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L’histoire de la Médecine.

  • 2000 av. J.C.: Tiens, mange cette racine
  • 1000 ap. J.C: Se soigner avec des racines est païen. Tiens, dis cette prière.
  • 1850: Cette prière est une superstition. Tiens, bois cette potion.
  • 1920: Cette potion est un remède de charlatan. Tiens, avale cette pilule.
  • 1945: La pilule est inefficace. Tiens, prends cette pénicilline.
  • 1955: Ouups, les bactéries ont muté. Tiens, prends cette tetracycline.
  • 1960-1999: 39 Ouups plus tard...Tiens, prends cet antibiotique plus puissant.
  • 2000: Les bactéries ont gagné! Tiens, mange cette racine!

Anonyme

Remarque : ceci est un travail de maturité = baccalauréat.
Il n'a pas de caution scientifique, médicale ou autre, et, bien que cet élève ait fait un travail qui a été accepté dans le contexte scolaire, il ne peut prétendre être une source fiable d'informations !

La course de vitesse entre les antibiotiques et les bactéries pathogènes résistantes : analyse et discussion de quelques pistes.

Fabrice Darbellay Classe 406

Collège Calvin Travail de Maturité Septembre 2005


Table des Matières :

Introduction

Review :

  • Glossaire
  • La découverte du premier antibiotique : La Pénicilline
  • Découverte de nouvelles familles d’antibiotiques dans les années 1950
  • Fonctionnement des antibiotiques
  • Les moyens de défense des bactéries
  • Comment une bactérie devient résistante

Problématique :

  • L’âge d’or des antibiotiques et l’apparition des premières résistances
  • Les résistances, un problème inévitable ?
  • Analyse du Problème :
  • Facteurs de sélection et de transmission
  • L’Allemagne et la France, deux visions opposées des antibiotiques
  • et deux situations médicales différentes
  • La recherche de nouveaux antibiotiques : un investissement lourd et peu rentable

Solutions :

  • La recherche
  • La limitation de l’utilisation des produits antibiotiques et les progrès de l’hygiène
  • Des solutions alternatives à l’emploi d’antibiotiques

Conclusions

Remerciements

Bibliographie et Iconographie

Annexes

Résumé

Les substances antibiotiques (synthétisées par divers micro-organismes, tels que les champignons ou les levures) et les bactéries se livrent une véritable course à mort depuis des millions d'années. La découverte de l'incroyable potentiel de ces substances antibactériennes, effectué dans les années 1920, déboucha, après quelques années d'un incroyable travail de la part de nombreux biochimistes et pathologues, à la création du premier antibiotique, la pénicilline. Depuis lors, ces fabuleux médicaments n'ont cessé d'évoluer, de se perfectionner, et d'être également largement utilisé, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire.

Toutefois, et cela dès les premières années d'utilisation massive de ces produits, des espèces bactéries ont su développer des résistances à ces antibiotiques.

L'acclimatation de ces bactéries étant inévitable car due aux diverses mutations de ces dernières, nous ne pouvons dès lors plus que nous pencher sur l'unique facteur influençable par l'homme, la vitesse à laquelle ces bactéries deviennent résistantes. 

Les pistes sont diverses et variées, et l’enjeu de taille.


Introduction

Le système médical actuel se résume bien souvent, pour un grand nombre de personnes à une simple consultation chez le médecin lorsque l’on ne se sent pas bien, lorsque certains symptômes évidents de maladies apparaissent. La consultation est bien souvent suivie d’une ordonnance, prescrite par le médecin, permettant au patient de se procurer des médicaments, qui vont le guérir, vaincre la maladie qui s’est installée dans son organisme.

Or, l’archétype même du médicament prescrit pour guérir un malade de manière sûre et complète est l’antibiotique.

Les antibiotiques, un terme général pour définir tout un groupe de familles de médicaments qui ont littéralement révolutionné la médecine à partir des années 1940. Produits miraculeux, tant par leur incroyable découverte que par leur formidable puissance. Cette image est pour une série de génération de personnes synonyme bien souvent de guérison quasi « instantanée » et porteuse d’un espoir immense, né dans les années 1950-1970, en plein cœur des « trente glorieuses », celui de faire disparaître « à tout jamais » les bactéries responsables des maladies infectieuses.

Force est toutefois de remarquer que depuis une vingtaine d’années ces médicaments ont perdu une bonne partie de leur formidable efficacité et que de nombreuses familles d’antibiotiques sont désormais inutiles.

Et si, à l’heure actuelle, l’utopie d’un monde sans maladies infectieuses, et donc sans bactéries pathogènes, n’est plus d’actualité, il est absolument nécessaire que nous disposions d’antibiotiques efficaces contre les bactéries mutantes, résistantes.

C’est en me basant sur cette constatation et sur un grand intérêt personnel pour la biologie moléculaire et pour l’histoire du développement des médicaments que j’ai décidé, durant l’automne 2004, d’axer mon travail de maturité sur ce passionnant sujet.

Après de nombreuses hésitations et avec l’aide de M. F. Lombard, professeur qui m’a accompagné tout au long de ce travail, j’ai réussi à déterminer progressivement la problématique de mon travail.

J’ai pu voir de mes propres yeux, dès le début de ma recherche, les différentes approches qui séparent bien souvent médecins traitants et biochimistes autour d’une même question, les uns cherchant avant tout à guérir un patient à l’aide d’un antibiotique ou en s’assurant du dosage adéquat et des éventuelles contre-indications, les autres s’intéressant davantage au fonctionnement biologique du produit, à l’isolation et à la purification de la molécule antibiotique.

Ayant pris rapidement conscience que ces deux approches étaient nécessaires à mon travail, j’ai décidé tout d’abord de présenter brièvement l’histoire des antibiotiques, depuis la découverte de la pénicilline en 1928 jusqu’à nos jours, afin d’introduire progressivement la problématique des résistances avant de plonger dans une approche « biologique » du problème.

C’est ensuite à l’aide d’articles et de communiqués de médecins, de chercheurs ou d’offices internationaux que j’ai pu découvrir les différentes causes et solutions du problème. J’ai également pu aller directement recueillir des informations auprès d’un infectiologue aux HUG, avant de me forger progressivement un avis personnel sur les solutions à mettre en œuvre pour que les antibiotiques gardent le maximum de leur incroyable efficacité.

Review

Glossaire

Avant de nous pencher sur la problématique de mon travail de maturité, nous allons définir quelques termes techniques et nous intéresser à l’histoire des antibiotiques.

La découverte du premier antibiotique : la pénicilline

La première personne à avoir isolé une substance « antibiotique » et à en avoir étudié en détail le fonctionnement est le médecin écossais Sir Alexander Fleming (1881-1955), cf. figure 1. C’est en septembre 1928 que, de retour de vacances, Fleming remarque sur une boîte de pétri, où il avait mis en culture des Staphylococcus aureus, une moisissure qui dégrade les staphylocoques. La légende voudrait que ces champignons soient arrivés dans la boîte à pétri par le soupirail d’aération de la cave servant de laboratoire à Fleming.

Il baptise ce champignon Penicillium notatum et essaie, sans grand succès, d’injecter le substrat de Penicillium, qu’il soupçonne alors d’avoir des propriétés antibactériennes, à des malades atteints d’infection aux staphylocoques. Toutefois, les résultats sont maigres. En effet, ce substrat, appelé plus tard « pénicilline » est extrêmement instable et est vite inactivé par le système immunitaire.

Il faudra dès lors attendre 1936 pour que le professeur de pathologie australien Howard W. Florey (cf. figure 1), avec l’aide de 2 bactériologistes et d’un biochimiste, dont Ernst Boris Chain, se lance dans une exceptionnelle aventure : la purification de la pénicilline.

En mai 1940, alors que la 2ème guerre mondiale fait rage en Europe, Florey injecte une dose mortelle de streptocoques à 8 souris, en traite 4 à la pénicilline et laisse les 4 autres jouer leur rôle de témoins. Au bout de 10 heures, les 4 souris traitées à la pénicilline sont guéries, les 4 autres mortes.

Figure 1: Sir A. Fleming, Ernst B. Chain et Sir Howard W. Florey

C’est ensuite aux Etats-Unis qu’est lancée la production « industrielle » de la pénicilline, à partir d’une nouvelle souche, découverte sur un vieux melon, capable de produire jusqu’à 200 fois plus de pénicilline que la souche isolée par Fleming. La pénicilline est donc le premier antibiotique et, dès la fin de la 2ème guerre mondiale, les découvertes d’autres antibiotiques vont s’enchaîner, de même que la synthèse artificielle de nombreuses souches, afin d’augmenter la production.

On découvrit par exemple que le type de pénicilline obtenu variait selon le milieu de culture des Penicillium. Et, en 1957, le noyau des pénicillines fut isolé, permettant ainsi une production de pénicilline « semi-synthétique ».

Découverte de nouvelles familles d’antibiotiques dans les années 1950

Parallèlement aux Pénicillines, les Céphalosporines, issues du champignon Cephalosporium acremonium isolé en 1945, se développèrent également à grande vitesse. C’est en 1948 que fut isolée la chlortétracycline de Streptomyces aureofaciens. Après avoir subi différentes opérations chimiques, la chlortétracycline devint tétracycline et fut employée dès les années 1955.

Quelques années plus tard, de nouvelles souches de Streptomyces furent remarquées et les Tétracyclines devinrent une famille d’antibiotiques largement répandue dans le monde médical et vétérinaire. En effet, le spectre d’action des tétracyclines était très large et les effets indésirables sur l’homme étaient relativement rares et bénins. Ayant, à peu de chose près, le même mode d’action que les tétracyclines, les macrolides, issues du champignon Streptomyces erythreus isolé en 1952, seront dès lors employées chez des sujets souffrant d’allergie aux pénicillines ou pour lesquels un traitement aux tétracyclines n’était pas indiqué.

C’est toujours au milieu des années 1950 que fut découverte, avec le germe Streptomyces orientalis, une substance extrêmement bactéricide, spécialement sur les souches de staphylocoques. A l’époque, la vancomycine fut toutefois laissée de côté, tant elle était « antibiotique », voire corrosive.

Il ne faut pas oublier que, par application de l’étymologie, une substance strictement antibiotique s’en prendra autant à nos propres cellules eucaryotes qu’aux cellules procaryotes (les bactéries pathogènes, bien sûr, mais également toutes les bactéries qui composent notre flore intestinale). Ainsi, l’hypochlorite de soude, appelé plus couramment « eau de javel », ferait, de par ses capacités corrosives, un excellent antibiotique. Il n’est toutefois pas recommandé de s’auto-administrer de « l’eau de javel » pour la simple raison que l’hypochlorite de soude détruirait, en effet, les bactéries pathogènes mais également nos propres cellules. Il est donc important de différencier antibiotiques et produits corrosifs, et toute la difficulté de la mise au point d’un produit antibiotique réside justement dans cette combinaison entre un fort pouvoir bactéricide ou bactériostatique et une faible toxicité pour les cellules eucaryotes qui composent notre corps. Cette même vancomycine, considérée dans les années 1950 comme trop « antibiotique » est aujourd’hui employée en milieu hospitalier comme arme de dernier recours contre certaines infections, causées par des bactéries devenues insensibles, résistantes, aux autres familles d’antibiotiques.

Fonctionnement des antibiotiques

A ce stade du travail, il me paraît important de définir et d’expliquer brièvement le fonctionnement biologique des antibiotiques. Ces derniers peuvent être classifiés en 3 grandes familles, selon leurs cibles respectives. Ainsi, on différencie les antibiotiques s’attaquant à la biosynthèse de la paroi cellulaire bactérienne de ceux qui s’en prennent à la synthèse des protéines dans les ribosomes et de ceux qui, finalement, empêchent la réplication et la réparation de l’ADN. La classification proposée dans le tableau 1 tient également compte des différents mécanismes de résistances que sont capables de développer les bactéries.

Tableau 1: Cibles, modes d’action et mécanismes de résistances des différentes classes d’antibiotiques. Dans la colonne de gauche, les types d’antibiotiques classés en trois groupes selon la localisation des cibles (paroi cellulaire, synthèse des protéines, réplication et réparation de l’ADN), dans la seconde colonne, les cibles (PBP, terminaison d’un peptidoglycane) dans la troisième colonne, les modes d’actions (blocage des enzymes assurant les liaisons entre les peptidoglycanes, isolation du substrat nécessaire aux liaisons des parois cellulaires, blocage de la synthèse des protéines ou de la réplication de l’ADN) et dans la dernière colonne, les mécanismes de résistance développés par certaines bactéries (PBP mutants, reprogrammation de la terminaison d’un peptidoglycane, modification par le biais d’un enzyme de l’antibiotique ou pompage des molécules antibiotiques hors de la paroi.)

Les antibiotiques tels que les pénicillines et les céphalosporines s’attaquent à la paroi cellulaire des bactéries et plus précisément, dans le cas des pénicillines, aux peptidoglycanes situés dans le périplasme. Ces peptidoglycanes sont des complexes de protéines et d’oligosaccharides reliant la membrane plasmique à la membrane externe. Les bactéries Gram positives sont dépourvues de membrane externe et la configuration des peptidoglycanes est donc différente. C’est la raison pour laquelle les pénicillines et les céphalosporines n’agissent pas sur les bactéries de Gram positives. Les peptidoglycanes donnent la rigidité à la structure de l’enveloppe bactérienne. Ils sont constitués d’une chaîne de disaccharides, l’acide N-acétylglucosamine-N-acétylmuramique, reliée par une liaison de covalence aux peptides. Ces chaînes vont alors se lier entre elle, afin d’assurer une meilleure rigidité à l’ensemble. Cette liaison est assurée par une protéine, produite par une enzyme, la « transpeptidase», qui va être la cible des pénicillines qui vont l’inactiver (cf. Figure n°2, ou, pour plus d’informations, Annexe II).

La disparition des liaisons entre les chaînes de peptidoglycanes va affaiblir la rigidité et la résistance de la paroi à la pression interne osmotique de la bactérie (de l’ordre de 5 à 20 atmosphères), et cette dernière va finir par « exploser ».

Figure 2 (notée 1 ci-dessus) : Les différentes étapes du blocage de la « transpeptidation » et de la « transglycosylation » dans la paroi cellulaire par les pénicillines et les vancomycines. En a, l’interruption des liaisons qui assurent la rigidité à la paroi cellulaire est due soit à l’inhibition de l’enzyme (par les pénicillines), soit à l’isolation du substrat (vancomycines). En b, l’inhibition de l’activité de la « transpeptidase » par des pénicillines, qui vont lentement transformer l’enzyme de base, la « transpeptidase », en Penicilloyl-O-Tpase, empêchant ainsi la liaison entre les peptidoglycanes.

Les principaux moyens de défense développés par les bactéries

Dès l’apparition des premiers antibiotiques, les bactéries ont su développer différents moyens pour combattre les antibiotiques. On dénombre quatre principales « stratégies ».

La première consiste simplement à reprogrammer la structure moléculaire d’une cible d’un antibiotique, rendant ainsi l’affinité entre la cible et le produit beaucoup plus faible. Une autre stratégie consiste, pour Peter M. Hawkey5 à « produire des protéines servant de leurres, ayant une structure atomique proche d’une protéine cible mais étant insensible à l’action d’un antibiotique. » (cf. figure 3, « Altered target site » et « Bypass pathways »)

C'est par exemple, le cas du Staphylococcus aureus qui modifie ses PBP, protéines cibles des antibiotiques de la famille des β-lactamines, mais également de la Méticilline, ayant pour conséquence le tristement connu MRSA (Methicillin Resistant Staphylococcus Aureus) et obligeant ainsi de plus en plus fréquemment les médecins à prescrire de la Vancomycine. Une autre stratégie consiste, selon Christopher Walsh2, à inactiver l’antibiotique par une sécrétion d’enzymes. C’est là l’exemple type d’une bactérie Gram négative, produisant une enzyme, la pénicillinase, laquelle va hydrolyser la molécule de la structure de base des β-lactamines, et la rendre ainsi inactive. Enfin, la dernière méthode consiste à produire des protéines qui vont rejeter, pomper, l’antibiotique hors de la bactérie.

Figure 3 : Les 4 principales stratégies de défense des bactéries. En haut à gauche, la bactérie empêche la fixation de la molécule sur les sites cibles par une reprogrammation de ces derniers. En haut à droite, la bactérie résistante empêche l’antibiotique de pénétrer dans la paroi ou développe un système de pompes pour éviter la concentration du produit en elle. En bas à droite, lors de l’apparition des molécules antibiotiques, la bactérie produit des enzymes qui modifient et inactivent les substances antibiotiques. Enfin, en bas à gauche, la dernière stratégie consiste à développer des leurres, en tout point semblables aux cibles de l’antibiotique. Lorsque la molécule vient se fixer sur le leurre, il ne se produit aucun effet négatif sur la bactérie.

Comment une bactérie devient résistante

Si les stratégies développées par les bactéries peuvent être résumées en quatre principaux modules, il en va de même au niveau des différents moyens d’acquisitions et de transmissions des gènes. Comme nous le montre l’image n°4, une bactérie peut devenir résistante de 4 principales manières différentes. Une forme de bactérie résistante peut apparaître spontanément, suite à une mutation de son ADN, il s’agit là de l’étape n°1 de l’image n°4. La seconde méthode est dite de « transformation ». La bactérie absorbe un fragment d’ADN d’une autre bactérie et l’intègre à son propre code génétique. Ce fragment d’ADN peut parvenir directement des chromosomes d’une bactérie morte ou il peut être transmis par le biais des plasmides, molécules d’ADN extra-chormosomique, capables de se transmettre entre bactéries et de se répliquer en utilisant le système de la bactérie à qui le plasmide s’est connecté. Si le fragment contient un gène de résistance, si la bactérie l’intègre à son propre code génétique et si la bactérie est capable d’appliquer le gène, elle devient alors à son tour résistante. La troisième méthode est dite de conjugaison et consiste en un échange de chromosomes entre deux bactéries vivantes par simple contact. Il va de soi que si les chromosomes échangés contiennent des gènes de résistance, la bactérie acquiert alors une résistance. Enfin, la quatrième méthode est celle de transduction. Elle réside simplement en la transmission d’ADN entre bactéries par le biais de virus qui, en infectant les bactéries, peuvent transmettre un gêne de résistance.

Figure 4 : Comment une bactérie devient résistante. En bas à gauche, la mutation de la bactérie. En haut à gauche, la transformation de la bactérie grâce à l’intégration d’un gène résistant venant d’une bactérie morte ou d’un plasmide d’une bactérie voisine. En haut à droite, la méthode de la conjugaison qui réside en l’échange de gènes par contact et, enfin, en bas à droite, la transduction qui repose sur la transmission de gènes par le biais de virus qui s’en prennent aux virus.

Problématique

L’âge d’or des antibiotiques et l’apparition des premières résistances

Les bénéfices des antibiotiques, pour une personne n’ayant pas vécu dans la première moitié du XXème siècle, sont inimaginables, comme le remarque d’ailleurs Mitchell L. Cohen6 : « aux USA, le pourcentage de morts dues aux maladies infectieuses a décliné de 8.2% par an, entre 1938 et 1952 (…) et entre 1900 et 1980 [toujours aux USA] le taux de mortalité des maladies infectieuses a chuté de 797 à 36 pour 100'000 cas. » ; mais les effets d’une utilisation aussi fréquente, peu réglementée et quasi systématique, des antibiotiques n’allaient pas tarder à se faire sentir.

Ainsi, dès les années 1947, les premiers cas de résistances acquises au traitement à la pénicilline d’infections aux staphylocoques furent remarqués, et Fleming lui-même mit en garde les générations futures d’une utilisation abusive et inadéquate de ces formidables armes chimiques.

Toutefois, dans les années 1950, le nombre incroyable de nouveaux antibiotiques isolés et produits par l’industrie pharmaceutique fit passer ces avis de prudence en arrière plan. En effet, comme le fait remarquer Peter M. Hawkey5 « Même les bactéries les plus résistantes peuvent être inhibées ou détruites par des doses suffisamment élevées d’antibiotiques. Toutefois, ces doses sont bien trop élevées pour être supportées par l’organisme du patient. »

Martin Leeb7 résume parfaitement l’opinion publique des années 1960 ; « la bataille contre les infections bactériennes était considérée comme gagnée, du moins dans les pays développés. A l’époque de Woodstock, les antibiotiques traitaient des infections mortelles en quelques jours. Les coupures infectées ou la nourriture empoisonnée ne représentaient plus un danger. Les maladies telles que la syphilis et la gonorrhée semblaient en voie d’éradication et les vieux fléaux comme la peste et le choléra paraissaient devoir être contrôlés d’ici à peu. »

Et les exemples de cet optimisme sont nombreux. Mitchell L. Cohen6 nous rapporte que le général chirurgien William H. Stewart, s’adressant au Congrès des Etats-Unis en 1969, déclare qu’il est temps de « fermer le livre des maladies infectieuses. »

Toutefois, si le grand public sembla longtemps se contenter de cette utopie, le monde de la recherche médicale a rapidement déchanté. Si les premières résistances acquises se remarquèrent chez les Staphylococcus dès 1947, soit deux ans après l’introduction de la pénicilline, ces phénomènes de résistances ne firent pas grande impression à l’époque. En effet, il suffisait alors d’augmenter légèrement la dose pour que les bactéries soient inhibées ou tuées. De plus, les découvertes battaient leur plein et l’apparition de nouveaux antibiotiques était quasi « perpétuelle ». On pouvait ainsi soigner un patient atteint d’une infection avec un autre antibiotique pour que la bactérie résistante soit vaincue. Aujourd’hui, la situation est grave. Les exemples frappants ne manquent pas. En 1987, on remarque, pour la première fois, des bactéries résistantes à la vancomycine, considérée jusque là comme l’arme antibiotique absolue.

En Europe, c’est principalement le MRSA (Méthicillin Resistant Staphylococcus aureus en anglais, soit Staphylococcus aureus résistant à la Méticilline en français) qui représente un réel danger, de par son abondante répartition dans les hôpitaux. Ainsi en France, « plus d’un staphylocoque sur trois est résistant à la Méticilline »7. Ailleurs en Europe, la situation est tout aussi grave. Ainsi en Grande Bretagne, en Irlande ou en Italie le taux de Staphylocoques résistant à la Méticilline atteint les 36 à 50%. Et la découverte, en 1997, de certaines souches de ce fameux Staphylococcus aureus résistant à la Vancomycine fit perdre l’espoir, selon Martin Leeb8, « de garder la vancomycine comme ultime arme contre les infections nosocomiales ». En 1999, aux USA, le premier cas de résistance totale aux 12 grandes familles d’antibiotiques est remarqué. La situation est particulièrement grave dans les hôpitaux nord-américains, où, selon la Food and Drug Administration, 20% des cas d’infections nosocomiales, sont dues à des bactéries multi-résistantes.8

Tableau 2 : progression en % des infections dues à des bactéries résistantes à la Méticilline et à la Vancomycine dans les hôpitaux US ( Méticilline : graphe de gauche, Vancomycine : graphe de droite)

Les résistances, un problème inévitable ?

L’adaptation d’une bactérie à un antibiotique est, pour Christopher Walsh2, « inévitable, étant donné le grand nombre de bactéries présentes lors du cycle d’une infection, la période de génération très courte et le taux intrinsèque de mutations de 1 pour 10, un groupe de 10 bactéries peut avoir en moyenne 1000 variantes. Si l’une de ces mutations confère à la bactérie une résistance à un antibiotique, le nombre de bactéries mutantes va alors croître et elles vont progressivement prendre la place de celles sensibles à l’antibiotique et devenir ainsi la variante dominante de la population bactérienne. »

Ainsi, pour Christopher Walsh2, la question principale réside dans le temps d’adaptation nécessaire à la bactérie pour devenir résistante. En effet, « avec n’importe quels nouveaux antibiotiques utilisés, on sélectionne des bactéries résistantes qui survivent et se multiplient (…), le cycle des résistances est inévitable. »

Il est donc nécessaire de gérer au mieux la « durée de vie » des antibiotiques, sachant que les résistances à ces derniers sont inévitables.

Il est donc nécessaire, à ce stade du travail, après avoir passé en revue sans trop entrer dans les détails les interactions biologiques entre les molécules « antibiotiques » et les bactéries, d’avoir bien en tête le fait que les résistances sont inévitables, car dues à la Vie et à l’évolution constante des êtres dit « vivants ». La lutte acharnée entre substances antibiotiques produites par certains micro-organismes et les bactéries dure depuis des milliers d’années.

Ainsi, la principale question des problèmes de résistances réside dans la durée de la période de « sélection » des bactéries résistantes et dans la transmission, principalement, à l’heure actuelle, dans le milieu hospitalier, de bactéries résistantes.

Analyse du problème

Les avis des chercheurs et des médecins, travaillant en milieu hospitalier ou dans les organisations internationales, en ville ou en campagne, convergent quasiment tous vers le même constat. Ayant admis qu’à long, voire moyen terme, chaque bactérie est capable de devenir résistante à un type, à une famille d’antibiotiques, voire même à toutes les familles, il faut alors se donner les moyens de faire face aux bactéries pathogènes en ayant constamment un « tour d’avance » sur ces dernières. Cette notion de « tour d’avance » peut être influencée par une grande quantité de facteurs, mais également par le développement continuel de nouveaux moyens de lutte.

Or, actuellement, et cela depuis une trentaine d’années, les « nouveaux » moyens manquent. Chercheurs, médecins et organisations internationales s’accordent à dénoncer le manque de nouveaux agents antimicrobiens.

Un communiqué de l’OMS10 résume bien ce fait : « Dans le passé, la médecine et la science pouvaient anticiper ce phénomène naturel [les résistances] en découvrant de nouvelles classes puissantes d’antimicrobiens. Cette évolution a été florissante de 1930 à 1970, puis s’est ralentie pour arriver virtuellement au point mort, en partie à cause de la certitude erronée que les maladies infectieuses avaient été vaincues, du moins dans le monde industriel. »

Pour Christopher Walsh2, l’inévitable développement de résistance doit, forcément, entraîner le développement de nouveaux antibiotiques ou, plus simplement, le développement de variantes d’une molécule antibiotique. C’est ce qui s’est passé dès l’apparition des premières résistances aux β-lactamines, c’est également ce qui s’est passé durant l’âge d’or des antibiotiques, jusqu’à ce que, durant les années 1970, on déclare, avec un triomphalisme prématuré, que « la guerre aux bactéries pathogènes » était gagnée.

Facteurs de sélection et de transmission

Pourtant, les facteurs de sélection des bactéries résistantes et de transmission de ces dernières n’ont, eux, cessé de croître. Ils sont aussi diversifiés que nombreux mais, selon bon nombre de spécialistes, tant médecins que chercheurs, ils se regroupent majoritairement autour d’un thème principal : l’utilisation abusive et déplacée d’agents antibiotiques.

L’OMS évoque également certaines « tendances » propres à faciliter le développement des gênes résistants, que nous appellerons « facteurs de sélections ». L’urbanisation, et donc le rapprochement des populations, combinée à de mauvaises conditions d’assainissement, mais également la pollution et la détérioration de l’environnement, le développement du commerce mondial et des nombreux voyages intercontinentaux sont également pointés du doigt. Toutefois, au final, l’OMS reconnaît que « l’émergence et la propagation de la résistance aux antimicrobiens sont des problèmes complexes dans lesquels interviennent de nombreux facteurs indépendants dont beaucoup sont en relation avec l’utilisation abusive des antimicrobiens et donc modifiables. »10

Pour certains, comme le docteur Harbarth11, infectiologue et chef de clinique aux HUG, le problème réside notamment dans le manque de techniques modernes de diagnostic des maladies infectieuses. Il rejoint ainsi pleinement l’avis de C. Nathan, qui affirme ne pas comprendre « le sens à donner à l’utilisation de technologies du XXIème siècle pour développer de nouveaux antibiotiques alors que le diagnostic des maladies infectieuses repose sur des méthodes du XIXème siècle. »

La médecine vétérinaire et les habitudes d’automédication sont également pointées du doigt.

En ce qui concerne l’utilisation d’antibiotiques en médecine vétérinaire, c’est, selon la commission européenne à la recherche12, « près de la moitié des antibiotiques consommés dans le monde qui sont utilisés pour soigner des animaux malades, comme accélérateurs de croissance pour le bétail ou pour détruire divers agents pathogènes dans les aliments. Cette médication continue – souvent à faible dose – se traduit par le développement d’une résistance des bactéries présentes chez les animaux d’élevages ou dans leur environnement. »

Le problème principal réside alors, à ce moment là « dans la probabilité d’un « saut » ou d’une transmission de gènes résistants entre bactéries résistantes pathogènes pour le bétail et bactéries pathogènes pour l’homme (…) Un tel « mélange » génétique aurait pour effet de voir rapidement décroître l’efficacité et la durée de vie de certains antibiotiques. »2

Pour Patrice Courvalin, « la contamination par l’alimentation est la première cause de développement de résistance aux antibiotiques chez l’être humain. »13

En ce qui concerne l’automédication, il est nécessaire d’avoir en tête le facteur psychologique dans l’emploi d’antibiotiques. La croyance, qui veut encore que les antibiotiques guérissent l’homme de toutes formes de maladies, rapidement et sûrement, est encore profondément ancrée dans l’imaginaire collectif. Ainsi, et plus particulièrement dans certaines régions du globe, où l’acquisition d’antibiotiques est relativement simple, s’est développée une habitude d’automédication. Il est évident que le fait de s’auto-administrer des antibiotiques, bien souvent sans aucun effet positif pour le patient, les doses et la durée de traitement étant « décidées » par le malade, participe activement à la sélection de bactéries résistantes. En effet, étant donné que le patient s’auto-administre des antibiotiques, la prise des ces médicaments sera bien souvent trop courte et le patient retombera malade quelques semaines plus tard, et risque alors de recourir à nouveau aux antibiotiques.

Ainsi, d’une mauvaise prescription d’antibiotiques en médecine humaine ou l’utilisation de ces mêmes médicaments comme complément alimentaire pour les animaux d’élevage découle une médication quasi continue, à dose relativement faible. Or, la sélection de bactéries résistantes est accélérée par ce genre de traitement. L’apport continu et à faible dose de molécule antibiotique permet aux bactéries mutantes de l’espèce visée par l’antibiotique possédant un gène de résistance de se reproduire et d’affiner leurs stratégies de résistance.

On observe dès lors assez rapidement une sorte de « spirale infernale ».

Hormis le facteur psychologique, le problème de l’automédication s’observe, comme le souligne le docteur Harbarth11 : « dans certaines régions du monde, comme en Asie, où la réputation d’un médecin dépend bien souvent du nombre de tests et de la quantité de médicaments prescrits et vendus par le praticien. Plus le médecin vendra de médicaments, plus sa clientèle sera satisfaite et plus le médecin gagnera de l’argent. Le praticien est en effet rarement payé pour l’auscultation du patient et une grande partie de son salaire dépend directement du nombre de médicaments, et bien souvent d’antibiotiques, prescrits. »

L’Allemagne et la France, deux visions opposées des antibiotiques et deux situations médicales différentes

Les surprenants résultats d’une enquête14, publiée en 2002, comparant l’utilisation des antibiotiques et du taux de pneumocoques résistants en Allemagne et en France, déterminent clairement les responsables d’une « sur-utilisation » comme étant des facteurs socioculturels et des facteurs économiques. Toujours est-il qu’en Allemagne, où la consommation d’antibiotiques est nettement plus faible qu’en France, les Allemands utilisant davantage des médecines alternatives, les taux de résistances sont nettement plus faibles. En France, 3ème plus gros consommateur de produits pharmaceutiques en 1997, où plus de 50% de personnes interviewées répondent oui à la question « les antibiotiques guérissent-ils de la grippe ? »4, les facteurs socioculturels mis en avant sont nombreux et variés. Ainsi, la scolarisation des jeunes enfants, de 3 à 5 ans, dans des écoles maternelles, pratique très répandue en France et touchant seulement moins d’un enfant sur dix en Allemagne, peut être responsable d’une partie de l’énorme consommation d’antibiotiques de la France, les écoles maternelles et autres crèches étant de véritables « nids » à bactéries. Le fait que plus de Françaises que d’Allemandes travaillent hors du foyer ou encore que les mères françaises allaitent moins leurs nourrissons que les mères allemandes peut également être pris en compte, mais ces facteurs socioculturels ne sont de loin pas seuls responsables de la situation actuelle.

C’est surtout au niveau des facteurs économiques que se joue la différence entre France et Allemagne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Si le prix d’un antibiotique est de 100 en France, il sera de 175 en Allemagne et de 162 au Royaume-Uni et, comparés aux prix américains, les antibiotiques coûtent 24.7% plus cher en Allemagne, et 32% moins cher en France »4.

La recherche de nouveaux antibiotiques : un investissement lourd, risqué et peu rentable

A ces facteurs socioculturels et économiques, favorisant l’utilisation d’agents antibiotiques, s’ajoute le fait que les compagnies pharmaceutiques se désintéressent de la recherche de nouvelles familles d’antibiotiques. Les recherches pour les traitements de maladies chroniques rapportent plus, le coût de développement d’un nouvel antibiotique étant très élevé ; Martin Leeb8, prenant pour référence les chiffres du Tufts Center for the Study of Drug Developement de Boston, indique un coût d’investissement de pas moins de 800 millions de $US, s’étalant sur une durée de 10 à 15 ans avant l’apparition du produit sur le marché et les premiers retours d’investissement. Il faut également savoir qu’aux USA, principal pôle de la recherche pharmaceutique, les frais pour obtenir un brevet sur un nouveau médicament sont énormes et les procédures de tests des nouveaux médicaments sont longues et coûteuses, afin d’éviter au maximum les risques d’effets secondaires, et les inévitables procès qui en découlent.

Tableau 3 : Nombre total de nouveaux agents antibactériens

Ce sont autant d’arguments qui ont poussé les compagnies pharmaceutiques, principalement américaines, mais vite suivies par les firmes européennes, à se pencher davantage sur les traitements de maladies chroniques, plus rentables, et à se désintéresser progressivement du développement de nouveaux agents antibiotiques.

Avantage pour certains médecins : les techniques de marketing des compagnies pharmaceutiques étant souvent assez agressives, un relatif désintérêt des industries pour les antibiotiques permet ainsi de mieux gérer la distribution des médicaments et d’éviter la saturation du marché ; fait alarmant pour d’autres qui prônent de nouvelles approches de recherche et de production d’agents antibactériens, dégagées de toutes pressions économiques.

Solutions

Face à la « course » engagée entre bactéries résistantes et traitement efficace, il s’ouvre à nous deux principales possibilités : on peut soit dynamiser, encourager la recherche et le développement de nouveaux antibiotiques, soit essayer de diminuer les facteurs de sélections des bactéries, et principalement l’utilisation abusive et déplacée d’antibiotiques.

La recherche

En ce qui concerne la solution de la recherche, c’est Carl Nathan15 qui nous en parle le mieux. Il faudrait ainsi nous intéresser : « plus seulement [qu’] à la synthèse des protéines, aux acides nucléiques, à la paroi cellulaire ou à l’acide folique uniquement car ils sont si performants. (…) La synthèse nous offre d’autres cibles. Les macromolécules comme l’ADN et les protéines ont des cycles de vie, et la synthèse ne doit pas être le seul point d’intervention ; la réparation et la dégradation sont également des points vulnérables. »

Un renouveau de la recherche serait donc nécessaire pour garder un tour d’avance face aux bactéries résistantes. Un exemple nous est donné par Mark Peplow16, qui s’intéresse avec son équipe aux plasmides, « ces petites bandes d’ADN séparée du génome de l’organisme et capable de se transmettre rapidement entre les bactéries sont responsable en grande partie de la dispersion des gènes résistants. »

Son équipe de chercheurs a découvert une molécule appelée Apramycin, qui imite un fragment de l’ARN de la bactérie et empêche la réplication des plasmides par la bactérie. La bactérie perd ainsi rapidement sa capacité de transmettre ses gènes résistants et la résistance tend alors à s’atténuer. Cette tactique pourrait être utilisée pour lutter contre les cas de multi-résistance, l’attrait de cette stratégie résidant dans son concept entièrement nouveau.

Pour Stephan Harbarth et Matthew H. Samoret, c’est également du côté de la mise au point de nouveaux vaccins que les espoirs se tournent. « Les vaccins permettent en effet de réduire le facteur de transmission de bactéries résistantes. Des résultats encourageants ont déjà été observés avec un vaccin permettant de lutter contre les pneumocoques résistants » et ces mêmes médecins1 prédisent « de nombreux autres vaccins contre la transmission de bactéries résistantes dans les 20 prochaines années, notamment en ce qui concerne les staphylocoques et les entérocoques multi-résistants. »14

Une autre vision, peut-être quelque peu utopique, se dégage également chez certains chercheurs, celle d’introduire des compagnies pharmaceutiques « not for profit ». Ce concept de firme est défini, par le même Carl Nathan15 comme pouvant être un moyen efficace de réunir recherche et développement pharmaceutiques.

Les compagnies de pharmacie industrielle, « encouragées par des subventions de l’état, pourraient donner des congés sabbatiques à leurs chercheurs pour qu’ils se relaient à tour de rôle au sein de cette institution [libre de contraintes économiques] »15. Un système avantageux de brevets pour les entreprises produisant des antibiotiques pourrait également être mis au point. En effet, bien souvent les ouvertures sur de nouvelles approches de recherche existent mais sont directement dépendantes des budgets alloués aux recherches de nouveaux produits antibiotiques.

La limitation de l’utilisation des produits antibiotiques et les progrès de l’hygiène

Nous pouvons alors nous tourner vers l’autre facette proposée, à savoir la limitation de l’utilisation abusive des agents antibiotiques, principale responsable de la sélection des bactéries résistantes. Sur ce point, une fois n’étant pas coutume, les avis des différents médecins et chercheurs en microbiologie convergent.

Une meilleure utilisation des antibiotiques passe bien souvent, comme nous le confirme le docteur Harbarth11, « par une meilleure formation des médecins dans le secteur du diagnostic des maladies infectieuses ».En effet, selon la commission européenne à la recherche11, c’est « environ 60% des antibiotiques qui sont prescrits [en médecine humaine] pour des infections de l’appareil respiratoire supérieur, même si, dans leur grande majorité, celles-ci sont provoquées par des virus. » Il est donc nécessaire de former de manière plus complète les médecins, mais également de leur développer des outils de diagnostic rapide, tant bien souvent la décision de prescrire ou non des antibiotiques doit être prise rapidement. Le test très répandu du prélèvement de muqueuses dans la gorge d’un patient afin de déterminer si ce dernier est positif aux streptocoques ou si son mal de gorge est dû à autre chose qu’ à une infection bactérienne est l’exemple sans doute le plus répandu de ce genre de tests. Une réduction de l’utilisation d’agents antibiotiques peut également être encouragée par des campagnes d’éducation, afin de réduire la demande d’antibiotiques de la part des patients. C’est par exemple le cas en France, où une importante campagne ayant comme slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique » comprenant spots télévisuels, affiches et publicités dans certains magasines a été lancée il y a quelques années.

On remarque la même chose aux USA, où une campagne porte principalement sur l’utilisation inutile d’antibiotiques en cas de grippe (« Snort. Sniffle. Sneeze. No Antibiotics Please. »). En Belgique, il a été décidé en 1997 de réduire au maximum « le remboursement des médicaments antibiotiques, en accordant le remboursement que sur certains antibiotiques bien précis et pour une durée brève »13. Au Chili, depuis 1999, « le gouvernement s’est doté de lois limitant au maximum l’automédication en rendant obligatoire l’ordonnance d’un médecin pour l’acquisition d’un antibiotique. Les résultats ne se sont pas fait attendre puisque les ventes d’antibiotiques par voie orale ont été réduites de 43% ! »14

Une plus grande hygiène et un plus grand contrôle de l’utilisation d’antibiotiques dans le milieu hospitalier pourraient également permettre de réduire les taux de bactéries résistantes, et bien entendu d’éviter par-là même un grand nombre de maladies nosocomiales. Ainsi, à Genève, aux HUG, en 1994, l’équipe du professeur Pittet, après avoir observé « qu’une infirmière de réanimation [suivant les recommandations en ce qui concerne le lavage des mains, soit un lavage d’une minute trente secondes à l’eau et au savon] passe la moitié de son temps devant le lavabo »7, met au point une solution à base d’alcool et lance une grande campagne de promotion. L’opération se répète dans le temps et « la consommation d’alcool passe de 4 litres pour 1000 journées d’hôpital à plus de 50 litres »7. Si l’opération est estimée à un coût « d’environ 3.20 francs suisses par patient hospitalisé »7, le résultat le plus frappant reste « que le taux d’infection nosocomiale chute de près de 50%. Ce coût est inférieur à 1% des coûts attribuables aux infections nosocomiales au sein de l’institution. »7 Actuellement, le « modèle de Genève a été suivi en Belgique, en Australie, aux Etats-Unis, en Chine, en Grande-Bretagne. »7

En ce qui concerne la réduction de l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire, et plus particulièrement au niveau de l’élevage, le Danemark a décidé de prendre le problème en main puisqu’en 1998, « le Danemark abandonnait l’usage systématique des antibiotiques dans l’élevage ; avec quatre ans de recul, l’OMS a dressé le bilan de cette expérience. L’utilisation d’antibiotiques a diminué de 54 % entre 1994 et 2001, et les résistances des bactéries ont elles aussi diminué : de 60-80 % à 5-35 % pour les entérocoques. Les rendements n’ont que très peu diminué, et le surcoût de production ne dépasse pas 1 %. »17

Des solutions alternatives à l’emploi d’antibiotiques

Depuis quelques temps déjà, certaines personnes s’emploient à contourner l’utilisation d’antibiotiques par l’emploi de médecines alternatives, dont l’homéopathie est l’un des exemples phares, et/ou par une prise de conscience de certains facteurs responsables de bon nombre de maladies liées à notre mode de vie actuel. Ces solutions alternatives existent et produisent des résultats, et même si certains décrètent de manière un peu trop rapide que ces solutions ne sont aucunement « scientifiques », il me semble nécessaire de présenter brièvement quelques pistes qui peuvent nous permettre d’éviter une prescription trop fréquente d’antibiotiques.

Tout d’abord, on remarque qu’un certain nombre de personnes pratiquant des médecines dites « alternatives » ne cherchent pas à guérir la personne malade d’une infection, au contraire du système médical occidental, mais à renforcer et à aider le système immunitaire du patient afin qu’il ne tombe pas malade. Il est évident que les antibiotiques doivent être prescrits lorsque l’infection est en cours de développement, mais il est toutefois aberrant de « prescrire de façon régulière et systématique un traitement antibiotique afin d’éviter toute complication. »13

En d’autres termes, il est nécessaire de garder les antibiotiques comme « arme » de dernier recours, et de ne surtout pas employer ces traitements à titre préventif. Le rôle de la prévention de la maladie peut alors simplement passer par un renforcement du système immunitaire, à l’aide de techniques diverses et variées.

Sans nous pencher trop sur ces remèdes préventifs bien souvent issus de médecines alternatives, d’autres solutions peuvent être mises au point pour aider à renforcer notre système immunitaire. Ainsi, pratiquer du sport, éviter les excès alimentaires ou encore ne pas fumer ; en résumé, respecter une certaine hygiène de vie permet à notre système immunitaire de se défendre plus efficacement en cas de colonisation par une bactérie pathogène.

Force est également de constater que bien souvent, le système immunitaire du patient est capable de lutter seul face à une infection, que l’emploi des antibiotiques n’est pas toujours obligatoire. Ainsi, lors d’une étude, « des patients victimes d’une otite d’origine bactérienne (environ 2/3 des cas d’otite), 80% des sujets de l’étude soignés avec des antibiotiques guérissaient sans problèmes, alors que 80% des autres cobayes, soignés avec un placebo, guérissaient tout seuls tout aussi rapidement. »13

Conclusion

A l’heure de conclure mon travail, la première observation qui m’a marqué, tout au long de celui-ci, est combien la question des bactéries résistantes est un problème mondial, dont bon nombre de solutions dépendent directement soit de la politique mondiale de santé soit d’habitudes propres à chaque personne amenée un jour à prendre des antibiotiques ou à chaque médecin amené à en prescrire.

On retiendra également qu’il est nécessaire de se rappeler que l’antibiotique parfait, l’arme absolue, n’existe pas et n’existera probablement jamais tant qu’il y aura de la vie sur Terre. Il se développera en effet toujours une espèce de bactérie mutante, résistante à un antibiotique aussi puissant qu’il puisse être. L’adaptation d’une bactérie à un antibiotique étant inévitable, nous devons alors nous résoudre à agir au niveau de la vitesse à laquelle une espèce de bactérie devient résistante à un antibiotique.

Pour cela il est, je pense, nécessaire d’accorder au maximum les politiques de santé publique. On pensera notamment à l’élaboration de normes plus strictes en ce qui concerne l’utilisation d’antibiotiques comme compléments alimentaires chez les animaux d’élevage, voire même à en interdire l’utilisation. Il va de soi que ce genre de décisions doit être pris au niveau mondial, le monde bactérien n’ayant absolument pas conscience de la notion de « frontière » politique. Il me semble également judicieux de favoriser le développement d’antibiotiques dans certains pays du Tiers-Monde, où les résistances ne se contentent pas de sévir en milieu hospitalier, en accordant certains avantages au niveau des brevets voire un certain soutien financier. S’il est, je pense, utopique de voir un jour se mettre en place des normes mondiales concernant la distribution, l’accès aux antibiotiques, il pourrait être souhaitable de rendre cet accès plus difficile, à un niveau national, en interdisant leur vente sans ordonnance. Couplé à certain nombre de campagnes d’éducation au niveau de l’utilisation des antibiotiques, l’individu prendrait peut-être plus conscience du geste, somme toute pas si anodin, qui consiste à prendre un antibiotique.

Il serait donc souhaitable qu’une majorité de personnes prennent conscience de ce problème et, pourquoi pas, se tournent alors d’avantage vers d’autres médecines pour éviter de tomber malade, et ainsi de consommer des antibiotiques.

Toutefois, la prise de conscience n’étant pas toujours le point fort de la nature humaine et la société actuelle ne l’encourageant pas toujours, je pense qu’il est prioritairement nécessaire de développer certaines méthodes rapides de diagnostic et de former les médecins à les employer, permettant ainsi d’éviter autant que possible la prescription de ce type de médicaments. Il va de soi que si les médecins pouvaient distinguer en deux heures une maladie infectieuse d’une maladie virale, la prescription d’antibiotiques chuterait radicalement, ces derniers n’étant plus utilisés comme « assurance tous risques ».

Il est également nécessaire de renforcer les barrières entre « prescripteurs » et « vendeurs » d’antibiotiques, d’autant plus lorsque l’on réalise que le marché mondial est estimé à 25 milliards de dollars. Toutefois, ce genre de décision est avant tout politique.

Sur un autre plan, les campagnes d’hygiène, telle celle menée aux HUG, basée sur une amélioration de l’hygiène des mains par le développement de solutions désinfectantes, permettent d’éviter, dans une certaine mesure, les transmissions de bactéries résistantes par le biais des maladies nosocomiales.

Parallèlement à ces mesures, il est nécessaire de continuer à développer de nouveaux antibiotiques, les bactéries continuant à se reproduire, à muter. De nouvelles approches sont nécessaires afin de pouvoir bénéficier, à nouveau, d’un précieux « tour » d’avance sur les bactéries pathogènes, mais c’est actuellement au niveau de la gestion de cette avance que réside le problème.

En conclusion, la solution aux problèmes des résistances aux antibiotiques tient donc dans une sorte d’alliage entre les recherches technologiques et la prise de conscience de la nécessité d’une utilisation correcte de ces médicaments tant de la part des patients que des médecins. Et finalement, pour que cette prise de conscience soit la plus efficace et la plus rapide possible, il est nécessaire que les pouvoirs politiques, si possible au niveau international, agissent sans tarder.

Sur un plan personnel, ce travail m’a offert l’opportunité de m’orienter professionnellement en rencontrant diverses personnes, en lisant un certain nombre d’articles scientifiques, et même en assistant à une conférence. J’ai pu mesurer la différence notable entre l’approche médicale et l’approche biologique du même problème, mais également leurs points communs. Les conclusions que j’ai tirées vont m’aider à m’orienter dans la suite de mes études.

J’ai également pu développer au fur et à mesure du travail une approche critique qui me permet maintenant, par exemple, de regretter le manque d’attention, voire l’ignorance de certains « scientifiques », tant médecins que chercheurs, envers certaines solutions issues de médecines « alternatives ». La lutte contre les maladies infectieuses devrait être justement l’occasion de concilier la médecine, la biologie et la biochimie « occidentale » avec des approches différentes et peut-être déclarées un peu promptement non « scientifiques ».

Remerciements

M. François Lombard, professeur de biologie au Collège Calvin et chargé de l’accompagnement de mon Travail de Maturité, pour sa précieuse aide, ses nombreux conseils et relectures.

M. Stephan Harbarth, chef de clinique au Service de prévention et contrôle de l’infection des HUG, pour l’interview qu’il m’a accordée et pour la documentation qu’il m’a fournie.

Mme May Tajeddin, médecin, pour sa nombreuse documentation et ses conseils.

Mes parents et ma marraine pour leurs nombreuses relectures et leur sens de l’orthographe.

Bibliographie

Texte de 1er de couverture : « L’histoire de la médecine », NATHAN Carl, « Anitbiotics at the crossroads », in Nature, 21 octobre 2004, n°431, p.899-902

1 GRUHIER Fabien, « Comment doper les antibiotiques », in Le Nouvel Observateur, n°2099, 27 janvier 2005, p.70

2 WALSH Christopher, « Molecular mechanisms that confer antibacterial drug resistance », in Nature, n° 406, 17.08.2000, p.775

3 LAROUSSE, Le petit Larousse de la médecine, Paris, Edition Larousse Bordas, 1997

4 ACAR Jacques et COURVALIN Patrice, « La fin de l’âge d’or des antibiotiques », in La Recherche, n°314, novembre 1998, p.51

5 HAWKEY Peter M., « The origins and molecular basis of antibiotic resistance », in BMJ, 5 septembre 1998, n° 317, p. 657-659

6 COHEN L. Mitchell, « Changing patterns of infectious diseas » in Nature, 17 août 2000, n° 406, p. 762-767

7 COISNE Sophie, « Les microbes se portent bien », in La Recherche, septembre 2005, n°389, p.36-39

8 LEEB Martin, « A shot in the arm » in Nature, 21 octobre 2004, n°431, p.892-893

9 CLARKE Tom, « Drug companies snub antibiotics », in News@nature.com, http://www.nature.com/news/2003/030915/pf/030915-6_pf.html, 13 janvier 2005

10 OMS, « Résistance aux antimicrobiens », in OMS, http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs194/fr/print.html, 18 février 2005

11 Entretien avec le docteur S. HARBARTH, chef de clinique au Service de prévention et contrôle de l’infection des HUG, 8 août 2005

12 COMISSION EUROPEENNE DE LA RECHERCHE, « La résistance aux antibiotiques, une menace grandissante», in CER, http://europa.eu.int/comm/research/leaflets/antibiotics/index_fr.html, 18 février 2005

13 COURVALIN Patrice, PITTET Didier et ZIRBS Brigitte, « Les antibiotiques, bientôt inefficace ? », Conférence à l’auditoire Louis-Jeantet, le 15 septembre 2005

14 HARBARTH Stephan, ALBRICH Werner et BRUN-BUISSON Christian, « Outpatient antibiotic use and prevalence of antibiotic-resistant Pneumococci in France and Germany : A sociocultural perspective », in Emerging Infectious Diseases, décembre 2002, Vol. 8, n°12, p.1460-1467

15 NATHAN Carl, « Anitbiotics at the crossroads », in Nature, 21 octobre 2004, n°431, p.899-902

16 PEPLOW Mark, « Antibiotics get new lease of life », in News@nature.com, http://www.nature.com/news/2004/041115/pf/041115-6_pf.html, 15 février 2005

17 LA RECHERCHE, « L’utilisation d’antibiotiques », in La Recherche, 1er novembre 2003

Iconographie

Figure 1 : « Sir Alexander Fleming, Ernst B. Chain et Sir Howard W. Florey »,

http://www.dmacgroup.com/Fleming%20Chain%20Florey2.jpg, 10 juillet 2005

Figure 2 : Les différentes étapes du blocage de la « transpeptidation » et de la « transglycosylation » dans la paroi cellulaire par les pénicillines et les vancomycines, selon Christopher WALSH, « Molecular mechanisms that confer antibacterial drug resistance », in Nature, 17 août 2000, n°406, p. 775-781

Figure 3 : Les 4 principales stratégies de défense des bactéries, selon Peter M. HAWKEY, « The origins and molecular basis of antibiotic resistance », in BMJ, 5 septembre 1998, n° 317, p. 657-659

Figure 4 : Comment une bactérie devient résistante, selon Sophie COISNE, « Les microbes se portent bien », in La Recherche, septembre 2005, n°389, p.38

Tableau 1 : Cibles, mode d’action et mécanismes de résistances des différentes classes d’antibiotiques, selon Christopher WALSH, « Molecular mechanisms that confer antibacterial drug resistance », in Nature, 17 août 2000, n°406, p. 775-781

Tableau 2 : Progression en % des infections dues à des bactéries résistantes à la Méticilline et à la Vancomycine dans les hôpitaux US, selon Martin LEEB, « A shot in the arm » in Nature, 21 octobre 2004, n°431, p.892-893

Tableau 3 : Nombre total de nouveaux agents antibactériens, selon Martin LEEB, « A shot in the arm » in Nature, 21 octobre 2004, n°431, p.892-893

Annexe I

Classification des familles d’antibiotiques, selon leur cible

A) La Paroi

1) BETALACTAMINES

- Pénicillines (G, M, A (Ampicilline) )

2) AUTRES BETALACTAMINES

- Céphalosporines

- Monobactams

3) GLYCOPEPTIDES

-Vancomycine

-Teicoplanine

B) Le Ribosome

4) AMINOSIDES

-Streptomycines

-Dibékacine

-Nétilmicine

5) LES M.L.S.

-Macrolides

-Lincosamides

-Synergistines

6) TETRACYCLINES

-Tétracycline

-Doxycycline

-Minocycline

C) L’ADN

7) QUINOLONES

-Acide nalidixique

-Acide pipémidique

8) FLUOROQUINOLONES

-Fluméquine

-Norfloxacine

-Enoxacine

-Levofloxacine

-Moxifloxacine

D) La Synthèse de l’acide folique

9) SULFAMIDES ET TRIMETHOPRIME

-Trimethoprimes et dérivés

- Sulfamides

Sources : http://www.odonte.com/articles/pharmaco/classificationantibio.htm,

22 septembre 2005

http://anne.decoster.free.fr/atb/atb.htm, 27 septembre 2005

Annexe II

Etapes principales de l’assemblage du peptidoglycane par les protéines-liant-pénicillines (PLPs ou PBPs)

Source : SCHORDERET Michel et collaborateurs, « Pharmacologie, des concepts fondamentaux aux applications thérapeutiques », Genève, édition Slatkine, 1998, p. 734

Les peptidoglycanes et l’action de la pénicilline

Schéma de la structure des chaînes de peptidoglycanes. Les sucres (polysaccharides) NAG et NAM (N-acétylglucosamine et N-acétylmuramique) sont respectivement aux extrémités et au centre. On peut observer les liaisons entre les tétrapeptides «AGLA» , et plus précisément entre les D-glutamines (L) et les D-alanines (A). Ces liaisons entre L et A sont dues à un peptide de pentaglycine, produit par une enzyme. La pénicilline possède une terminaison semblable à celle de NAM et de l’acide aminé AGLA. Elle va donc se lier avec l’enzyme responsable de cette liaison. La disparition des liaisons entre les chaînes de peptidoglycanes va affaiblir la rigidité et la résistance de la paroi bactérienne. La bactérie va alors finir par « exploser ».

Source : http://www.bioteach.ubc.ca/Biomedicine/antibiotics/, 27 septembre 2005

Annexe III

Entretien avec le docteur S. HARBARTH, chef de clinique au Service de prévention et contrôle de l’infection des HUG, 8 août 2005

Question : Quels sont, selon vous, les facteurs et les tendances favorisant le développement de bactéries résistantes aux HUG?

S. Harbarth : A l’hôpital, le principal facteur de sélection et de transmission de bactéries résistantes est le problème lié à l’hygiène du personnel médical. Nous avons constaté qu’une infirmière passerait autant de temps à intervenir sur des patients qu’à se laver les mains selon les normes « antibactériennes » ; nous avons donc développé une solution à base d’alcool pour faciliter le lavage des mains. L’hygiène reste le principal vecteur de transmission des infections nosocomiales, qui ne sont heureusement pas toujours dues à des bactéries résistantes.

Q. : Et en ce qui concerne le développement de bactéries résistantes en milieu extrahospitalier, que pensez-vous des nombreux facteurs mis en avant par l’OMS ; le commerce mondial et les voyages intercontinentaux, la pollution et l’urbanisation, une utilisation trop fréquente d’antibiotiques, notamment en médecine vétérinaire voire éventuellement le désintérêt des compagnies pharmaceutiques pour la recherche de nouveaux agents antibiotiques ?

S.H. : C’est principalement l’utilisation abusive des antibiotiques qui est responsable de la situation actuelle. Le relatif désintérêt de la part des compagnies pharmaceutiques pour le développement de nouveaux médicaments antibiotiques me paraît être une relative bonne chose. Un marché non-saturé de produit évite les campagnes de marketing pour tel ou tel produit et évite ainsi les inévitables pressions et les abus d’utilisations qui en découlent. Le problème se situe donc principalement dans la démarcation souvent pas assez claire entre prescription et vente. Ce problème se situe principalement en Asie, où bien souvent les médecins ont aussi le rôle de pharmacien et où la qualité du médecin concerné est bien souvent jugée par ses patients non pas sur la qualité de l’auscultation mais sur le nombre de médicaments prescrits. Son salaire dépend également bien souvent directement du nombre de ventes, d’où le besoin d’une véritable séparation entre prescripteurs et vendeurs.

Q. : Et quelles pourraient être les solutions à appliquer, soit en milieu hospitalier soit en milieu extrahospitalier pour essayer de limiter au maximum cette utilisation abusive d’antibiotique ? Je pense notamment, en ce qui concerne la prescription trop fréquente de ces médicaments, à cette phrase de C.Nathan : « Quel sens donner à l’utilisation de technologies du XXIème siècle pour développer de nouveaux antibiotiques alors que les techniques de diagnostic datent du XIXème siècle? »

S.H. : Je rejoins parfaitement ici l’opinion de Carl Nathan ; il est clair qu’en milieu hospitalier de grands progrès sont à accomplir en ce qui concerne les techniques de diagnostic des maladies infectieuses. Le diagnostic est bien souvent difficile à établir et certains médecins, par manque de connaissances, de formation, ou par simple sécurité préfèrent bien souvent prescrire des antibiotiques à un patient dont le diagnostic n’est pas certain. Il est donc nécessaire de faire évoluer les habitudes de certains médecins, de même que de nombreuses campagnes d’éducation tentent de faire changer les habitudes des patients. Une régulation de la distribution des antibiotiques serait également bienvenue, c’est ce qui s’est passé dernièrement en Espagne et en Grèce. Il serait également bon de relancer certaines méthodes empiriques, comme la quarantaine, voire l’utilisation de certains « vieux » antibiotiques, quelque fois encore parfaitement efficaces. Je pense ici notamment aux USA qui, voilà deux à trois ans, importaient de la pénicilline, leur propre production ayant été abandonnée.

Enfin, en dernier lieu, je pense que certains pans de la recherche on été quelque peu négligés depuis un certain temps, je pense notamment à la vaccination, et mériterait d’être relancés. Pour conclure, je reste peu alarmiste quant à l’avenir pour les pays développés, dont je pense que les maladies comme le diabète, les cancers et autres maladies psychiques restent autrement plus dangereuses. Mais la situation est bien différente pour les pays du Tiers-Monde.

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