Noms et prénoms: Sanda Ljubicic et Jérôme Gauthey.

Lieu de l'enquête: Vevey.

Cible: Nestlé.

Date de l'enquête: 10 février 1999.

Sujet : les aliments transgéniques.

"Nous n'utilisons des produits génétiquement modifiés que s'ils sont acceptés par le consommateur. "

" Le génie génétique est un bon outil. Néanmoins,il ne résoudra pas tous nos problèmes." " Qu'est-ce que la nature? Une utopie, un idéal. Elle n'existe plus depuis que l'homme s'est mêlé d'y toucher."


Nous avons été poser personnellement des questions à un membre de l'entreprise de Nestlé, à Vevey, M.Toet, qui nous a permis de comprendre plus clairement la situation et la position de Nestlé. Celle-ci est rationnelle et il montre une profonde confiance envers l'avenir de ces techniques sans pour autant ignorer les risques relatifs à cette technique. Lors de l'interview, nous avons bien senti leur envie de faire partager leurs connaissances sur la matière.

Pour les détails, lisez la suite.

Il nous a tout de suite préciser les activités et la façon de voir de son employeur.

Dirk Toet: - Nous n'utilisons pas les organismes génétiquement modifiés. Ce que nous utilisons ce sont les produits provenant du soja modifié et du maïs modifié. Ce sont surtout la farine de soja et de maïs, maltodextrine, additifs alimentaires provenant du maïs et du soja, par exemple la lécithine.

Interviewer: - Dans lesquels il n'y a plus aucun risque ?

D.T.: -Il n'y a pas plus de risques que pour les varietes traditionelles.
L'agriculture, point de départ de notre analyse, est le sujet le plus controversé. Bien que Nestlé ne soit pas spécialisé dans ce domaine, comme il vient de nous l'expliquer, M. Toet nous a appris que la biotechnologie est une étape intermédiaire dans l'évolution de l'agriculture. Malgré tout, il n'y a pas de grandes différences avec la sélection faite par l'homme. Elle permet juste une amélioration des procédés agricoles, dans le sens où elle permet de résoudre un certain nombre de difficultés, notamment d'ordre technique. Le génie génétique est un moyen d'accélérer le processus naturel et de le rendre plus précis, car on sait précisément ce que l'on change et les conséquences du changement avant de le faire (avant cela, on essayait pour voir).

D.T.: - Les études que l'on a fait sur le soja et le maïs représente une pile de 1m50 de haut.
Il n'y a pas de produits sur le marché mieux étudié que le soja et le maïs (GMO).
Cette technique nous permet un meilleur rendement des cultures.
Citons un exemple: par l'introduction d'un gène porteur de la résistance contre la pyrale, petit ver mangeur de maïs et destructeur de culture, dans les plants de maïs, on évite qu'il y ait des pertes dues à ces destructions.
En parlant de soja et de maïs, produits qu'utilise Nestlé, nous avons demandé à M. Toet, s'il y avait un risque de transmission de la résistance des dérivés aux autres plantes, en particulier aux micro-organismes qui les mangent.

D.T. : - Si l'on prend l'exemple du maïs BT, où l'on a mis aussi une résistance contre un antibiotique, on peut se rendre compte qu'au point de vue scientifique, il n'y a aucun problème avec ce gène, car il ne s'exprime pas dans les graines et que la transmission de ce gène est très difficile: le gène doit d'abord passer de la plante à ce micro-organisme et il faut ensuite qu'il puisse l'exprimer (besoin d'un promoteur et d'une séquence finale). La probabilité d'une telle transmission est identique à celle de gagner trois fois consécutivement au loto.
- Mais, tous les produits combattants (insecticides et herbicides) provoquent la formation d'une résistance; la durée de vie d'une plante en est totalement indépendante. La résistance est donc une chose normale. Il me semble logique que lorsque un être vivant, comme la pyrale, se sent menacé, il va chercher à fuir, à trouver une issue pour s'adapter au mieux à son environnement.
La résistance, qui a beaucoup fait parler d'elle, tient finalement de l'évolution. Si l'on observe, maintenant, le cas de l'homme, on peut remarquer qu'il y a un grand nombre de micro-organismes dans notre propre intestin; environ 50% de ceux-ci ont déjà développé une résistance pour lutter contre l'antibiotique.
La résistance contre un antibiotique dans les gènes du maïs BT est minime face au nombre de résistances déjà développées par les bactéries dans notre organisme."

En ce qui concerne le soja et le maïs, M. Toet nous a également appris qu'il n'y avait pas de risque que le gène transformé soit transmis à d'autres plantes, car le soja et le maïs ne sont pas des plantes indigènes en Europe. Pour les autres plantes cultivées en Europe, il y a un risque de transmission.

Ces produits ne sont pas plus allergènes que leurs ancêtres classiques. Il n'y aura donc pas d'allergies nouvelles. De plus, toutes ces plantes et leurs dérivés ont été testé sur les chances qu'ils provoquent une allergie (pour provoquer une allergie, il faut qu'une protéine ne soit pas digérée et soit allergène). Pour ces produits, aucune allergie n'a été trouvée, dans le cas contraire le produit sera retiré par le producteur ou cela sera marqué sur l'emballage.

Il nous a aussi montré à quel point le danger d'une disparition de la diversité était très relative. Il existe 60 à 70 variétés de soja (le soja français n'est pas le même que son homologue espagnole) et seulement une trentaine de variétés, à l'heure actuelle, ont été transformées dans tout les cas de figure, il nous restera des autres variétés.
Les conséquences pour l'homme lors d'ingestion sont les mêmes que pour des "produits naturels".

D.T.: - Tous nos aliments contiennent de l'ADN. Si on commence à manger, on commence à manger de l'ADN et tous les changements qu'on a fait jusqu'à aujourd'hui avec les produits génétiquement modifiés contiennent des gènes déjà connus et déjà mangés.

Inter : - Mais là on prend quelque chose qui appartient à une vache et on le met dans une plante?

D.T.: - Mais vous mangez de la viande et des végétaux. Il n'y a rien de choquant pour le moment dans ces techniques. Spécialement au point de vue de notre alimentation industrielle."

Cette technique est un très bon outil, comme il nous l'a expliqué. Mais il ne faut pas croire qu'elle va résoudre tous nos problèmes. Elle peut aussi avoir ses inconvénients.

D.T.: - La palette de produit que nous mangeons c'est diversifié, c'est incroyable. Nous avons tellement mangé de "DNA nouveau" pendant ces quarante dernières années, en comparaison, l'ADN nouveau apporté par le soja et le maïs transgenique ne représente rien . La crainte du génie génétique est vraiment un problème psychologiquepolitique. Mais je ne dis pas que cette technologie est sans danger. Ca n'existe pas. Il n'y a aucune technologie sans danger. Et c'est vraiment une technologie sur laquelle il faut vraiment penser à ce que l'on fait et ce que l'on ne fait pas, c'est clair. La situation, aujourd'hui, est très simple. Si on continue comme ça ,il faut penser aux problèmes de la résistance, c'est nécessaire d'y réfléchir, on ne peut pas continuer en ayant une résistance contre tout. Il faut une balance. Mais avec pour le moment un nombre limité de produits sur le marché, il n'y a pas de grand risque. De toute façon, une vie sans risque n'existe pas.

Tout comme le génie nucléaire il y a un potentiel très inquiétant.

D.T. : - Il est possible avec cette technique de construire un organisme très pathogène, mais nous avons la législation pour éviter cela. Tout comme il y a une possibilité de détruire le monde avec l'énergie nucléaire et tant d'autres possibilités. Mais nous avons une législation pour prévenir ce genre de chose et notre bon sens. Qui aurait intérêt à produire une telle catastrophe ou un tel individu? Personne, juste dans les James Bond. C'est aussi peu réaliste de dire que le génie génétique va résoudre tous nos problèmes. Juste un outil très utile.

Pour le moment, la prudence est de rigueur. Les fabricants se sont limités à quelques plantes commercialisées et les législations veillent. En ce qui concerne la consommation de ces produits, la société se trouve dans "une drôle de situation". Le public est informé des progrès de la biotechnologie grâce à la publicité.
En Angleterre, 100 - 200 O.G.M. sont étiquetés dans les supermarchés. En Hollande, il y a environ 200 produits étiquetés.

Malgré une publicité négative au sujet de ces produits, leur vente n'a subi aucune baisse. Comme il nous l'a expliqué en nous citant un exemple:

D.T. : - Tout le monde dit que c'est parce que le consommateur ne lit pas l'étiquette, mais nous avons l'expérience en France: nous avons introduit un produit, un cannelloni, contenant des protéines de soja provenant de soja GM, et au même moment on avait la conférence des citoyens en France et les Findus Cannellonis ont été traités sur la TV française, dans tous les journaux français nationaux et régionaux. et tout le monde l'a vu. Néanmoins on l'a acheté.

Ils développent des produits, mais en fin de compte, seul le consommateur décide et des futurs produits et de leurs avenirs.

D.T.: - Nous ne sommes pas comme Greenpeace voudrait bien le faire croire. Nous ne pouvons pas forcer les gens à manger un produits qu'ils ne veulent pas. (…) Nous utiliserons les nouveaux produits créés que si ils répondent à une attente des consommateurs.
Nous pouvons en outre espérer une baisse des prix de ces matières premières dans 5 à 6 ans grâce au meilleur rendement des cultures. Cette diminution ne se verra pas sur tout les produits. Par exemple le chocolat, quand le prix du soja aura baissé, le prix du chocolat ne baissera presque pas puisqu'il y a 0,2 à 0,3 ‰ de lécithine dans ce produit.
Nestlé est une entreprise qui n'utilise produits génétiquement modifiés que s'ils sont acceptés par le consommateur. Elle utilise les dérivés de soja et de maïs transgénique où l'on a transformé un seul gène.

Inter : - Les importations de plantes O.G.M. en Suisse doivent comporter des difficultés, car les plantes sont brassées et toutes dans le même bateau, n'est-ce pas?

D.T. : - On ramasse tous les sojas, tous les maïs dans deux ou trois ports aux Etats-Unis et ils sont transportés dans d'immenses navires (70'000 à 80'000 tonnes) pour en extraire l'huile, produire les protéines du soja ou la lécithine. C'est fait en Europe pour le plus grand pourcentage. Il est possible d'avoir une certaine séparation, mais pas 100%. Et maintenant on a en Suisse une proposition de législation qui autorise un seuil de 1%. Ca veut dire qu'on a un pour cent de soja GM, on considère ce soja comme non GMO. (...)

Inter : - Et vous arrivez à garantir les un pour cent ?

D.T.: - C'est pas nous qui les garantissons, c'est les fournisseurs.

Inter : - Est-ce que vous faites des tests pour vérifier ce pourcentage ?

D.T.: - Oui. (...) Comme pour tous les autres aspects de qualités de nos produits.

Il nous a montré aussi à quel point l'idée que l'on bouleverse la nature avec cette technique est dépassée, on a bouleversé la nature depuis longtemps.

D.T. : - Qu'est-ce que la nature aujourd'hui? Dans nos régions, je vois du maïs, du chanvre, du soja, des forêts "artificielles" (plantées). La nature, c'est le fait de toutes les actions humaines sur la nature, ce n'est pas la nature dont on rêve. C'est une utopie, mais pas pour tout le monde. Mais la conception de la nature comme quelque chose qu'on a pas touché, ça n'existe plus, au moins pas dans nos régions.

Où doivent s'arrêter ces manipulations ? Où sont passées les législations ? Sommes-nous capables d'avoir une législation universelle (accord entre tous les pays) ? Y aura-t-il des tentatives de créations d'individus très pathogènes ? Mais il faut reconnaître que son exposé montrait bien les problématiques (avantages/dangers) de cette technique d'un point de vue assez rationnel.

Article révisé par Evelyne Meier (Nestlé, 17 mai 99 )

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