

 

Etudiants : Anne-Cécile Michaux, Sarah DeKeyn (ULg) - Jean-Christophe Lauraux, Catherine Bullat-Koelliker, Martha Castro Dominguez (TECFA)

Tuteur : Amaury Daele (FUNDP)

1. Introduction et but du travail

Nous nous sommes demandé quelles sont les representations des enseignants(es) et les facteurs motivationnels (externes ou internes à l'enseignant) vis-à-vis de l'utilisation d'Internet à l'école?. Pourquoi utiliser ou ne pas utiliser les TIC ? Quel impact les TIC ont-elles sur la manière d'enseigner ? Pour cela, nous avons fait passer un petit questionnaire à des enseignants du primaire pour essayer de comprendre en quoi les TIC participent à leur motivation.

Depuis quelques années, avec l'introduction de multimédia, on essaie de répondre aux nouvelles et diverses formes de communication et d'information dans le champ de l'éducation. Egalement, on réfléchit aux nouveaux rôles, fonctions, et tâches des enseignants(es). Mais, il est important aussi d'introduire dans l'analyse la notion de motivation [1]. D'ailleurs, il faut la préciser en termes d'interaction continue de la personne avec son milieu [2]. C'est ainsi, que nous essayerons de travailler sur quelques "illustrations" dans deux contextes éducatifs différents, celui de la Suisse et celui de la Belgique, pour étudier la position d'un de leurs acteurs, l'enseignant (e), par rapport à l'utilisation d'Internet à l'école, et les situations dans lesquelles il est impliqué au niveau global, contextuel et situationnel.

2. Notre questionnaire

Vous pouvez télécharger ici notre protocole d'entretien.

Nous avons construit notre questionnaire en recherchant d'une part à connaître mieux l'enseignant (âge, ancienneté, pédagogie utilisée...) et d'autre part à décrire le contexte dans lequel il travaille ("ambiance" internet dans l'école, relations avec les collègues, la direction, les parents, travail d'équipe, matériel disponible...) car nous pensons que le contexte de travail a une grande influence non seulement sur la façon de travailler des enseignants mais aussi sur leur envie d'évoluer dans leur profession et les possibilités qui s'offrent à eux de réfléchir sur leurs pratiques.

3. Notre échantillon

Nous avons interviewé 6 enseignants du primaire, 3 belges et 3 suisses. Comme vous le verrez dans leurs réponses, ils ne sont pas tous nécessairement des défenseurs de l'Internet...

 

Nationalité

Sexe

Age

Ancienneté

Type d'école

Classe

1

B

M

27

6

Ecole communale

3è-4è (8-10 ans)

2

B

M

30

6
Ecole communale

1è-2è (6-7 ans)

3

B

F

40

19

Ecole communale

5è-6è (11-12 ans)

4

CH

F

45

23

Ecole privée

5è-6è (9-11 ans)

5

CH

M

34

8

Ecole publique

4è (9-10 ans)

6

CH

 F

 34

6

Ecole publique

1è-2è (6-7 ans)

4. Les réponses des enseignants

Nous n'avons pas retranscrit ici toutes les réponses des enseignants à toutes les questions. Nous en avons fait un résumé.

4.1. En Suisse

Pour les enseignants suisses, quelles sont les conditions favorables à l'introduction d'Internet en classe ?

  • Connaissances préalables de l'enseignant, utilisation personnelle et curiosité;
  • Infrastructure matérielle dans la classe, ou dans une salle de l'école;
  • Logistique portée par l'école;
  • Soutien des collègues;
  • Accès au cours de formation;
  • Personne ressource dans l'école;
  • Echanges avec d'autres écoles;
  • Type de pédagogie : les pédagogies actives s'y prêtent facilement (travail autonome, de groupe, en projet…);
  • Pression des élèves.

- Un ordinateur pour seize élèves, c'est bien...
- Une prise de courant pour seize ordinateurs c'est pas génial.

[Dessin de Lefred-Thouron paru dans : L@ folie Internet, l'envers de la Toile, les Dossiers du Canard enchaîné, Avril 2000]

Comme conditions défavorables, ils notent :

  • Inexistence d'une politique concrète à l'école sur l'utilisation d'Internet en tant qu'outil pédagogique;
  • Trop d'investissement de temps, surtout au début;
  • Obstacles techniques;
  • Difficulté de gestion du groupe-classe;
  • Difficultés par rapport aux connaissances acquises et aux compétences exigées;
  • Le PIP (peur, inertie, paresse) des enseignants qui dépend en grande partie des conditions et de la situation de travail;
  • Surcharge du temps pour ceux qui désirent suivre une formation dans ce domaine;
  • Expériences personnelles négatives dans l'initiation en informatique;
  • Manque de matériel personnel adéquat.

Ce qu'ils attendent d'Internet pour leurs pratiques et pour l'apprentissage des élèves : pour eux, Internet représente un outil :

  • d'assistance pour le travail pédagogique;
  • de recherche d'informations pour la réalisation de projets;
  • d'apprentissage de lecture rapide et discriminatoire, de discernement dans l'information;
  • d'apprentissage de précision et d'organisation;
  • d'échange de savoir;
  • d'incitation à l'utilisation de l'anglais;
  • d'apports concrets d'information (ex : son et image).

et l'e-mail permet :

  • des échanges rapides;
  • l'usage de la langue écrite;
  • la découverte et la maîtrise de pratiques sociales;
  • l'utilisation de l'anglais (dans la correspondance avec des écoles anglophones).

Leurs arguments pro-Internet :

  • C'est un outil de recherche et de communication incontournable, à apprendre à utiliser dans toutes ses possibilités et ses limites...
  • Qui permet la diversification des activités à l'école...
  • Et l'utilisation de la langue écrite...
  • Qui aide au renforcement de l'autonomie chez les élèves...
  • Qui permet l'échange...
  • Le travail de groupe...
  • Et l'acquisition de nouvelles compétences...
  • Qui nécessite précision et organisation.

Leurs arguments contre-Internet :

  • Perte de temps et d'énergie de recherche par rapport aux résultats;
  • Préférence de la formule traditionnelle de recherche dans la bibliothèque;
  • Tendance à l'isolement;
  • Pas de contrôle de l'information;
  • Manipulation de l'information donnée.
4.2. En Belgique

Les enseignants belges notent comme conditions favorables à l'introduction d'Internet dans leurs pratiques d'enseignement :

  • Un directeur ou une directrice motivé(e) qui tente de donner aux enseignants l'envie d'utiliser Internet.
  • Une commune qui investit de l'argent dans la création d'un local informatique (Internet) mis à la disposition des écoles.
  • Investissement du comité (de parents ou scolaire) dans l'achat d'ordinateurs pour l'école.
  • La création au sein de l'école d'un local informatique permettant à tous les ordinateurs d'être connectés à Internet.
  • Investissement de la Communauté française dans l'achat d'ordinateurs (IMAC). Le nombre distribué par école varie en fonction de son effectif.
  • Des réunions d'initiation à l'informatique (supplémentaires aux réunions de concertation obligatoires) sont prévues au sein de l'école.
  • Posséder du matériel informatique à domicile.

Comme conditions défavorables, ils mentionnent :

  • Pas assez de places prévues pour les enseignants qui désirent s'inscrire dans une formation à l'informatique.

Quels sont les arguments que les enseignants belges utilisent en défaveur d'Internet en classe ?

  • Manque de respect de la vie privée : tout qui se trouve sur Internet n'a peut-être pas envie d'y être.
  • Trop de liberté : les enfants peuvent voir de tout sur Internet. Il n'y a aucune censure.
  • Le coût.
  • Coupe la communication au sein des familles : quand on surfe sur Internet, on est seul face à son ordinateur.
  • On se base beaucoup trop sur l'informatique à l'école et plus assez sur des enfants en difficulté scolaire.
  • Il y a d'autres moyens de communication à développer tel que l'écrit.
  • Le fait de ne pas se sentir à l'aise dans l'utilisation d'Internet.

5. Nos réflexions

5.1. Comparaison Suisse-Belgique

Au-delà des caractéristiques institutionnelles qui sont bien sûr différentes d'un pays à l'autre, il apparaît que les enseignants de Suisse et de Belgique se posent sensiblement le même genre de questions et vivent les mêmes craintes face à un outil qui s'impose de plus en plus dans la vie de tous les jours.

En cliquant sur http://www.geneve.ch/dip on peut découvrir des exemples des TIC des écoles genevoises. D'ailleurs, le DIP (Departement de l 'Instructions Publique) pour l'enseignement primaire a créé son propre site en 1997. Le " Petit Bazar " héberge toutes les pages Web conçues par des différentes écoles de cette section. Il existe aussi le Centre Pédagogique des Technologies de d'Information et de la Communication (CPTIC) qui étudie et facilite l'intégration des TIC dans l'enseignement suisse. Ces ressources technologiques sont une manifestation de l'intérêt des autorités officielles pour rendre possible l'exploration dans ce domaine comme outil pédagogique. Mais, les orientations doivent être aussi bien définies pour l'ensemble du système éducatif. " Il ne faut pas vouloir se doter aussi tôt que possible de matériel informatique, il faut réfléchir d'abord au rôle de l'école. ", déclare Martine Brunschwig Graf, Présidente du DIP (L'école, mars 2000). Cependant nous trouvons aussi que les réflexions des enseignants(es) suisses interviewés se dirigent vers des conditions situationnelles de la personne en relation avec leurs connaissances, leurs attitudes et leurs compétences. Par exemple, les expériences personnelles dans l'informatique, l'investissement du temps, la pression des élèves et des collègues, entre autres. En revanche, les enseignants (es) belges considèrent important l'investissement matériel et personnel d'instances qui sont physiquement en dehors de l'école, telles que la communauté et/ou les parents d'élèves. Bien évidemment, il faut clarifier que les deux groupes d'interviewés (es) partagent leurs opinions par rapport à l'existence ou non d'un ensemble des conditions externes à eux, et des paramètres clairs sur la participation et la façon d'orienter l'utilisation de cet outil à l'école. C'est le cas des politiques et des stratégies de motivation pour l'utilisation et la formation, par exemple.

En Belgique, le site http://www.agers.cfwb.be (site officiel de la Communauté française de Belgique) et le site http://www.profor.be/ proposent des activités à réaliser en classe mais aussi (dans Profor) des outils pour la formation des enseignants en cours de carrière. Ces deux sites sont réalisés par la Communauté française de Belgique et témoignent de la volonté de prendre en compte autant l'aspect technique de l'intégration d'Internet à l'école que les aspects pédagogiques liés à l'apprentissage des élèves et à la formation continue des enseignants. Néanmoins, au travers des interviews que nous avons pu réaliser, il apparaît aussi que cette volonté politique semble fort théorique aux yeux des acteurs de terrain. Nous entrevoyons ainsi l'importance d'une construction, par les enseignants, de leur propre réponse à la venue d'Internet à l'école.

En ce qui concerne les arguments défavorables, tous les enseignants(es) interviewés (es)sont d'accord sur essentiellement trois points : la difficulté à contrôler ce que les enfants peuvent regarder sur Internet, la tendance à une interruption dans la communication et la possibilité de développer d'autres formes de communication ou de recherche de l'information.

5.2. Quels conseils donner à un/une instituteur/trice qui voudrait se lancer dans des activités Internet avec sa classe ?

1. Il paraît intéressant de suivre une formation préalable afin de se sentir plus à l'aise avec cet outil. Mais, on doit considérer que, comme outil pédagogique, l'enseignant(e) est invité(e) à créer et à adapter des nouvelles façons de travailler à partir de ce qu'offrent les TIC's.

2. Il serait peut-être intéressant que les futurs enseignants soient formés dès l'école normale.

3. Si à première vue tous les contenus d'enseignement ne semblent pas se prêter à l'utilisation d'Internet, on ne peut pourtant prétendre qu'ils ne sont utiles que pour la recherche d'information et qu'il n'apportent rien aux compétences de bases (langage écrit par ex.). Il est intéressant de penser d'une part à la pertinence de son utilisation par rapport au sens, à la réalité et au contexte de l'utilisateur, et d'autre part par rapport aux objectifs de la classe, non seulement au niveau des connaissances, mais aussi au niveau de la dynamique des interactions des acteurs en formation.

4. Afin d'éviter l'excès de liberté laissé par cet outil, il serait favorable que l'enseignant délimite la recherche des élèves sur un sujet bien précis. C'est-à-dire, considérer la formulation d'un objectif pédagogique précis qui articule l'acquisition de connaissances et de compétences dans des processus comportementaux et existentiels.

5. On pourrait aussi parler d'un retour au centre de la pédagogie, c'est-à-dire que l'enseignant (e) doit jouer le rôle d'intercesseur, facilitateur, promoteur, accompagnant.

Finalement, il existe de multiples réponses à une question aussi complexe comme celle de l'apparition, assez rapide, de l'informatique dans les objectifs pédagogiques. Mais il faut travailler sur la création des applications formatrices, des usages, car ces applications auront toujours des effets multiples. En tout cas, il est opportun d'avancer !

6. Bibliographie

  • ARNAUD G. "Le formateur face au multimédia: entre complexité et perplexité", in Education Permanente, 127,/1996-2, p. 7-18, Paris.
  • BELISLE C. et LINARD M. "Quelles nouvelles compétences des acteurs de la formation dans le contexte des TIC", in Education Permanente, 127/1996-2, p. 19-47, Paris.
  • GODEL R. "Avec les TIC, c'est l'école qui change", p. 12,13, in L'école, no. 18, mars 00, Genève.
  • SHANI Y. "Quand les élèves se mettent au Net", p. 14-16, in L'école, no. 17, décembre 00, Genève.
  • VALLERAD R.J. et BLANCHARD C. "Education permanente et motivation: contribution du modèle hierarchique de la motivation intrinsèque et extrinsèque", in Education Permanente, 136/1998-3, Paris.

[1] Dans leur ouvrage "Introduction à la psychologie de la motivation", R. Vallerand et E. Thill, definisent la motivation comme "le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l'intensité et la persistence du comportement". [Retour texte]

[2] La motivation intrinsèque peut se définir "en termes de participation à une activité par le plaisir qu'elle procure, et la motivation extrinsèque "décrit le fait de réaliser une activité afin d'obtenir une récompense ou d'éviter une punition." (Deci, 1971). [Retour texte]

dernière mise à jour : 05/06/2000